Analyse du PLF (Projet de loi de finance) et du PLFSS (Projet de loi de finance de la Sécurité sociale) pour 2026
D’abord, décaler n’est pas bloquer, ni abroger ! Décaler, c’est maintenir les 64 ans et les 43 ans d’annuités dans la loi ! Quant à la conférence sur les retraites entre partenaires sociaux, quelle est l’assurance de faire mieux que lors du conclave de Bayrou ? Pour nous, c’est clair, ni retraites à points de la CFDT et de la CFTC ni capitalisation pour augmenter les dividendes des financiers. Ensuite, les très riches sont épargnés, les politiques écologiques passent à la trappe, le budget militaire est florissant. Et enfin, le reste des budgets proposés est intolérable dans la mesure où c’est une réplique des budgets Bayrou :
- Une baisse trop rapide vers les 4,7 % de déficit (pour 117,9 % du PIB de dette) est une forte action récessive. En effet, l’effet récessif de l’effort budgétaire est plus important lorsqu’il passe par des réductions de dépenses utiles plutôt que par une augmentation des impôts progressifs.
- Une justice fiscale en trompe-l’œil, car elle dispense de s’intéresser aux biens professionnels qui sont la principale source de l’enrichissement exponentiel des ultra-riches sans que ceux qui créent la richesse aient leur part.
- La continuation d’une politique de l’offre mal ciblée qui intéresse les très grandes entreprises plutôt que les PME et les entreprises non industrielles plutôt que les industrielles. L’obscure « contribution sur la valeur ajoutée des entreprises » (CVAE) appartient à la famille des « impôts de production ». Ce terme regroupe l’ensemble des prélèvements qui sont dus par les entreprises, quel que soit leur niveau de rentabilité. Contrairement à l’impôt sur les sociétés, qui porte sur les bénéfices, leur assiette concerne la masse salariale, le bâti, ou encore le chiffre d’affaires. Elle porte sur les facteurs de production et pas sur la santé économique réelle des sociétés. Ce qui accentue notamment la désindustrialisation. Le CICE(1)Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) était un avantage fiscal envers les entreprises soumises à un régime réel d’imposition et qui emploient des salariés., transformé en exonérations fiscales, et le crédit impôt recherche n’ont que de faibles retombées en emploi et sont des niches très onéreuses qui ne sont que des effets d’aubaine. Le montant des niches fiscales est de 88,3 milliards d’euros dans le PLF.
Mais c’est aussi :
- Une augmentation générale des impôts due au gel du barème de l’impôt sur le revenu et la CSG
- Une baisse des retraites, des revenus des fonctionnaires et des allocataires due à l’année blanche
- Une politique d’austérité de 5 milliards sur les communes et les services publics locaux
- Le retour de la TVA pour les autoentrepreneurs et indépendants non appliqué par Bayrou
- La contribution exceptionnelle des plus grosses entreprises qui est divisée par deux alors que le Gouvernement veut faire payer les micros-entrepreneurs et les petits artisans
- Le gel (donc la baisse) des prestations sociales – allocations familiales, allocations logement, AAH, etc. – et des salaires de la fonction publique. C’est cette année blanche sur les prestations qui est l’une des causes de l’augmentation des inégalités sociales
- La désindexation (donc la baisse) des pensions 2026 et la sous-indexation de 2027 à 2030 de -0,4 % en dessous de l’inflation, ainsi que la suppression de l’abattement de 10 % pour les retraités, remplacé par un forfait de 2 000 euros
- La suppression de 3 000 postes dans la fonction publique
- Le doublement des franchises médicales, des transports médicaux, l’austérité sur le budget Santé de 7,1 milliards d’euros (au lieu de 5 dans le budget Bayrou), l’austérité renforcée des hôpitaux et des Ehpad, etc. Il est très important de comprendre que les besoins sociaux et médicaux augmentent plus fortement que la montée des moyens (vieillissement de la population, laxisme face au secteur privé des médicaments, face à la désertification médicale et face à la tendance à la privatisation de l’hébergement de la fin de vie). Augmenter le budget de la santé de 1,6 % (contre 3,5 % cette année) pour une inflation prévue à 1,3 % est un scandale national !
- Et enfin, le plafonnement de la durée des arrêts de travail.
Déficit aggravé financé par le monde du travail
En matière de déficit, Lecornu prévoit déjà un déficit (donc programmé) de 17,5 milliards d’euros (contre 13,8 l’année précédente). Le reste à charge pourrait aller jusqu’à 350 euros par an au lieu de 292 euros en 2024 et 276 euros en 2023.
Faire payer la crise au monde du travail pour protéger les profits et les dividendes est la marque de fabrique des budgets de Lecornu.
Faire payer la crise au monde du travail pour protéger les profits et les dividendes est la marque de fabrique des budgets de Lecornu : les 211 milliards d’aides sans contreparties selon une commission sénatoriale ou 270 milliards d’après les deux journalistes auteurs du livre intitulé Le grand détournement est la logique du projet de M. Lecornu ! Les 90 milliards d’exonérations et d’exemptions de cotisations sociales sont maintenus.
Les socialistes bientôt Grosjean comme devant ?
