COP 28, de la propagande à la réalité

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Les COP sur le climat sont composées des États membres de l’ONU. Chaque État à une voix, même si les grandes puissances y jouent un rôle parfois déterminant. Les textes y sont adoptés au consensus. Les États membres de l’Union européenne y ont leur propre délégation qui exprime la position de leur pays, mais ils se réunissent tout au long de la négociation en formation Union européenne pour dégager des positions communes sur la base de la politique de l’UE en matière climatique. C’est alors l’UE qui négocie pour l’ensemble afin de donner le maximum de poids à la position commune. Les positions défendues par l’UE sont donc aussi la position des États membres et les engagent. C’est pourquoi dans cet article nous mettons en avant les différences entre les déclarations et les politiques concrètes aussi bien de l’UE que de la France, car elles sont très imbriquées et inséparables.

La COP 28 sur le climat s’est achevée le 12 décembre, au moment du dernier numéro de ReSPUBLICA de 2023. Nous n’avons pas pu en rendre compte avant cette reprise. Après avoir joué les prolongations, la COP a accouché d’un texte hybride, sans envergure, mais qui pour la première fois pour une COP fait allusion à la sortie des énergies fossiles avec une formule faible, sans engagement réel, et sans date.

Les conclusions de la COP 28

La rédaction retenue : « une transition hors des énergies fossiles dans les systèmes énergétiques », acceptée par les pays producteurs de ces énergies après des heures de négociation a été saluée comme une victoire par l’Union européenne et la France. Par ailleurs, le texte prône « une accélération des technologies à émissions nulles ou faibles, y compris entre autres le nucléaire », avec l’objectif de tripler la production d’énergie renouvelable et le doublement de l’efficacité énergétique en 2030. Il avance aussi l’utilisation de « technologie de réduction et d’élimination telle que le captage et le stockage (de carbone) et l’hydrogène bas carbone », ce qui laisse la possibilité de continuer à utiliser les énergies fossiles si elles sont adossées à des technologies de réduction des émissions de CO2, technologies pour le moment très aléatoires. Le texte renouvelle les préconisations déjà formulées à la COP 26 de 2021 de réduire l’utilisation du charbon et de stopper les investissements inutiles dans les énergies fossiles. Toutes ces dispositions sont des recommandations, sans obligations contraignantes, qui reposent sur les engagements des États parties prenantes.

Dans les faits ces engagements concrets des États situent les hausses de températures moyennes entre 2,1° et 2,8 ° Celsius, selon les projections plutôt optimistes. Aujourd’hui nous sommes à une augmentation de 1,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, avec les conséquences que nous connaissons déjà en termes de canicules, d’incendies et feux de forêt, d’inondations, d’ouragans et cyclones de plus en plus violents, de hausse du niveau de la mer qui mange les côtes avec des tempêtes plus fréquentes et plus fortes, d’acidification des océans, etc. L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée depuis que des relevés existent. Et les émissions de gaz à effet de serre continuent à croître au niveau mondial (plus 1,1 % par rapport à 2022 pour le CO2).

Dans les faits ces engagements concrets des États situent les hausses de températures moyennes entre 2,1° et 2,8 ° Celsius. Aujourd’hui nous sommes à une augmentation de 1,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, avec les conséquences que nous connaissons déjà en termes de canicules, d’incendies et feux de forêt, d’inondations, d’ouragans et cyclones de plus en plus violents, de hausse du niveau de la mer qui mange les côtes avec des tempêtes plus fréquentes et plus fortes, d’acidification des océans, etc.

Dans les faits, cette COP se situe dans le prolongement des précédentes(1)Voir notre précédent article dans n° 1034 de ReSPUBLICA.. Pourtant, le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies ne cesse d’avertir que l’humanité court à la catastrophe si elle poursuit sur la trajectoire économique actuelle. Les rapports du GIEC (Groupement intergouvernemental pour le climat), de l’IBPES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité) ne cessent de nous alerter sur l’urgence d’agir. Les COP se succèdent et se ressemblent, les engagements des États sont toujours insuffisants. Pour autant, nous pouvons estimer que leurs décisions sont en deçà des enjeux, qu’elles sont toujours sous l’influence des lobbies industriels qui ne cherchent qu’à préserver leurs privilèges, mais c’est le seul endroit au monde où les problèmes sont débattus, chaque pays ayant une voix, même si politiquement les grandes puissances pèsent plus. Faute de mieux et de gouvernement mondial que personne ne souhaite (en tout cas aucun État), c’est à partir de ces décisions qu’il convient d’agir pour les sociétés civiles, afin d’infléchir autant que possible les mesures adoptées.

