Des évolutions multiples
Elles se caractérisent par l’évolution du capitalisme mondial depuis la crise financière de 2007-2008, ainsi que la nouvelle géopolitique depuis la décennie de la guerre d’Ukraine et le pivotement vers le Pacifique du principal antagonisme planétaire. Nous avons aussi noté que ces évolutions ont eu un impact négatif sur les politiques écologiques nécessaires suite au dérèglement climatique. Cela ne manquera pas d’impacter durement en retour la vie humaine sur notre planète en raison de la nouvelle priorité, à savoir accroitre les budgets militaires de tous les pays.
Nous avons également observé que les lignes stratégiques des directions des organisations de gauche étaient largement infectées des nouvelles idéologies identitaires et essentialistes dont la conséquence est de fractionner le peuple travailleur, à commencer par la classe populaire ouvrière et employée, au lieu de travailler à son unité au sein d’un bloc populaire. Tout cela fait le bonheur des acteurs de l’Union de toutes les droites qui peuvent alors continuer à diriger la France. La dernière nomination de Richard Ferrand à la présidence du Conseil constitutionnel à une voix de majorité grâce à l’abstention du RN qui fait suite aux accords de non-censure passés entre le gouvernement et le RN, montre bien la perspective de développement du bloc bourgeois vers une union de toutes les droites.
Et pendant ce temps-là, disons-le avec tact et mesure, comme on dit au sein de l’ordre des médecins, les pires budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale pour le plus grand nombre ont été avalisés par le Parlement pour 2025. Le « démocrate-chrétien » François Bayrou accélère la cadence vers cet avenir. Ajoutons qu’il se trouve embourbé dans l’affaire de l’école catholique « ND de Bétharram » près de Pau, avec des mensonges et des tentatives de couvrir l’institution religieuse quand il fut ministre de l’Education de 1993 à 1997. Cette école catholique, qui, après avoir refusé de répondre à la Commission Sauvé(1)Commission instaurée par l’Église catholique pour faire un bilan des crimes et délits sexuels au sein de l’église. semble impliquée dans des crimes (viols) et délits persistants(2)https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-laicite/respublica-combat-laique/de-betharram-au-soutien-a-lecole-privee/7438142..
Le retour de la « bataille des retraites »
Votée en 2023, la bataille est relancée dès le débat de 2025. Principal budget de la Sécurité sociale, les retraites sont aussi le premier poste des dépenses sociales (388 milliards d’euros, soit 14 % du PIB). Ses recettes sont dues pour les 2/3 des cotisations sociales et sont complétées par la contribution sociale généralisée (CSG), ainsi que de divers impôts et taxes. « La pension moyenne brute est de 1626 euros. Le régime général et le régime des salariés agricoles représentent 42 % du montant total des pensions. La caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et des hôpitaux représente 7 % du total des pensions. Elle se trouve dans une situation critique du fait d’une dégradation rapide de son rapport cotisants/retraités » due à une politique salariale austéritaire, surtout dans les hôpitaux. « Enfin, l’État contribue de deux manières au financement du système de retraites. D’une part, il participe à l’équilibre financier de 17 régimes spéciaux pour un peu moins de 8 Md€. D’autre part, il finance le régime de ses fonctionnaires au moyen d’une contribution de 45 Md€ en 2023 ».
La lutte des classes s’est de nouveau déclenchée pour plusieurs raisons. D’abord parce que la situation économique française se dégrade rapidement, d’une part suite aux politiques néolibérales franco-françaises et, d’autre part, parce que l’ordolibéralisme européen déclasse l’Union européenne face aux deux superpuissances économiques étatsunienne et chinoise. Précisons que le grand patronat voit dans l’affaissement du montant total des retraites la possibilité la plus facile pour augmenter le taux de profit des entreprises.
Les médias dominants n’informent pas suffisamment sur la note de la Cour des comptes
Excédentaire de 8,5 milliards d’euros en 2023, toujours excédentaire de 2,4 milliards en 2024, elle sera déficitaire à partir de 2025. De combien ? Tout dépend du média auprès duquel vous vous informez. Si vous vous informez auprès des médias dominants, on vous assomme avec le chiffre de 30 milliards de déficits en 2045 pour vous faire comprendre qu’il va falloir soit baisser le taux de remplacement des retraites(3)Ratio de la retraite sur le dernier salaire d’activité., soit travailler plus, soit augmenter le montant des cotisations salariales, soit augmenter le nombre d’annuités. Bien évidemment, dans ce cas, on vous prend pour un abruti, car on ne vous donne pas les hypothèses de base des calculs et on part du principe que la répartition interne des richesses du système capitaliste doit être de plus en plus favorable au grand patronat pour lui permettre de faire grossir ses dividendes et d’être compétitif.
