Lettre ouverte pour une transition énergétique en cohésion avec les besoins de la société

De façon convergente, certaines personnalités du « Débat national sur la transition énergétique » comme Bruno Rebelle (1)B. Rebelle a été un pilote institutionnel « leader » du Débat national, après avoir été un responsable de l’ONG Greenpeace, membre du comité de pilotage, n’acceptent pas que certaines des 15 recommandations issues des différents groupes de travail n’aient pas été admises à l’unanimité des partie présentes : ONG , organisations syndicales, entreprises, personnalités qualifiées et experts. C’est semble-t-il être également la position des lignes éditoriales de plusieurs grands médias (2)Articles et éditorial d’un grand journal du soir les 19, 20 et 21 juillet 2013.
Il serait néanmoins intéressant et utile que ces personnalités et médias témoignent du travail extraordinaire, sur une longue période, auquel se sont livrées des personnes de la société civile, avec des réunions « citoyennes » de base, dans le cadre des réunions initiées par le débat sur la transition énergique.
Des désaccords et des blocages ont pu être surmontés en unifiant les avis dans le but de réaliser une transition énergétique du « possible » grâce à une économie la plus décarbonnée possible.
Ce travail de convergence est suffisamment rare dans la société française, pour que les médias avisés et des personnalités comme Bruno Rebelle puissent le reconnaître .
Il est dommage que ces appréciations négatives sur le « Débat de la transition énergétique » n’aient pas été rééquilibrées par un certain nombre de réalités portées dans les différentes réunions et groupes de travail.

Premièrement, l’échelle du Monde

La France, avec 60 millions d’habitants, dans un monde de bientôt 10 milliards d’humains, ne représente que 1 % des énergies consommées dans le monde et moins de 0,5 % des gaz à effet de serre rejetés : quelques soient les mesures prises plus ou moins contraignantes pour les Français et l’économie nationale dans le but de restreindre les gaz à effet de serre, leurs résultats en France ne pourront être que symboliques au niveau de la planète .
Ces résultats en France, pour aussi nécessaires et aussi bons qu’ils puissent être , ne compenseront jamais les fortes émissions de gaz à effet de serre des pays comme la Chine, l’Inde, l’Indonésie, les USA, le Brésil, l’Argentine, la Russie, l’Allemagne, l’Espagne ou le Benelux pour ne citer qu’eux…
L’utilisation massive du charbon ou du gaz naturel y est nécessaire pour une longue période et parfois en raison même du caractère intermittent de certaines énergies renouvelables.

Deuxièmement, l’échelle de l’Europe

La France est déjà le pays qui a le plus réduit les émissions de gaz à effet de serre en raison de ses capacités de production électrique décarbonnée avec le nucléaire et l’hydraulique.
Il n’est pas logique de vouloir lui appliquer les mêmes contraintes du facteur 4 (en divisant par 4 les Bruno Rebelle a été un pilote institutionnel « leader » du débat national, après avoir été un responsable de l’ONG Greenpeaceémissions de gaz à effet de serre), que pour les autres pays comme l’Allemagne, la Pologne, l’Espagne ou le Benelux aux économies beaucoup plus carbonées .
En usant d’une comparaison, ce serait mettre sur le même plan la réduction par 4 de la consommation de bière pour un allemand que la réduction par 4 de la consommation d’eau d’un « touareg » vivant dans le Sahara : pour le premier, il ne s’en porterait que mieux. Pour le second ce serait la mort assurée.

Troisièmement, les facettes du débat démocratique sont cachées

Il eut été instructif de faire connaitre le grand engagement des organisations syndicales, et en en particulier la CGT, pour réussir la transition énergétique, combattre le réchauffement climatique en décarbonant l’économie et les modes de vie.
Ces organisations représentent les intérêts de dizaines de millions de personnes en situation de travail ou retraitées.
Pourquoi, Bruno Rebelle, comme d’autres personnalités et de nombreux médias, les montre-t-il comme « accrochées à leurs acquis et leurs statuts », alors que ces organisations n’ont pas arrêté de faire des propositions sur les moyens de la transition énergétique en décarbonant l’économie et les activités en France ?
C’est la CGT qui a proposé la constitution d’un 8e groupe de travail pour étudier « la gouvernance dans l’accès aux réseaux électricité et gaz et l’équilibre production/consommation » : c’est une question stratégique pour le pays  qui a déjà frôlé la situation d’être en défaut d’électricité et de gaz à plusieurs reprises.
Mais on peut regretter que les organisateurs du débat n’aient pas accepté que soit mis en débat ni la question de la facture énergétique pour les familles françaises qu’entraîneront les différentes options pour la transition énergétique, ni la question des investissements en « recherches développements » dans les énergies , leurs utilisations et pour la neutralisation des gaz à effet de serre .
Il aurait également été intéressant de connaître pourquoi les recommandations du « Débat de la transition énergétique » ont été si faibles pour « décarboner » les transports publics et marchands par le développement des réseaux ferrés fonctionnant à l’électricité – ce qui a motivé un désaccord de la CGT.

