La nième tentative de Macron-Lecornu pour garder le pouvoir contre le peuple
Après la décision de ne pas recourir à l’article 49 alinéa 3, il ne faut pas oublier qu’il existe encore de nombreuses façons, conformes à la Constitution de la 5ème République, « d’innover » pour gagner du temps et s’opposer à la volonté des Français, et ce, bien avant l’utilisation de l’article 16 de la constitution, qui donne « provisoirement » des pouvoirs étendus au président de la République. L’article 44 alinéa 3 en est un exemple avec un vote bloqué uniquement avec les amendements du gouvernement ; l’article 45 en est un autre si l’article 44 ne suffit pas, de même que l’article 47 avec les ordonnances, etc.
Tout ce cirque est dû au fait que tout retour aux urnes par dissolution de l’Assemblée nationale donnera probablement, à la lecture des études d’opinions et des sondages, une forte poussée de l’union de toutes les droites, un maintien ou une légère augmentation de la gauche et un fort recul de l’extrême centre, ouvrant la voie à un retour à la bipolarisation, puisque le front dit « républicain » existera chaque fois avec moins de détermination. Les deux pôles vivront avec deux sous-ensembles chacun.
Tendance gauche des macroniste et PS : quel accord ?
Une partie de l’aile gauche de l’extrême centre macroniste sentant ce risque vient de produire une tribune pour la régularisation des travailleurs salariés sans-papiers dans les métiers en tension. Très belle tribune bien écrite et qui permettra son passage à gauche peut-être ?
Comme nous l’annoncions dans l’édito précédent, le fait que le Parti socialiste ait accepté le décalage, sans blocage ni abrogation, de la dernière contre-réforme des retraites de 2023, par simple amendement au PLFSS 2026 dans la partie dépenses, était un suicide politique assuré puisque cela obligeait ledit PS à voter un PLFSS hyper austéritaire pour avoir droit au décalage. Enfin, ils ont compris et ont demandé la lettre rectificative à Sébastien Lecornu, qui vient de la faire acter par le conseil des ministres du jeudi 23 octobre. Maintenant, même si Macron-Lecornu utilisent la voie des ordonnances via l’article 47, le décalage sera considéré comme faisant partie du PLFSS initial. Mais il y avait un nouveau piège tendu par Macron-Lecornu dans la lettre rectificative : le décalage de la contre-réforme des retraites de 2023 sera financé de façon +++ par les retraités eux-mêmes !(1)Voir l’édito de la semaine dernière : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-combats/respublica-combat-social/retraites-decaler-nest-pas-bloquer-ni-abroger/7439155., notamment en augmentant la sous-indexation des retraites de 2027 à 2030 de 0,9 % au lieu des 0,4 % prévus dans le PLFSS 2026 initial ! La CGT et la CFDT et toute l’Intersyndicale y sont hostiles et c’est très bien !
Application de la stratégie de l’union de toutes les droites dans la commission des finances de l’Assemblée nationale
La fin des illusions de La France insoumise (LFI) et de la gauche tout entière a sonné. La présidence de la Commission des finances donnée à un député de la FI et le délire de croire qu’une majorité dite relative est une vraie majorité sont des leurres pour adultes consentants.
Les votes avaient bien commencé quand un amendement d’un député Liot a permis de rehausser le plafond de la première tranche de 1 % (initialement au même niveau que l’année dernière malgré l’inflation). Cela a permis d’éviter que 200 000 contribuables supplémentaires payent l’impôt sur le revenu. Mais, ensuite, ce fut un festival de l’union de toutes les droites où la majorité absolue (extrême centre, LR et RN) a permis au président du Medef de « sabler le champagne » et de voir un début de concrétisation de son discours politique du mois de septembre dernier que nous avons relaté dans un édito de ResPUBLICA.