Déjà, l’extrême centre macroniste a limogé de la présidence du Conseil d’orientation des retraites (COR) Pierre-Louis Bras, coupable d’utiliser un panel trop large d’hypothèses, pour le remplacer par Gilbert Cette, censé être plus docile. François Bayrou, s’estimant être « agrégé toutologue », croit tout savoir bien mieux que les spécialistes et déclare péremptoirement que le déficit est supérieur de 55 milliards aux chiffres du COR. N’ayant plus confiance au COR, il demande à la Cour des comptes de faire un état des lieux des retraites avant le conclave dédié.
Le rapport de la Cour des comptes commence par disqualifier les chiffres fantaisistes du Premier ministre « toutologue ». Pierre Moscovici déclare : « il n’existe aucun déficit caché du système des retraites des fonctionnaires ». La note dit : « la question de la comptabilisation de cette contribution publique est sans effet sur la charge qui pèse sur les finances publiques dans leur ensemble. » La Cour des comptes a décidé de s’arrêter à 2045 et non à 2070, comme le fait le COR, et de partir d’un chômage à 7 % au lieu des 5 % imposés par un ancien gouvernement à ce même COR. Nous partageons ce choix méthodologique pour les raisons que ReSPUBLICA a déjà expliqué dans des articles antérieurs en prenant en compte l’augmentation du chômage en cours. L’absence d’une politique anti-chômage du gouvernement sur laquelle nous reviendrons ultérieurement est problématique.
Par contre, nous ne partageons pas du tout l’abandon des scénarii du COR liés à une productivité de 1,3 % et de 1,6 % en ne gardant que les deux scénarii à 1 % et 0,7 %. La réalité indique une productivité supérieure en 2024 s’établissant à 2 % ! Avec une productivité à 0,7 %, on arrive à un déficit de plus de 30 milliards en 2045 (soit moins de 0,9 % du PIB) ; avec une productivité à 1 %, on arrive en 2045 à un déficit de moins de 25 milliards (soit moins de 0,7 % du PIB). On voit bien l’importance d’étudier aussi des taux plus élevés, car ils ne sont pas impossibles à obtenir si les Premiers ministres qui remplaceraient notre « toutologue », François Bayrou, changeaient de politique économique. La Cour des comptes prévoit aussi une croissance des revenus des actifs plus dynamique que celles des retraités d’ici 2045, permettant à la moyenne des revenus des actifs de repasser devant celle des retraités. Comme il y aura plus d’actifs pauvres que de retraités pauvres, il faudra bien que les gauches puissent corriger cela.
Les solutions favorables aux intérêts des classes populaires existent
La Cour des comptes fait des propositions de calcul sur d’éventuelles décisions du conclave des retraites. Par exemple, avancer l’âge de la retraite de 64 ans à 63 ans demanderait une rallonge de 5,8 milliards d’euros en 2035, mais demanderait une rallonge seulement de 4,3 milliards en 2045. Ainsi, concernant l’impact en 2035 sur l’ensemble des finances publiques, l’avancée d’une année coûterait 13 milliards d’euros, ce qui, comme nous allons le montrer plus loin, est facile à financer. Diminuer d’un an la durée d’assistance requise de 43 à 42 ans demanderait une rallonge de 3,9 milliards en 2035 et à la même année de 7,1 milliards sur l’ensemble des finances publiques. Ce qui est loin d’être insurmontable si d’ici là, la gauche obtient la majorité absolue avec la volonté d’être à la hauteur des enjeux !
Mais la Cour des comptes ne chiffre pas le retour à 62 ans et utilise le modèle du Trésor qui maximise beaucoup trop les pertes d’emplois en fonction d’éventuelles augmentations de cotisations patronales. Elle ne tient pas compte d’une éventuelle modification de politique qui soutiendrait son développement économique par d’autres financements que ceux visant à diminuer les recettes de la Sécu.