Quatrièmement, la décroissance significative des inégalités sociales est mise à l’index, comme la « gangrène » du chômage massif

Il eut été utile de mettre en rapport la décroissance des inégalités sociales et du chômage avec les besoins énergétiques nécessaires aux activités porteuses de richesses dans le PIB (produit intérieur brut) et aux familles dans leur niveau de vie.
Or les chiffres sont bien connus : 80 % des familles les moins aisées ne consomment que 20% des énergies tandis que 20 % des familles les plus aisées en consomment 80 % .
De même commence à être reconnu l’état de danger absolu dans laquelle se trouve notre Nation en raison de sa décohésion sociale qui alimente la montée des thèses populistes et racistes : 5 millions de personnes sans emplois, 10 millions de gens en situation de pauvreté ou de pré pauvreté, 25 % de jeunes sans formation, sans travail , en déshérence dans la précarité , l’accumulation de zones de « non droit » et de territoires entiers où les activités mafieuses sont les seules susceptibles de donner quelques revenus aux familles.
Il eut été intéressant aussi que le débat national sur la transition énergétique étudie les moyens pour « briser » le mur des 5 millions de personnes sans emplois, à l’origine de la gangrène qui mine la Nation.
Pourtant il est établi que doubler la part de l’industrie française de 10 à 20 % dans le PIB amène 2 millions d’emplois qualifiés (alors que prés de 3 millions d’emplois ont été perdus en trente ans avec un effondrement de l’industrie de 30 à 10 %)

Cinquièmement, les conditions du renouveau industriel et des emplois : il faut de l’énergie

Il aurait été intéressant de mettre en relation les mesures préconisées pour la transition énergétique, l’emploi en France et la situation de la balance commerciale.
N’est ce pas du gâchis d’investir pour rénover l’habitat si les matériaux sont importés et fabriqués ailleurs qu’en France ?
Pourquoi le bois, utile pour l’isolation thermique, est il exporté vers la Chine qui achète des coupes de forêts entières, pour être réimporté avec une forte valeur ajoutée sous forme de matériaux utiles ?
Est-ce que l’emploi et l’industrie y trouvent pleinement leurs comptes si les éoliennes et les capteurs photovoltaïques sont fabriqués ailleurs qu’en France et importés ?
Le rééquilibrage de la balance commerciale, dont le déficit abyssal actuel alimente la dette, exige une montée en puissance de l’industrie sur le sol national.
Ce rééquilibrage est nécessaire dans les 5 ans et pas dans les 50 ans ! Il demande une production supplémentaire d’énergie, dont 90 Twh d’électricité (une dizaine de centrales électriques) si on veut doubler les capacités industrielles de la France et générer 2 millions d’emplois à haute valeur ajoutée.

Sixièmement, une autre conception de la démocratie qui tienne compte de la vie réelle des gens

Ce qui semble faire problème à certains médias et à certaines personnalités du « débat national », c’est que la division par 2 de la consommation des énergies d’ici à 50 ans et plus (une génération), préconisée par des personnes comme Bruno Rebelle, ou des ONG comme « Négawatts », n’aient pas été acceptées par les représentants de la vie réelle et notamment les entreprises et les salariés qui vivent de leur travail dans les entreprises.
Il est tout à fait légitime que des personnalités, comme Bruno Rebelle, qui ont su tirer profit de l’ascenseur social des « trente glorieuses » en constituant une élite sociale, politique et économique, puissent se projeter dans une société futuriste aux conditions de vie nouvelles, peut être un peu plus spartiates, et aux contours économiques très économes en énergies.
Mais n’y a-t-il pas un écart générationnel entre d’une part cette « élite », maintenant « au pouvoir », et qui s’est nourrie « aux mamelles » de mai 68 en vouant aux gémonies une société du « métro, boulot, dodo » et d’autre part les revendications légitimes « des gens normaux » en 2013 qui revendiquent précisément un mode de vie avec « un travail pérenne et rémunéré, des transports adaptés, et une toit pour vivre décemment » ?
Il faut se rappeler aussi que l’histoire a connu des échecs terribles lorsque les idéologies projetaient pour un avenir lointain la société idyllique tout en justifiant le sacrifice d’une génération pour construire cette société du futur. Pourquoi s’acharner à faire repasser le plat ?

Peut être aussi dans les débats sur la transition énergétique, ces personnalités et animateurs de ces débats qui ont été quelque peu déçus par les résistances de la société réelle, auraient-elles gagné à ne pas occuper toutes les places de l’orchestre pour que la partition soit équilibrée et pour la pleine convergence du débat démocratique dans les préconisations ?
On peut s’étonner, en effet, que certains animateurs et responsables, comme Bruno Rebelle et beaucoup d’autres, aient officié avec une casquette institutionnelle de « pilote du débat national » après avoir porté la casquette d’une ONG comme Greenpeace… ou inversement (et sans s’être offusqué que l’ONG Greenpeace soit financée par la société gazière russe Gazprom très attentive à placer son gaz naturel en Europe) !
En procédant de la sorte, les cartes sont brouillées dans le débat, surtout quand cette situation se répète souvent, avec des ONG dont le financement reste obscur , et quand les doubles casquettes sont nombreuses dans ce qui s’apparente à un jeu des 7 familles dont certaines sont les mêmes.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 B. Rebelle a été un pilote institutionnel « leader » du Débat national, après avoir été un responsable de l’ONG Greenpeace
2 Articles et éditorial d’un grand journal du soir les 19, 20 et 21 juillet 2013