De l’eau jaillit le feu Un documentaire sur les mégabassines

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Cette année, le sujet des mégabassines, en particulier avec la manifestation de Sainte-Soline, a surgi dans l’actualité. L’accaparement de l’eau via ces infrastructures montre que la guerre pour cette ressource qui se raréfie a commencé. Si ce qui se joue autour des mégabassines — la poursuite à tout prix d’un modèle agricole productiviste — est désormais bien compréhensible, le documentaire De l’eau jaillit le feu ancre concrètement dans le territoire les enjeux et les effets de cette volonté politique et dresse le portrait de ceux qui tentent d’y résister.

Le documentaire, dont la sortie est prévue le 31 mai prochain, est réalisé par Fabien Mazzoco (durée : 1 h 15 min). Le réalisateur a choisi de concentrer son film sur le marais poitevin, un territoire qu’il connaît bien puisqu’il réside à proximité et qu’il avait déjà filmé cet environnement pour un précédent documentaire.

Le marais poitevin, un lieu, ses habitants

La grande force du documentaire est de s’appuyer sur cet écosystème particulier — celui du marais poitevin — et sur les habitants qui l’habitent, le connaissent et le défendent. Le film montre d’abord un milieu dans sa splendeur, quoique diminuée, car c’est un milieu menacé par des changements qui entraînent sa dégradation. On est forcément un peu émerveillé par certaines images du marais et par sa biodiversité, notamment les libellules et grenouilles qui le peuplent, même si comme cela est souligné dans le documentaire, cette « nature » a été façonnée par l’homme au fil des siècles. Parmi ses habitants, Julien Le Guet, batelier, connu comme le porte-parole du collectif Bassines non merci, est devenu depuis figure une médiatique dans cette lutte. Ce dernier est farouchement attaché au marais qu’il connaît très bien et ainsi il a pu constater des changements intervenus parfois en quelques années seulement. Plusieurs autres témoins, notamment naturalistes amateurs, viennent attester de modifications dans un temps long et un temps restreint : certaines espèces se raréfient ou disparaissent, l’aspect du marais change, certaines rivières ou ruisseaux sont désormais asséchés une partie de l’année.

Ce n’est qu’au fur et à mesure que le documentaire déploie son propos politique en montrant la cause principale de ces dégradations : l’agriculture productiviste qui utilise une partie de la ressource en eau qui donc ne se déverse plus dans le marais. Certains plans du film sont très frappants, notamment ce champ de maïs qui pousse littéralement à côté d’une rivière asséchée. Le documentaire s’appuie aussi sur des vues aériennes et sur des cartes permettant d’avoir une représentation complète du territoire et de comprendre le circuit emprunté par l’eau.

Une critique argumentée des bassines

Ce film constitue un réquisitoire contre les bassines : en effet, il existe déjà plusieurs bassines autour du marais poitevin, construites de manière légale ou illégale. Or, ces bassines édifiées au début des années 2000 ont déjà eu un impact négatif sur la physionomie du marais. Ce précédent met à mal certains arguments des défenseurs des bassines qui affirment que l’eau est ainsi préservée. Par ailleurs, quand on pense que les projets de mégabassines en cours feront parfois jusqu’à 8 fois la taille de bassines existantes, cela fait froid dans le dos quand on constate l’ampleur que cela prend dans le paysage ! En donnant la parole à un éleveur et à une maraîchère, le documentaire dénonce également le fait que ces projets ne bénéficient qu’à une infime minorité des agriculteurs, ceux qui comme cela a déjà été dit, produisent des céréales principalement destinées à l’export et non à l’alimentation des habitants du territoire. La dernière partie du documentaire est consacrée à la structuration et l’organisation de cette lutte contre les projets de mégabassines toujours en cours.

Ce documentaire, montrant les opposants au plus proche du milieu qu’ils défendent, place le problème des bassines à hauteur d’homme et permet de comprendre très facilement les conséquences de ces installations, et par extension celles du modèle agricole productiviste. Il donne assurément envie de s’engager sur ce sujet — la question du partage des ressources — qui va devenir de plus en plus central dans les années à venir.