Tirer les enseignements politiques des attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015

Ces attentats marqueront l’histoire du combat permanent pour la liberté d’expression, pour la liberté de conscience, pour la laïcité. Nous avons d’abord réagi par un texte paru d’abord dans l’Humanité puis dans ReSPUBLICA. L’émotion suscitée par ce carnage a produit le dimanche 11 janvier 2015 une des plus importantes mobilisations du peuple français. Mais cette réprobation populaire et salutaire n’épuise pas, loin s’en faut, la réflexion nécessaire pour engager une analyse concrète de la situation concrète, phase indispensable pour se poser les questions suivantes : « Que faire ? » et « Comment le faire ? ».
D’autant que si nous louons la mobilisation du 11 janvier 2015 car elle est d’abord une mobilisation populaire de première importance, nous ne pouvons pas nier qu’elle a été l’objet d’une vaste instrumentalisation politico-médiatique par ceux qui entretiennent un environnement propice à de tels actes. Oui, nous avons besoin de mener une analyse indépendante des forces sociales et politiques qui sont responsables de cette situation.
Nous souhaitons donc lancer un appel à une réflexion collective sur la base des points suivants qui sont tous soumis à la délibération démocratique de ceux qui voudront bien s’en saisir.

Point 1. Nous estimons que les solutions ne peuvent être fondées sur un durcissement sécuritaire qui outre son caractère liberticide serait tout aussi inefficace que les durcissements précédents (voir la récente loi de lutte contre le terrorisme entre autres). Elles ne peuvent pas non plus consister à engager des opérations guerrières inefficaces comme l’ont déjà réalisé les pompiers pyromanes qui nous dirigent (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie, etc.) car aujourd’hui est pire qu’hier suite à leurs interventions.

Point 2. Nous estimons par contre que nous devons engager des politiques de temps court, de temps moyen et de temps long car on ne sortira pas de cette crise globale par des solutions aussi simplistes que démagogiques. Il nous faudra clarifier et comprendre la complexité des situations. Une fois comprises leurs causes complexes, il faudra admettre que les gouvernements rompent avec les politiques d’austérité pour trouver les financements nécessaires.

Point 3. En ce qui concerne le droit à la sûreté et à la sécurité publique, la déficience et le manque de coordination des services de renseignement français ont été patentes. Il convient donc, pour répondre aux actes du terrorisme islamiste, de centraliser, de développer de façon enfin efficace le renseignement français à un haut niveau technique et analytique, en matériel, en formation, en personnel.
Mais pour assurer le maintien et la promotion de droits nouveaux, il est nécessaire que tout développement du renseignement s’accompagne de dispositifs de contrôle institutionnel et populaire tels que le renseignement ne soit pas utilisé insidieusement, comme par le passé, pour des intérêts politiciens ou pour la restrictions des droits.

Point 4. Plus que jamais, il est impossible d’accepter le caractère criminogène des prisons qui favorise depuis plusieurs années la radicalisation islamiste et tous les embrigadements. Une réflexion de fond en comble est nécessaire sur le traitement des prisonniers durant leur incarcération, dans la préparation à la réintégration dans la société, notamment par des mesures éducatives ayant un prolongement après la sortie, mesures qui nécessitent davantage de personnels.

Point 5. Plus que jamais, nous devons dénoncer le double jeu des néolibéraux dans leur alliance énergétique avec les monarchies pétrolières qui financent le terrorisme islamiste. Notre stratégie doit être celle du double front contre les politiques néolibérales d’une part et contre les intégrismes et communautarismes d’autre part. Voilà pourquoi le combat laïque s’internationalise aujourd’hui.

Point 6. Nous ne pouvons plus accepter d’être sous la coupe de conflits inter-impérialistes favorisant les intégrismes religieux et politiques. Plus que jamais, nous devons œuvrer pour une politique internationale basée sur la paix, la coopération, le développement économique, laïque, social et écologique.