Les représentants de l’Union européenne, comme ceux de la France, se sont félicités en cœur d’avoir été au centre des négociations pour faire accepter la référence aux énergies fossiles et ont salué « cet acquis historique » comme une grande victoire. Au regard des politiques écologiques concrètes dans les deux cas, la réalité est moins enthousiasmante tant la distance entre les déclarations publiques tapageuses et la réalité des décisions prises beaucoup plus discrètement est grande.

C’est le seul endroit au monde où les problèmes sont débattus, chaque pays ayant une voix, même si politiquement les grandes puissances pèsent plus. Faute de mieux et de gouvernement mondial que personne ne souhaite (en tout cas aucun État), c’est à partir de ces décisions qu’il convient d’agir pour les sociétés civiles, afin d’infléchir autant que possible les mesures adoptées.

Pour l’Union européenne

Prenons quelques exemples récents. La Commission européenne a annoncé en 2019, une politique globale pour la transition écologique : le « Pacte vert ». Mais elle a pris la décision en 2023 de maintenir jusqu’en 2034 (en théorie) le système d’échange de quotas d’émissions (SEQE ou ETS en anglais), qui est un immense système spéculatif pour les industries les plus polluantes (sidérurgie, cimenteries, pétrolières, aluminium…). Ce système de quotas d’émission de CO2 supposé inciter les industriels à diminuer leurs émissions de CO2 consiste à attribuer à chaque entreprise gratuitement par la Commission européenne un quota annuel de tonnes d’émission échangeables. Ce faisant, elle a initié un marché de vente/achat du surplus de CO2 non émis par certaines entreprises qui peuvent revendre ce surplus de quotas. Ce marché, purement artificiel, a créé pour ces industries entre 2013 et 2020, 98,5 milliards d’euros de profits selon le Fonds mondial pour la nature, dont seulement 25 ont été consacrés à l’action climatique (en fait à se moderniser pour moins émettre de CO2 et accentuer la spéculation)(2)En inventant ce système en 2003, la Commission européenne a créé de toute pièce un marché artificiel dont il était évident qu’il serait essentiellement spéculatif comme l’avaient souligné à l’époque les organisations de la société civile. À noter qu’elle a fait de même avec le marché de l’électricité quelques années plus tard..

Plusieurs textes importants du « Pacte vert » présentés par la Commission ont été vidés de leur contenu sous la pression des lobbies industriels ou de la majorité de droite du Parlement européen lui-même soumis aux lobbies ; c’est le cas du projet de règlement sur la restauration de la nature, du projet de règlement SUR qui visait notamment à diminuer de moitié l’usage des pesticides d’ici en 2030 – au contraire sous l’influence des lobbies conjoints de l’industrie chimique et l’agriculture industrielle (la FNSEA en France), le glyphosate a été réautorisé pour 10 ans jusqu’à fin 2033. Autre illustration, le Conseil des ministres a décidé de ne pas augmenter les normes antipollution des voitures thermiques sous la pression de l’Allemagne sous prétexte d’interdiction de ces voitures en 2035, afin de ne pas gêner les constructeurs automobiles. Enfin, la révision du règlement Reach sur les produits chimiques ainsi que celle sur le bien-être des animaux qui étaient annoncées ont été repoussées après les élections européennes de juin 2024 ; ou sine die ?

Pour la « macronie », au niveau européen et national…

Le 11 mai 2023, Emmanuel Macron sonne l’hallali en appelant à une « pause réglementaire » au niveau européen sur le climat et l’écologie, immédiatement soutenu par le gouvernement belge. Puis les gouvernements de droite de Chypre, de Lettonie, de Suède, de Grèce, d’Autriche, de Finlande, de Croatie, d’Irlande ont tous approuvé une déclaration du groupe PPE (droite conservatrice) du Parlement européen demandant également « une pause réglementaire » sur le Pacte vert afin « de tenir compte des nouvelles réalités économiques et sociales après l’attaque de la Russie » qui décidément sert de prétexte à tout.

Le gouvernement français s’est abstenu au Conseil européen des ministres sur le glyphosate permettant ainsi à la prolongation de dix ans d’être adoptée.

