Les budgets de la Sécu et de l’État restent toujours inacceptables

You are currently viewing Les budgets de la Sécu et de l’État restent toujours inacceptables

Il faut le répéter : derrière le spectacle du Parlement, l’évolution des budgets de la Sécu et de l’État reste inacceptable au regard des besoins sociaux. On passe d’un budget austéritaire à un autre budget austéritaire. Entre le budget 2024, le budget prévisible 2025, la proposition budgétaire 2026 du gouvernement et l’actuel budget de la Sécu transmis de l’Assemblée nationale au Sénat, le solde budgétaire oscille dans un écart inférieur à 1 % de son budget annuel ! Le bruit et la fureur des antagonismes transmis par les médias dominants ne sont que la caisse de résonance des cris d’orfraie des représentants de l’oligarchie capitaliste face à toute avancée sociale minime demandée par la gauche. S’il était encore besoin de le démontrer, voilà qui devrait nous amener à revenir à l’idée que la seule majorité qui vaille est la majorité absolue !

Comprendre la taxe Zucman

L’union de toutes les droites au service du grand patronat (extrême centre, droite installée, extrême droite), majoritaire à l’Assemblée nationale, a contré comme un seul homme la taxe différentielle Zucman, qui n’est pas une taxe additionnelle. Expliquons comment fonctionnerait cette taxe.

Supposons qu’Anatole possède un patrimoine de 150 milliards d’€ placé dans une holding. Un rendement de 6 % lui donne un revenu économique de 9 milliards. Si sa holding ne lui verse que 500 millions d’euros en dividendes, il n’est taxé que sur les dividendes qu’il reçoit, soit 500 x 30 % (prélèvement forfaitaire unique) = 150 millions. Mais son patrimoine augmente et devient de 150 + 8,5 = 158,5 milliards d’euros. Sa holding placée dans un paradis fiscal ne paye aucun impôt. Résultat, le taux d’imposition d’Anatole est donc de 150 : 9000 = 1, 67 %, bien inférieur à tous les ouvriers, employés et classes moyennes. Si la taxe différentielle Zucman de 2 % était applicable, il s’agirait d’appliquer le taux différentiel (2 % -1, 67 %= 0,33 %) au revenu économique de 9 milliards. S’il n’a payé que 150 millions d’impôts, il doit un impôt complémentaire de (9 x 33 %) – 0,15 = 2,85 milliards d’euros. S’il a payé 600 millions d’impôts de toutes sortes, la taxe différentielle Zucman serait de (9 x 33 %) – 0,6 = 2,4 milliards d’euros d’impôt complémentaire.

Macron-Lecornu veille aux intérêts de l’oligarchie

Le but du couple Macron-Lecornu est de protéger les intérêts des ultra-riches tout en satisfaisant les quelques demandes sociales des sociaux-libéraux du PS.

Comme le but du PS est une recomposition avec la pseudo-aile gauche de l’extrême centre, le but du couple Macron-Lecornu est de protéger les intérêts des ultra-riches tout en satisfaisant les quelques demandes sociales des sociaux-libéraux du PS. D’où quelques milliards concédés au PS tout en restant dans des évolutions de moins de 1 % du solde budgétaire du budget de la Sécurité sociale. Dans les faits, rappelons que le décalage de la réforme des retraites, y compris son élargissement aux carrières longues, voté le mercredi 12 novembre 2025, ne coûterait en plus que 400 millions d’euros en 2026 (soit 0,000 6 % du budget de la Sécu) et 1,9 milliard d’euros en 2027 (0,003 % du budget de la Sécurité sociale) !

L’exécutif et le PS ont souhaité, le 31 octobre dernier, remplacer la taxe Zucman par une taxe « Canada Dry » de 2 %, mais minorée et sans les biens professionnels (85 % des actifs des holdings), en les restreignant sur les dépenses d’agréments (yachts, vins, bijoux, etc.). Même la proposition de Christine Pirès-Beaune, députée PS, de faire une ponction de 20 % sur les dividendes stockés par les holdings, qui ne sont pas reversés à leur détenteur, a été combattue par le gouvernement et par l’union de toutes les droites. La ministre Amélie de Montchanin mérite les félicitations du grand patronat !

Et pour les votes sur les intérêts de la bourgeoisie, comme le pacte Dutreil, qui permet la transmission des biens professionnels de la bourgeoisie avec une réduction de 75 % des frais de transmission, la réunion de l’union de toutes les droites a été réussie ! Jusqu’à la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S, 5 milliards de cadeaux aux entreprises). Et si on rajoute à cela le rassemblement RN-UDR-LR-Horizons pour faire passer la résolution proposant la dénonciation de l’accord France-Algérie de 1968, on peut dire que l’union de toutes les droites a franchi un cran de plus.