Point 7. C’est le modèle politique néolibéral qui produit des « monstres », qui sont bel et bien de nationalité française. C’est le développement actuel du capitalisme qui discrédite la promesse républicaine d’intégration et de mobilité sociale. L’accroissement des inégalités sociales de toute nature, l’augmentation de la pauvreté et de la misère en France, les attaques contre les droits économiques et sociaux mis en place par le Conseil national de la Résistance, la démolition progressive de l’école, des services publics, de la protection sociale, l’accroissement du travail précaire et du chômage, les discriminations quotidiennement vécues, toutes conséquences de la course au profit capitaliste, ne permettent pas une sortie par le haut de cette crise globale.

Point 8. C’est bien d’un modèle politique alternatif que nous avons besoin. Le modèle que nous préconisons est celui de la République sociale avec ses principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de démocratie, de solidarité, de souveraineté populaire, de droit à sûreté, d’universalité, de développement écologique et social.
Pour cela, des ruptures sont nécessaires notamment avec la politique de l’actuelle Union européenne, fondée sur le dogme de la « concurrence libre et non faussée », et celle de l’actuelle zone Euro. Cela passe par l’affirmation et le développement de la souveraineté populaire.

Point 9. Le combat laïque (dont découlent notamment la liberté de conscience, la liberté des cultes, la liberté d’expression, la stricte séparation des églises et de l’Etat) doit être mené contre ses trois adversaires en France. D’abord contre le laïcisme de droite et d’extrême droite qui veut stigmatiser et discriminer les musulmans. Puis, contre le lobby catholique responsable de la croissance des financements communautaristes et des dérogations en fonction des territoires. Enfin, contre la laïcité d’imposture prônée par une partie de la gauche et de l’extrême gauche qui favorise par complaisance les communautarismes et les intégrismes religieux

Point 10. Le rôle de l’éducation est stratégique pour les jeunes d’aujourd’hui et de demain. Or la réaction néolibérale a travaillé à détruire ce qu’il y avait de républicain, bien qu’imparfait, dans l’école héritée de la IIIe République : en réduisant et en émiettant les contenus émancipateurs (histoire, maîtrise de la lecture, de la langue française…), en dévalorisant les apprentissages suivis et méthodiques, en opposant un constructivisme dogmatique aux pédagogies de la transmission, l’école néolibérale plus que jamais laisse démunis les enfants de milieux populaires, sécrétant l’échec scolaire et la désespérance sociale, et ouvrant un champ libre aux entreprises d’endoctrinement.

Point 11. Pour autant, même si l’école publique doit être reconstruite, encore plus républicaine qu’autrefois, si ses enseignants doivent être soutenus face aux pressions de tous ordres, nous ne cesserons de dire qu’on ne peut tout lui demander, car elle est combattue par les forces extérieures représentatives du profit privé (publicité, modèle de consommation facile et plus généralement l’idéologie dominante véhiculée par les médias). Elle doit donc être épaulée et prolongée par une éducation populaire qui touche ceux qui restent absents ou à la marge du débat citoyen.

Point 12. Nous continuerons à dire que la crise globale que nous subissons n’a pas que des causes économiques et sociales. Elle a aussi des causes culturelles. Comme le disait Antonio Gramsci, aucune transformation économique, sociale et politique n’aura lieu si préalablement nous ne gagnons pas la bataille de l’hégémonie culturelle. Voilà pourquoi une grande campagne d’éducation populaire visant à mener cette bataille pour l’hégémonie culturelle sur tous les thèmes ci-dessus s’avère nécessaire et prioritaire sur tout le territoire.

Point 13. Rassembler les forces de la gauche sociale, laïque et républicaine est la première tâche à opérer. Les points qui précèdent doivent être considérés, bien sûr, comme une base de discussion en vue du rassemblement pour mener à bien la campagne notée au point 12.