Les principaux amendements de la gauche (dont la taxe Zucman, mais pas seulement) ont été repoussés par la majorité de l’union de toutes les droites pour finir avec des recettes du PLFSS 2026 insuffisantes afin de sortir de l’austérité +++. L’apothéose « mystique » fut atteinte quand l’extrême droite, minoritaire, abonda aux voix minoritaires de gauche pour refuser majoritairement l’austérité +++ de l’ensemble du volet recettes du PLFSS 2026. Cela montrait la nouvelle tactique de l’extrême droite qui veut démontrer qu’elle est capable de s’ajuster dans une majorité de l’union de toutes les droites. Mais qu’elle souhaite concrétiser cela après un retour aux urnes pour améliorer son rapport des forces.
À partir du vendredi 24 octobre et suivantes, nous allons revivre en séance tous ses votes sur plus d’une semaine. Le RN aligné sur le Medef !
Dans la foulée de ces trois journées de la commission des finances, le RN a donné une conférence de presse sur son contre-budget(2)https://x.com/i/broadcasts/1eaKbjXZdYZKX.. Il confirme son action décrite ci-dessus, en poursuivant la politique de l’offre de l’extrême centre macroniste. Pire, alors que l’institut des politiques publiques a montré(3)La baisse des impôts de production : ciblage et évaluation | Institut des Politiques Publiques – IPP. que les 10 milliards de baisses des impôts de production n’ont pas eu d’effet significatif sur l’emploi, le RN persiste et signe, car c’est une demande du Medef ! Le RN ne vote ni pour la taxe Zucman, ni pour la taxation des holdings patrimoniaux, ni pour une République sociale.
La gauche doit répondre au « que faire ?» face à la future union de toutes les droites
Bien sûr, la gauche doit continuer avec ses députés à augmenter, en séance, le volet recettes du projet de loi des finances (PLF et budget de l’État) en augmentant les impôts sur les grandes entreprises et les ultra-riches qui payent beaucoup moins d’impôts en proportion que la grande majorité des travailleurs. C’est bien la modification de la répartition des richesses qui doit être visée. La baisse des 8 points de PIB en 40 ans des salaires socialisés et des salaires directs est intolérable. La lettre de la secrétaire générale de la CGT aux parlementaires fixe le bon objectif concret à court terme.
Ensuite, l’ancien mouvement du 10 septembre doit intégrer la bataille syndicale pour la dynamiser et ne pas se considérer indépendant du mouvement social général. D’abord en gardant l’unité de l’Intersyndicale, notamment pour garder la pression contre la réforme des retraites de 2023, qui doit être in fine bloquée et abrogée.
De plus, il est indispensable de relancer tous les débats nécessaires en assemblées générales, afin d’ouvrir une autre perspective mobilisatrice que les manifestations saute-mouton sans aucune préparation de grèves massives et reconductibles pour les raisons et les propositions présentées dans plusieurs éditos récents de ReSPUBLICA. Et si cela demande des modifications de ligne stratégique et de fonctionnement des organisations syndicales (nouvelles fonctions et nouveaux financements des unions locales syndicales, préparation méticuleuse des grèves massives et reconductibles, plus de formations des militants, plus d’éducation populaire pour le grand public, plus de démocratie délibérative, etc.), n’hésitez pas à les mettre en discussions.
Rassemblement à gauche sur une base sociale indispensable
Quant à la gauche politique, elle doit se préparer face à l’union de toutes les droites. Elle doit se rassembler. Les processus de rapprochement, voire de fusion des petites organisations de gauche doivent continuer entre l’Après, Générations, Debout ! Toute la gauche doit mener des batailles globales, mais avec le primat de la bataille sociale plutôt qu’avec le primat de l’essentialisme et des politiques identitaires. C’est le point de passage obligé pour devenir vraiment majoritaire aux fins d’émanciper la France au profit des classes populaires et de leurs alliés, de permettre une sortie des politiques d’austérité, une réindustrialisation avec transition énergétique et écologique, une résistance à la militarisation de l’économie.
Notes de bas de page
