Claude Barratier nous informe que les préfets ne contrôlent pas la légalité de ces financements que le citoyen peut et doit examiner. Lorsqu’un ou plusieurs citoyens déposent des recours administratifs, ils gagnent et la loi est imposée. Ce citoyen vigilant a réussi facilement dans ces opérations « mains propres » et est tenu informé de centaines d’actions.
Quelles contributions obligatoires ?
Toujours le même lecteur donne les sources qui indiquent quelles sont les contributions obligatoires pour les collectivités. Il s’agit de la loi N° 59-1557 du 31.12.1959, dite “Loi DEBRE”, reprise dans l’article L 442-5 du Code de l’éducation. Seuls sont concernés les établissements sous contrat d’association avec l’État.
C’est ainsi qu’une liste des dépenses de matériel d’enseignement(1)Circulaire n° 85-105 du 13 mars 1985. est établie :
- L’entretien des locaux affectés à l’enseignement ;
- Les frais de chauffage, d’eau, d’éclairage et de nettoyage des locaux à usage d’enseignement ;
- L’entretien et, s’il y a lieu, le remplacement du mobilier scolaire et du matériel collectif d’enseignement n’ayant pas le caractère de biens d’équipement ;
- L’achat de registres et imprimés à l’usage des classes ;
- La rémunération des agents de service(2)Les ATSEM doivent être pris en compte dans le calcul du forfait communal des classes élémentaires depuis que le ministre Blanquer et le président Macron ont rendu l’école obligatoire pour les classes maternelles et que, par décret immédiat, la prise en compte du salaire des ATSEM est devenue obligatoire, sauf lorsque les ATSEM sortent du cadre des dépenses matérielles d’enseignement, ce qui est le cas pour l’encadrement des petits à la cantine de 11 h 30 à 13 h 30, soit 2 heures par jour, 6 heures ou 8 heures suivant la semaine de 4 jours ou de 5 jours. Le salaire des ATSEM est l’objet d’un prorata dans tous les cas..
Il faut souligner, comme le rappelle Claude Barratier, qu’il y a un prorata pour les dépenses d’eau, d’électricité, de gaz, de produits d’entretien, du fait que les locaux scolaires sont utilisés en dehors des heures de classe pour du périscolaire : garderies matin et soir, centres aérés pendant les vacances.
C’est ainsi que, souvent, ce calcul de prorata diminuera les frais de fonctionnement à payer à l’école privée. Une déduction parfois très importante dans la liste des dépenses mentionnées ci-dessus(3)http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=59362.. Il est à rappeler que les dépenses d’investissement ne sont pas prises en compte dans le forfait.
Voici quelques abus très répandus constatés par Claude Barratier :
- le forfait communal obtenu, l’école privée demande en cours d’année d’autres prébendes sur des projets pédagogiques, qui s’ajouteront aux sommes versées au titre du forfait communal. C’est interdit, car, ainsi, au total chaque élève de l’école privée recevrait plus en matière de contributions publiques aux dépenses matérielles d’enseignement que son homologue de l’école publique. Plusieurs associations internes à l’école privée demandent souvent ces dépassements ;
- l’école privée obtient par relations (douteuses) des fonds d’une collectivité locale agissant en dehors de sa compétence financière. Par exemple, un département dont la compétence est seulement le collège va subventionner une école élémentaire privée sous contrat, donc de la compétence financière de la seule commune. Ainsi, chaque élève de l’école privée recevra plus de fonds publics que son homologue du public. La commune qui a la compétence de l’école privée devra diminuer sa contribution pour rétablir la parité en même temps que des citoyens tenteront par recours administratif de faire annuler la subvention.
Un peu d’histoire sur la prédation du privé sur les finances publiques
À l’appui de l’analyse de Claude Barratier, nous pouvons préciser que, depuis la Libération en 1944 et la fin du régime privilégié des cultes accordé aux écoles privées sous tutelle de l’Église catholique par le régime de Vichy, l’Église n’a eu de cesse d’essayer de reconquérir sa domination sur l’éducation des élèves. Ainsi, beaucoup de maires, de présidents de région ou de départements ont eu affaire avec les mandataires de l’Organisme de gestion de l’enseignement catholique chargé de récolter le maximum de fonds publics. Jouant sur une méconnaissance des textes et des obligations légales de la part des élus, ils n’hésitent pas à menacer de poursuite devant les juridictions administratives afin d’obtenir gain de cause.
