Réduction des dépenses publiques aux dépens des services publics
Ces dernières semaines, ces derniers mois, nous avons tous entendu parler des économies que l’État doit faire sur son budget. C’est-à-dire sur notre budget. Le budget commun, celui de l’argent public. Le nôtre. On a un gros découvert. Alors, il faut resserrer un peu nos dépenses. Si vous êtes ici ce soir dans votre théâtre, c’est que vous êtes déjà convaincu(e)s qu’un Théâtre public, c’est-à-dire un théâtre financé par nos impôts, par notre travail à toutes et à tous, est utile et nécessaire. Comme il est nécessaire de pouvoir emmener votre enfant à l’école publique pour qu’il apprenne à construire le futur avec nous, ou votre père ou votre mère à l’hôpital public pour les guérir des maux du temps. Le tout sans avoir à contracter un prêt auprès de votre banque.
Réduction, voire suppression des financements publics en cascade
En France, on peut s’éduquer, se soigner, se cultiver, grâce à la solidarité. Pas grâce à la banque. Mais le danger guette. Ces derniers mois, parce qu’il faut faire des économies, de nombreuses collectivités territoriales, dont le travail, entre autres, est de redistribuer vos impôts, nos impôts, ont été contraintes par l’État de faire 2,5 milliards d’euros d’économies. C’est la raison pour laquelle plusieurs d’entre elles ont choisi de cesser de verser de l’argent public aux entreprises de la culture, dont celles du spectacle vivant. Parce qu’elles n’en ont pas forcément la compétence. En Île-de-France 20 % des financements publics de la culture ont été supprimés. Dans l’Hérault, 100 % des financements publics de la culture ont été supprimés. Dans les Pays de la Loire 62 % des aides ont été supprimées suite à la décision de Christelle Morançais, présidente de la Région. Toutes les compagnies du spectacle vivant de la région ont ainsi vu leurs financements disparaître.
Quels choix dans l’affectation des dépenses ?
Quand on attaque le service public, c’est nous, c’est vous, qu’on attaque. Directement. C’est la possibilité de se soigner, de s’éduquer, de s’émouvoir, d’apprendre, de découvrir, d’être solidaire.
Mais Christelle Morançais est très fière de défendre et financer à Saint-Nazaire la construction du prochain porte-avion français, fleuron de notre Marine nationale, qui sera amené à nous défendre en cas de guerre. La guerre ou la culture. La guerre nous menace. Elle est aux portes de l’Europe, et semble encore loin. Pour le moment. Mais une autre guerre a déjà commencé, ici, entre nous. Quand on attaque le service public, c’est nous, c’est vous, qu’on attaque. Directement. C’est la possibilité de se soigner, de s’éduquer, de s’émouvoir, d’apprendre, de découvrir, d’être solidaire. D’avoir ce privilège-là, de la solidarité. Nous sommes privilégiés. Nous avons le privilège de la solidarité. Vous pouvez, comme nous, être des ambassadeurs ou des ambassadrices de la solidarité, en dehors de votre théâtre. On vous dira alors que la culture est inutile. Qu’en temps de guerre, il vaut mieux construire des porte-avions pour se défendre que faire des spectacles de 2h30 qui en plus parlent de politique… Comment faire mentir vos contradicteurs ? En leur disant la vérité : oui, la culture est totalement inutile.
La culture différencie Homo Sapiens du reste du règne animal
Jean-Jacques Hublin, qui est professeur de paléoanthropologie au Collège de France, termine son premier cours en expliquant qu’il n’y a pas grand-chose qui différencie notre espèce, Homo Sapiens, du reste du règne du vivant. Seule une chose nous est spécifique. Et c’est cette chose qui fait que nous avons survécu jusqu’ici aux guerres, aux cataclysmes, aux effondrements. C’est cette chose qui fait que nous avons construit un monde plus grand que celui des cavernes. C’est la capacité que nous avons à raconter des histoires. À faire des récits. Des peintures. Des musiques. Des poèmes. C’est ce qu’on appelle la culture. Et c’est vrai, la culture n’est pas utile. Contrairement aux porte-avions. Elle est vitale. Elle est ce qui fait que ce nous sommes devenus ce que nous sommes.
Contre les tronçonneuses, invitation à être les ambassadeurs de l’inutile
Vous pouvez être les ambassadeurs et ambassadrices de l’inutile avec nous. Parce que c’est ce dont notre avenir a besoin. Nous sommes les privilégié.es de la solidarité. Les ambassadeurs et ambassadrices de l’inutile. Battons-nous ensemble pour le rester. La lutte sera difficile. Elle nous divisera peut-être. Quand on abat les arbres d’une forêt, il y a des haches pour le faire. Puis des tronçonneuses. Et les tronçonneuses, non contentes de détruire, font peur. Et la peur gagne. Et la peur divise. C’est son travail, à la peur. Diviser. Diviser pour laisser la place aux haches.
Alors, on se demande : comment se faire entendre ? En vous parlant ? Où ? En annulant les représentations d’œuvres que nous avons passé des années à préparer pour les partager avec vous ? Mais alors, comment vous parler ? Comment agir sur ceux et celles qui tiennent les tronçonneuses ? Comment déjouer le mouvement des haches ? En vous en parlant. En vous entendant. De toutes les façons possibles. Nous vous écrivons, nous vous parlons. Écrivez-nous. Nous vous invitons. Vous. À qui le service public appartient. Nous vous invitons à nous dire : pourquoi est-ce que ça compte pour vous, le théâtre public. L’hôpital public. L’école publique. Nous vous invitons à nous écrire. Écrivez-nous 1 mot. Écrivez-nous 3 lignes. Mille lignes. Envoyez-nous une vidéo. Mille vidéos. Nous les emmènerons avec nous.
Les moyens que nous choisirons pour nous battre importent. Et nous avons besoin d’un peu de temps pour organiser la riposte. Mais nous avons une certitude : nous voulons défendre les arbres de la forêt où nous vivons. Vous et nous. Nous le ferons dans le désordre. Nous le ferons en subissant la peur et les tentatives de divisions. Nous le ferons en jouant. En ne jouant pas. En parlant. En agissant dans le silence. Mais nous fracasserons les haches. En dansant s’il le faut. Que le combat commence. Vous pouvez envoyer vos mots, vos images à contact@compagnielieuxdits.com.