Le fait de ne pas faire appel à l’article 49 alinéa 3 n’empêchera pas le Gouvernement de proposer les autres articles de la Constitution anti-démocratique. Mais, déjà, on peut dire que, sans l’article 49 alinéa 3, il est peu probable que les socialistes aient gain de cause. D’abord, Lecornu propose de déposer un amendement au PLFSS 2026 lors du vote des dépenses (probablement le mois prochain), mais un vote de l’amendement ne suffit pas pour qu’il devienne réalité, encore faut-il que le PLFSS lui-même soit voté ! Il faut donc passer par une commission mixte paritaire, ou par une loi ad hoc, ou par des ordonnances. Le PS n’a pas obtenu la loi ad hoc. La commission mixte paritaire sera une commission de 7 sénateurs et de 7 députés. Autant dire un lieu de puissance du parti des Républicains.
Passer par des ordonnances laisse libre cours au Gouvernement. Sans compter la possibilité des obstructions par milliers d’amendements. Et puis, le RN a prévenu qu’il n’aiderait pas le parti socialiste dans son tango avec l’extrême centre. Rien n’est donc réglé. Tout réside dans la volonté du président Macron et dans les croyances du Parti socialiste. Il va falloir mettre de gros cierges pour implorer le Tout puissant ! Cela se terminera donc par une censure avec une gauche soumise à la risée générale pour une union des droites renforcée ! Et sans doute des travaux de formation pour les députés socialistes en mal de compréhension du réel au Parlement.
Analyse du scrutin de la non-censure
L’analyse du scrutin donne 271 voix pour la censure, se décomposant comme suit : les 71 députés insoumis, les 139 députés RN-UDR, tous les députés du groupe écologiste (hormis 3), 7 socialistes, 1 élue LR, 15 députés du groupe communiste sur 17, 1 LIOT et 2 non-inscrits. LR est un cas d’école. Alors que 80 % des électeurs LR sont pour une alliance avec le RN et pour la censure, les jeunes LR également, une seule élue a fait partie des 271, en raison de fortes pressions. Deux autres députés LR ont en plus voté la motion de censure du RN. Le divorce entre la base LR et le sommet est donc flagrant. Mais tenons compte de l’existence de résistances dans l’appareil à l’union de toutes les droites.
Le besoin d’un nouveau projet politique et d’une ligne stratégique populaire devient urgent
La nouvelle donne politique demande un projet qui soit plus qu’un programme de mesures. Il doit montrer l’étendue de la double besogne. Bien sûr, ce projet politique se doit de définir des mesures immédiates, mais également une ligne stratégique populaire qui doit impliquer la classe ouvrière et employée : en effet, seuls 21 % de ses votants votent NFP, alors qu’elle représente 45 % de la population active. Nous avons besoin d’une implication bien plus forte de cette classe, surtout depuis l’éclatement du NFP. Rappelons que, le 10 mai 1981, 72 % des ouvriers et 62 % des employés avaient voté François Mitterrand.
Le projet politique doit définir les principes de son action, les ruptures nécessaires ainsi que les conditions indispensables pour assurer une politique holistique, même dans une phase difficile(2)Objectif République sociale ! – ReSPUBLICA.. Et un bloc populaire doit se constituer avec les classes populaires. Alors, la triangulation nécessaire entre le projet politique, la ligne stratégique et la campagne contre-hégémonique pourrait s’installer.
Réflexions sur le champ syndical et le champ politique
Sans nier l’intérêt de l’Intersyndicale unie, il convient de réfléchir sur le fait que la CFDT (et sans doute d’autres avec elle) a manifestement agi un pied dedans et un pied dehors. Les conciliabules Lecornu-PS-CFDT ont bien préparé l’accord de non-censure. Plusieurs dirigeants du PS ont d’ailleurs fait état d’une victoire du PS, idem pour plusieurs dirigeants de la CFDT. Pour le mouvement syndical plus revendicatif, il convient de changer de braquet. Sans doute, préparer plus sérieusement un rassemblement syndical pour travailler à un autre lien avec les travailleurs en amont des initiatives. Et pour éviter les manifestations saute-mouton.
Pour les partis politiques, il y a urgence à sortir de la division afin d’être assez nombreux pour effectuer l’ensemble des tâches politiques nécessaires pour un mouvement politique national. D’ailleurs, qui n’a pas vu que la multiplication des structures va de pair avec l’hétérogénéité de chacune d’entre elles.
Il manque une gauche de gauche capable de mobiliser la majorité des classes populaires
Il est temps de sortir de la vie politicienne et de donner le primat à la question sociale.
Avec près de dix millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté (nouveau record à 15,4 %), il importe de remettre dans ses priorités les politiques de solidarité qui sont reléguées au rang de sujets secondaires. Il est temps de sortir de la vie politicienne et de donner le primat à la question sociale. Bien sûr, la pauvreté ne bloque pas les routes ! L’augmentation de la mortalité infantile, le nombre de décès au travail, les enfants qui dorment dans la rue, l’aide alimentaire qui augmente, la pauvreté grandissante des familles monoparentales ne suscitent que peu d’actions du côté des politiques. Cette indifférence politique et sociale à un coût démocratique considérable.
Notes de bas de page
↑1 | Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) était un avantage fiscal envers les entreprises soumises à un régime réel d’imposition et qui emploient des salariés. |
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↑2 | Objectif République sociale ! – ReSPUBLICA. |