En 2022, Emmanuel Macron a annoncé « la fin de l’abondance » sans mentionner pour qui, mais l’ADEME a trouvé la réponse avec son spot publicitaire de l’automne 2023 avant le « black Friday » invitant à ne plus consommer. C’est sans doute cela réduire les inégalités pour le gouvernement. Sans la réduction drastique des inégalités, aucune politique écologique ne sera possible. Pourquoi les pauvres se priveraient, seraient soumis à la « sobriété » alors que les plus riches, les bourgeoisies capitalistes, continueraient sur le même mode de vie en exploitant la nature et les humains ? De plus le modèle de consommation mis en avant par la publicité des marques industrielles (qui est le premier vecteur idéologique du capitalisme) sera toujours celui des ultra-riches, ultra-prédateur pour l’écologie pourtant insoutenable du point de vue écologique et impossible à atteindre pour la population.

La « planification écologique » annoncée par la Première ministre Elizabeth Borne le 18 septembre est un modèle de technocratie a-démocratique, ni planification, ni écologique.

…et mondial

Dans une tribune dans le journal Le Monde des dimanche 31 décembre, lundi 1er et mardi 2 janvier 2024, Emmanuel Macron expose sa doctrine « sur la transition écologique et sur la lutte contre la pauvreté », au niveau mondial. Celle-ci se décline en « sept piliers » :

1) sortir des énergies fossiles, du charbon en 2030, du pétrole en 2045 et du gaz en 2050 selon « la science » pour respecter les objectifs de l’accord de Paris ;

2) pour le G7 sortir du charbon dès 2030 et accélérer le financement des énergies renouvelables, mais aussi du nucléaire, dont le rôle est clé, car il est à la fois pilotable et décarboné ;

3) mettre la finance privée et le commerce au service de l’accord de Paris ;

4) créer un choc financier pour aider les pays les plus vulnérables et les inciter à mener une politique budgétaire et monétaire non orthodoxe, comme l’ont fait les pays riches en réponse à la crise de la Covid-19 ;

5) construire les bases d’une « bioéconomie » en soutenant les pays tropicaux à ne pas déforester par l’affectation de ressources en échange de la conservation des ressources que représentent les forêts, avec des contrats pays par pays. « Nous en avons lancé trois à la COP 28, avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Congo-Brazzaville et la République démocratique du Congo » nous dit Emmanuel Macron ;

6) protéger les océans notamment contre la pollution des plastiques et la protection de haute mer et des fonds marins ;

7) réformer la gouvernance du système de Bretton Woods, en donnant plus de place aux pays émergents.

Une nouvelle fois (mais c’est devenu sa marque de gouvernement), Emmanuel Macron prône des politiques mondiales présentées de façon positive et pratique l’inverse dans la réalité.

Une nouvelle fois (mais c’est devenu sa marque de gouvernement), Emmanuel Macron prône des politiques mondiales présentées de façon positive et pratique l’inverse dans la réalité. Un seul exemple, il propose en point six de protéger les océans et les mers. Il a lancé en novembre, une consultation publique, dans le cadre de la Commission nationale du débat public afin que la France embrasse son « destin maritime » et soit à « l’avant-garde » des États sur ce sujet. Dans l’échantillon de Français retenus pour ce débat, il n’y a aucun « ultra-marin » alors que le territoire maritime français se trouve à 97 % dans l’outre-mer. À nouveau une démarche technocratique (comme la planification dite écologique), sans les populations intéressées, sans la prise en compte des réalités concrètes. Une politique écologique toute de communication et de propagande d’hypocrisie, loin de répondre aux problèmes écologiques et environnementaux créés par un système économique qu’il défend avec acharnement, en exigeant « une pause réglementaire » au plan européen et en détruisant tout le système de protection sociale en France, augmentant ainsi la pauvreté dans le pays, afin « d’accélérer en même temps sur la transition écologique et sur la lutte contre la pauvreté » ainsi que l’affirme le titre de sa tribune du Monde.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Voir notre précédent article dans n° 1034 de ReSPUBLICA.
2 En inventant ce système en 2003, la Commission européenne a créé de toute pièce un marché artificiel dont il était évident qu’il serait essentiellement spéculatif comme l’avaient souligné à l’époque les organisations de la société civile. À noter qu’elle a fait de même avec le marché de l’électricité quelques années plus tard.