- 1er avril 1945 : « Les subventions aux écoles privées sont officiellement supprimées… mais maintenues pour l’enseignement technique privé, l’éducation physique, les mouvements de jeunesse… et les établissements privés peuvent recevoir des aides sous forme de bourses »(4)Ministre Capitan. ;
- 1948, 2e reculade par une voie détournée : selon le décret Poinso-Chapuis, les municipalités et conseils généraux peuvent subventionner les écoles privées par les Unions nationales et régionales des allocations familiales ;
- 1951, 3e reculade avec les lois Marie et Barangé : l’octroi de bourses à l’enseignement privé est permis ; une brèche est ouverte et saluée comme une victoire par l’Organe des écoles soi-disant libres et de fait privées et catholiques ;
- 1959, 4e offensive cléricale avec la loi Debré qui permet le financement public des écoles privées. Cette loi, certes négative et nocive pour le principe de laïcité, permet la signature d’un contrat de l’État avec chaque établissement pris séparément. Le caractère propre se résume au caractère privé, rien d’autre ;
- 1977, loi Guermeur et aggravation de la loi Debré qui refusait à l’enseignement catholique d’être l’égal de l’Éducation nationale. Est actée l’égalisation des situations avec celles des enseignants du secteur public. Les fonds publics financent le déroulement de carrière des enseignants du privé. Est introduit ce dont nous parle Claude Barratier dans son courrier, le « forfait communal ». De facultative, la contribution des communes aux écoles privées devient obligatoire ;
- 1992, avec l’accord Lang-Couplet, la négociation ne se fait plus par établissement, mais avec un organisme de droit privé prétendant représenter toutes les écoles catholiques. C’est contraire à l’esprit de la loi Debré. Cet accord visait à épurer un contentieux portant sur 1,8 milliard d’€ sur les 5 milliards exigés par l’enseignement catholique à propos du forfait d’externat ;
- 2004, la loi Carle oblige toute commune à financer les dépenses d’entretien d’un élève dont les parents sont domiciliés dans la commune, mais dont l’enfant fréquente une école privée d’une autre commune.
Des lois contraires au principe de laïcité, à la liberté de conscience
Les collectivités, dans le cadre des lois actuelles, doivent veiller à ne pas subventionner au-delà des obligations légales les écoles privées.
En outre, il paraît impensable, dans notre République qui se dit laïque, que l’État subventionne des établissements privés confessionnels qui affirment que leur caractère propre relève de « la mission de témoigner auprès de tous les jeunes de la vérité vivante de la révélation chrétienne »(5)Charte de la formation de l’enseignement catholique., que les écoles privées catholiques sont sous la tutelle de l’Église « garante de l’authenticité évangélique des projets… de la vocation évangélique de l’enseignement catholique »(6)Charte de la formation de l’enseignement catholique..
Le seul devoir des parents, le seul devoir de l’État à l’égard de tous les jeunes gens est de leur permettre de bénéficier d’une instruction, d’une éducation de haute qualité qui assure leur liberté de choix spirituel, philosophique à l’âge adulte, de former des citoyens libres et conscients et non de les conformer à des dogmes religieux ou idéologiques.
C’est tout l’objet de la loi de 2004 interdisant le port de signes par lequel les élèves manifesteraient de façon ostentatoire leur appartenance religieuse. Ceci est stipulé afin de préserver la sérénité qui doit présider au sein des établissements scolaires. C’est une loi qui reprend les trois circulaires du ministre du Front populaire Jean Zay et qui n’est pas appliquée par les écoles privées sous contrat. D’ailleurs, est-il besoin de rappeler que les responsables de l’enseignement catholique qualifient la Charte de la laïcité qu’il est obligatoire d’afficher de liberticide ?
Depuis la Révolution française, il semblait être admis que nul ne devait se trouver dans l’obligation de participer au financement d’un culte qui n’est pas le sien. Or, avec le financement public des écoles privées confessionnelles, tous les contribuables se voient contraints de subvenir aux besoins d’un culte et d’une religion, même si ce n’est pas les leurs et, a fortiori, s’il sont athées. Tout est dit.
Notes de bas de page
↑1 | Circulaire n° 85-105 du 13 mars 1985. |
---|---|
↑2 | Les ATSEM doivent être pris en compte dans le calcul du forfait communal des classes élémentaires depuis que le ministre Blanquer et le président Macron ont rendu l’école obligatoire pour les classes maternelles et que, par décret immédiat, la prise en compte du salaire des ATSEM est devenue obligatoire, sauf lorsque les ATSEM sortent du cadre des dépenses matérielles d’enseignement, ce qui est le cas pour l’encadrement des petits à la cantine de 11 h 30 à 13 h 30, soit 2 heures par jour, 6 heures ou 8 heures suivant la semaine de 4 jours ou de 5 jours. Le salaire des ATSEM est l’objet d’un prorata dans tous les cas. |
↑3 | http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=59362. |
↑4 | Ministre Capitan. |
↑5, ↑6 | Charte de la formation de l’enseignement catholique. |