Les votes du PLFSS 2026 transmis au Sénat

Le volet dépenses du budget de la Sécu PLFSS 2026 n’a pas pu se faire complètement. Plus de 200 amendements n’ont pas été délibérés. LFI a demandé l’autorisation de continuer jusqu’au bout. Le refus du gouvernement et du PS a eu gain de cause. Les premiers visaient un vote négatif sur le volet dépenses et donc sur l’ensemble du budget de la Sécu, le RN ayant annoncé qu’il voterait contre ce budget. Les seconds préféraient éviter ce vote négatif et rechignent à retourner aux urnes. Maintenant, c’est au Sénat d’entrer en piste. Le Sénat va durcir l’austérité de ce budget et va donc voter un budget de façon différente de l’Assemblée nationale. Tout cela va se terminer en commission mixte paritaire avec 7 députés et 7 sénateurs pour tenter un autre compromis austéritaire qui devra être voté de façon identique dans les deux assemblées. Sinon, il restera le vote par ordonnances ou la loi spéciale qui donnera, dans ce cas, un nouveau budget austéritaire. Tout reste possible, y compris la censure.

En dehors du RN, le reste de la représentation politique se fracture encore plus

À droite

La tripartition chancelle dans l’hémicycle. LR commence à se diviser en trois sur certains votes d’articles. Devant l’effritement prévisible de l’extrême centre dans l’opinion, les uns préparent un rapprochement avec Horizons d’Edouard Philippe, les autres envisagent une alliance avec le RN (et la continuation d’un parti autonome de la droite a de moins en moins d’adeptes), et enfin d’autres encore rêvent d’une recomposition avec l’aile droite de Renaissance.

À gauche

Quant à la gauche, la polémique LFI-PS a franchi de nouveaux seuils. Aucune direction de gauche n’ose parler d’une perspective de pouvoir en dehors d’un renforcement endogène de sa propre organisation. Plus de double besogne. Pas de projet politique clair à moyen terme en dehors d’un programme-catalogue de mesures. Et pas de stratégie commune à gauche. Alors, quand on rassemble 30 % des votants tous ensemble, l’avenir collectif est sombre à court terme. Les autres partis pris dans cette crise de la gauche sont divisés quant à la stratégie aussi bien nationale que locale, vu que nous sommes à quelques mois des municipales. Les votes au Parlement du groupe Ecologiste et Social regroupant les députés des Ecologistes, de l’Après, de Debout et de Génération’s en porte témoignage. Certaines alliances municipales de ces partis sont en décalage complet avec leurs alliances nationales. D’autant que, pour les municipales, la division à gauche au premier tour va être maximale. Nous reviendrons sur ces points ultérieurement.

Dans les syndicats

Il est à noter que le mouvement syndical, sans doute plus proche de la base sociale populaire que certains partis politiques, prend une position différente des partis. Alors que LFI a voté contre le décalage de la réforme des retraites, la CGT déclare, dans un communiqué du 12 novembre : « les générations nées entre 1964 et 1968 pourront partir 3 mois plus tôt que prévu par la réforme. Il s’agit d’une première brèche arrachée grâce à la mobilisation de millions de travailleurs et travailleuses, qui retarde d’un an l’application de la réforme ». Suit dans le communiqué un appel à abroger dans un deuxième temps ladite réforme.  

L’opposition PS-LFI sacrifie la nécessité du rassemblement de la gauche au primat de la bataille du leadership de la gauche. Le Parti communiste et les Ecologistes ballotés et divisés sur ce débat n’ont plus de boussole. Les petits partis comme l’Après, Debout et Génération’s ont des discours grand écart entre leur narratif et leur pratique. Leur discours sur l’unité du NFP devient inaudible, tellement il s’écarte du réel visible. Plus que jamais, nous voyons que le temps de l’histoire n’est pas le temps humain. Toutes les conditions de la transformation sociale de la gauche dans l’histoire sont abandonnées à d’autres. Et ceci est le fait tant des directions de « la gauche dite modérée » que celle de « la gauche dite radicale » avec un point commun, la terranovisation(1)Terra Nova est un laboratoire d’idées politiques de gauche progressiste, étroitement lié au Parti Socialiste. C’est ce laboratoire qui a troqué le combat social pour le combat sociétal et abandonné les classes laborieuses. de toute la gauche organisée. Suivant leur placement dans l’arc politique, ces directions ont abandonné telle ou telle condition nécessaire avant toute transformation sociale et politique. Nous reviendrons sur ces points ultérieurement.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Terra Nova est un laboratoire d’idées politiques de gauche progressiste, étroitement lié au Parti Socialiste. C’est ce laboratoire qui a troqué le combat social pour le combat sociétal et abandonné les classes laborieuses.