Sous le soleil d’avril, en Macronie

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Le pays semble suspendu à la décision du Conseil constitutionnel qui doit intervenir ce vendredi 14 avril et aucun changement décisif concernant la situation politique et sociale n’est intervenu la semaine passée. Comme prévu, la rencontre entre la Première ministre et les syndicats a tourné court. La mobilisation était en recul le jeudi 6 avril pour la onzième journée de manifestation, ce qui est compréhensible au bout de trois mois en période de forte inflation… et avec cette stratégie de journées saute-moutons que nous avons maintes fois critiquée ! Mais tout de même, voici quelques faits intéressants à relever.

Une fois n’est pas coutume, les bonnes nouvelles

On a pu constater cette semaine le renforcement des soutiens venant de l’international. Tout d’abord avec deux actions notables : jeudi 6 avril, les travailleurs de la FGTB ont bloqué les départs de camions au dépôt pétrolier de Total à Anvers et le même jour, des pompiers belges étaient aussi venus à Paris faire une action symbolique avec les pompiers français à l’Arc de triomphe(1)https://www.youtube.com/watch?v=CmEUGV_S50Q, pour apporter leur soutien et dénoncer des difficultés communes, notamment le sous-effectif. Espérons la multiplication de ces initiatives et le renforcement des liens syndicaux avec nos pays voisins ! Car la France est en train de donner l’exemple et fera peut-être des émules pour résister à la casse sociale, ce qu’a montré le succès du hashtag #BeMoreFrench (Soyons plus français).

Des personnalités de premier plan comme Naomi Klein ou Ken Loach ont également apporté leur soutien aux Soulèvements de la terre après l’annonce de la procédure de dissolution(2)Pour signer la tribune : https://lessoulevementsdelaterre.org/fr-fr/blog/nous-sommes-les-soulevements-de-la-terre.

Enfin, signalons aussi la tribune « Nous nous tenons aux côtés des Français », initiée par des parlementaires de gauche européens.

Ce que dit le peuple, dehors et dans les sondages

L’actualité me rappelle cette scène (voir ici) de la dernière saison de la série Baron noir où la présidente Amélie Dorendeu (inspirée d’Emmanuel Macron) se fait gifler par un manifestant et se demande ensuite auprès de son cabinet pourquoi personne ne l’avait prévenue qu’elle était aussi détestée dans le pays…

Aujourd’hui la détestation envers Emmanuel Macron est si générale que même Jean-Michel Apathie s’en est aperçu(3)Voir cet extrait : https://www.youtube.com/watch?v=VYe91VMLmcQ… Quand la chanteuse Girl in Red, en concert à l’Olympia le 2 avril, demande à la jeunesse venue l’écouter de lui apprendre un mot en français, ça fuse : Macron, démission ! C’est dire…

Le climat est tel que ni Emmanuel Macron ni Elisabeth Borne n’osent désormais se déplacer sans un important dispositif qui permet d’éloigner les manifestants présents à chaque occasion. Le résultat ? Des images de nos responsables politiques qui s’expriment dans une France vidée de ses habitants.

Les sondages ne disent pas autre chose : le sondage Viavoice publié dans Libération montre que notre président apparaît comme autoritaire pour 61 % de la population, compétent pour 21 %, capable de rassembler pour 11 %, proche des préoccupations des Français pour 9 %…

Plus inquiétant, dans un autre sondage (Yougov pour le HuffPost), un Français sur deux (53 %) dit avoir « peur » de se rendre dans les défilés syndicaux et d’y être « victime de violence » ! La stratégie d’intimidation a donc porté ses fruits… Le même sondage pointe également une la bonne opinion croissante envers les syndicats, pourvu que cela se traduise par de nouvelles adhésions !

Darmanin ou le « syndrome Pasqua »

Pas une semaine ne se passe sans que notre ministre de l’Intérieur produise une nouvelle polémique avec de grosses ficelles. Comment ne pas parler de ses déclarations pendant les auditions à l’Assemblée nationale et au Sénat sur le maintien de l’ordre ? En somme, il n’y a pas d’usage excessif de la force, toute la faute revient à l’ultra-gauche, circulez il n’y a rien à avoir. Quant à ceux, comme la Ligue des droits de l’Homme, qui justement veulent voir avec des observateurs :

« Je ne connais pas la subvention donnée par l’État [à la LDH], mais ça mérite d’être regardé dans le cadre des actions qui ont pu être menées », a répondu Gérald Darmanin. Avant d’ajouter : « Beaucoup de collectivités locales aussi les financent, il n’y a pas que l’État. »

Une telle menace, aussi lointaine soit-elle, est terriblement inquiétante. L’association a rappelé que la seule période où elle avait été empêchée de faire son travail, c’était sous Vichy.

Pour la doctrine du maintien de l’ordre, même son de cloche du côté du préfet Laurent Nunez dans une interview de « Complément d’enquête » dont le visionnage vaut le détour(4)https://www.france.tv/france-2/complement-d-enquete/4802788-manifs-la-guerre-est-declaree.html.