Pour fixer les idées, « le montant des ressources annuelles supplémentaires issues d’une augmentation d’un point du taux de cotisations serait compris entre 4,8 et 7,6 Md€ – selon que la mesure serait appliquée sur la part patronale ou sur la part salariale des cotisations et selon qu’elle serait appliquée aux salaires sous le plafond annuel de la Sécurité sociale ou à ceux qui le dépassent » et on sent bien à la lecture de la note que la Cour a un faible pour la sous-indexation des retraites, car, dit-elle, « en se fondant sur les dépenses du régime de retraite prévues en 2025, une sous-indexation d’un point des pensions par rapport à l’inflation permettrait une économie de 2,9 Md€ pour cette même année ».
Des scénarii divers en fonction du rapport des forces sociales et politiques
A lire le rapport de la Cour des comptes, on a l’impression que la Cour donne la possibilité aux partenaires sociaux de discuter l’abaissement de l’âge légal de 64 à 63 ans, compensé par une sous-indexation des retraites, ce qui équivaut à une perte de pouvoir d’achat des retraités et à une chute détournée du taux de remplacement. Pourtant, au détour de son développement, la Cour affirme que « des mesures récentes d’exonération ou d’exemption de cotisations sociales n’ont pas été intégralement compensées par l’Etat ».
La gauche doit combattre en son sein l’idée idiote que le travail ne peut plus financer le système de retraites.
Or, les 76 milliards d’exonérations de cotisations sociales et les 15 milliards d’exemptions d’assiette(4)Les exemptions correspondent à des produits du travail salarié non soumis à cotisations : participation aux titres restaurant, avantages accordés par les Comités d’Entreprise, indemnités de licenciement, ruptures conventionnelles, intéressement, participation, plan d’épargne entreprise, stock-options, attributions d’actions gratuites, bonus exceptionnels, prévoyance complémentaire et retraite complémentaire, plan d’épargne retraite et dispositifs liés. sont une bonne base de départ des discussions pour augmenter de façon progressive les recettes de la Sécurité sociale de façon concertée.
La gauche ne doit pas accepter d’en rester à ce niveau d’exemptions et d’exonérations. La gauche doit même combattre en son sein l’idée idiote que le travail ne peut plus financer le système de retraites. Bien sûr qu’il le peut, mais pas avec la politique économique de l’Union de toutes les droites, RN compris. Et pas avec le néolibéralisme et l’ordolibéralisme. C’est à ce titre et à ce titre seulement que l’on pourrait retrouver à terme le chemin de l’émancipation par l’autonomie de la Sécurité sociale aux mains des assurés sociaux, telle qu’elle le fut pendant plus de 20 ans après sa création. C’est cette période qui a vu la montée en puissance de tous les indicateurs de santé publique et la diminution de toutes les inégalités sociales de santé(5)La santé étant définie par l’OMS en 1946 comme un état « de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Cette définition permet d’intégrer dans la santé toutes les conditions de ce bien-être : logement, alimentation, lutte contre la misère et la pauvreté, autonomie, maladies professionnelles et accidents du travail, vie familiale, campagnes sociales collectives, bonnes retraites, accès aux soins pour tous, etc..
Notes de bas de page
↑1 | Commission instaurée par l’Église catholique pour faire un bilan des crimes et délits sexuels au sein de l’église. |
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↑2 | https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-laicite/respublica-combat-laique/de-betharram-au-soutien-a-lecole-privee/7438142. |
↑3 | Ratio de la retraite sur le dernier salaire d’activité. |
↑4 | Les exemptions correspondent à des produits du travail salarié non soumis à cotisations : participation aux titres restaurant, avantages accordés par les Comités d’Entreprise, indemnités de licenciement, ruptures conventionnelles, intéressement, participation, plan d’épargne entreprise, stock-options, attributions d’actions gratuites, bonus exceptionnels, prévoyance complémentaire et retraite complémentaire, plan d’épargne retraite et dispositifs liés. |
↑5 | La santé étant définie par l’OMS en 1946 comme un état « de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Cette définition permet d’intégrer dans la santé toutes les conditions de ce bien-être : logement, alimentation, lutte contre la misère et la pauvreté, autonomie, maladies professionnelles et accidents du travail, vie familiale, campagnes sociales collectives, bonnes retraites, accès aux soins pour tous, etc. |