L’équipe a notamment filmé à Sainte-Soline une équipe de gendarmes assistant aux tirs de leurs collègues qui se « trompent de cortège »…

La Macronie a également commis une nouvelle fourberie pour éviter tout débat un peu consistant sur le maintien de l’ordre en enterrant purement et simplement la pétition sur la dissolution de la Brav-M (qui avait obtenu plus de 260 000 signatures en treize jours seulement) en changeant la date limite de recueil de signatures…

Dernier enseignement de la semaine sur notre police nationale, c’est que l’IGPN est bien capable de reconnaître des policiers ou ex-policiers cagoulés et sans matricule RIO… mais seulement quand ils passent chez Hanouna ! Par contre quand ils commettent des violences, on peut toujours attendre, d’autant que le Conseil d’État a refusé d’en imposer le port(5)https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/04/05/maintien-de-l-ordre-le-conseil-d-etat-doit-se-prononcer-en-urgence-sur-la-difficulte-d-identifier-policiers-et-gendarmes-en-manifestation_6168299_3224.html, tout en reconnaissant de nombreux manquements.

Mais où est donc passée la République exemplaire ?

La palme de la meilleure tentative de diversion est attribuée cette semaine à Marlène Schiappa qui a posé dans le magazine Playboy, sans doute pour que l’on évite de parler du scandale du fonds Marianne révélé par l’hebdomadaire du même nom(6)https://www.marianne.net/politique/gouvernement/fonds-contre-le-separatisme-le-vrai-scandale-marlene-schiappa. Ce scandale s’ajoute à la très longue liste de scandales financiers ou d’une autre nature à mettre au palmarès de la Macronie. Marianne a également révélé que l’Elysée traitait très mal son personnel :

« Il n’y a pas que sur la réforme des retraites que la présidence de la République se révèle défaillante à entretenir le dialogue social. Au Palais, où travaillent plus de 800 personnes, il n’y a ni syndicat ni représentant du personnel ! Pourtant, comme ailleurs, les tensions internes y sont fortes. En mars, un employé chargé de l’argenterie, remercié après vingt-trois ans de services, s’est jeté sous le RER… »(7)https://www.marianne.net/politique/macron/harcelement-mises-a-pied-arbitraires-la-detresse-des-petites-mains-de-lelysee

On n’est malheureusement guère surpris. Des miettes pour les pauvres, des jets pour les riches !

Car, pour terminer ce tour d’horizon, la lutte des classes ! Désormais, l’homme et la femme les plus riches du monde sont français, il s’agit de Bernard Arnault (211 milliards) et Françoise Bettencourt (80 milliards). On savait depuis un certain temps que la France était un paradis fiscal pour les ultra-riches : l’économiste Gabriel Zucman a calculé que 0,001 % des plus riches Français ont un taux d’imposition de 2 %(8)https://twitter.com/MaximCombes/status/1643238735042027523.

Désormais le monde entier est au courant ! Il n’est pas question dans notre pays de contraindre un tant soit peu ceux qui confisquent sans limites les richesses et polluent à outrance. Tenez-vous bien, « interdire brutalement les jets, ce serait se priver d’un outil de développement économique et de désenclavement pour nos territoires ruraux » selon le député Les Républicains Nicolas Ray. Il s’agit pourtant d’une mesure de justice sociale indispensable.

Pour rappel, un milliardaire émet en moyenne, dans le monde, 8 190 tonnes de CO2 par an soit 1 000 fois plus qu’un Français moyen (8 tonnes de CO2 pour la consommation moyenne hors patrimoine financier).

Quant au patrimoine financier, 63 milliardaires français émettent autant de gaz à effet de serre que la moitié de la population française(9)https://www.greenpeace.fr/milliardaires-et-climat-4-chiffres-qui-donnent-le-vertige/.

Pendant ce temps-là, en pleine période d’inflation, le gouvernement et ses alliés libéraux ont refusé toute avancée visant à lutter contre la précarité alimentaire lors de l’examen des propositions écologistes. Dans le même état d’esprit, la proposition de loi anti-squat vient encore accabler les plus pauvres de notre pays, même l’ONU s’en est émue ! Le rapporteur spécial de l’ONU sur le logement convenable, BalakrishnanRajagopal, et le rapporteur spécial sur l’extrême pauvreté et les droits humains, Olivier De Schutter, ont adressé au gouvernement une communication officielle longue pour alerter « sur la régression que constitue cette proposition de loi, et sur le risque qu’elle conduise la France à violer ses engagements internationaux ».

Et nous sommes loin d’être les seuls à ReSPUBLICA à rappeler l’actualité de la lutte des classes : selon un sondage IFOP, « 83 % des sondés pensent que la lutte des classes est toujours une réalité ». Dans un contexte de crise climatique et sociale, la réalité du conflit de classe rattrape la propagande autour de sa prétendue disparition.