Extrême droite peroxydée : et maintenant les Pays-Bas

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Le 22 novembre 2023 fut un coup de tonnerre au sein de l’Union européenne, les Pays-Bas, jusque-là membre zélé de l’union, viennent d’envoyer une majorité de députés d’extrême-droite à la seconde chambre des États généraux, l’équivalant de l’Assemblée nationale en France. Le résultat de ces élections témoigne de la tendance à l’extrême droitisation qui n’en finit pas de progresser au sein de l’Union européenne. Les Pays-Bas sont un nouveau pays dans ce club qui rassemble l’extrême droite populiste.

 

Le parti pour la liberté de Geert Wilders, d’extrême-droite, nationaliste, conservateur et libéral, obtient 23,6 % des voix aux élections, ce qui lui permet d’envoyer 37 représentants à la seconde chambre des États généraux. Un score historique qui lui permet d’être le premier parti des Pays-Bas, et mieux encore d’espérer gouverner le pays.

 

L’espoir de gouverner pour Geert Wilders est important. Il n’est cependant pas encore réalisé deux mois après les résultats électoraux. Aujourd’hui encore, le gouvernement n’est toujours pas formé. C’est la force et la faiblesse du scrutin proportionnel intégrale. Certes, celle-ci permet une représentation fidèle du corps électoral au sein du Parlement puis du gouvernement. Mais la faiblesse de ce système est d’une part la représentation de partis politiques populistes et même antidémocratiques, et d’autre part il permet rarement de dégager une majorité claire.

 

Cette analyse factuelle doit nous rappeler une chose : la démocratie est exigeante. L’organisation d’élections libres, et même avec scrutin à la proportionnelle intégrale, ne peut être ressentie comme vraiment démocratique que si les citoyens se sentent représentés, et non mis à l’écart.

Les résultats complets

Pour faciliter la présentation de ces résultats, nous analyserons les chiffres par bloc politique compte tenu du nombre important de partis représentés lors de ce scrutin.

Extrêmes-droites et populistes

Le Parti de la liberté (PVV), parti populiste de droite créé en 2006 par Geert Wilders, possédait 17 sièges lors de la précédente législature. Il compte aujourd’hui 20 représentants en plus. Il peut prétendre gouverner le pays, mais rien n’est encore fait.

Résultat : 1er – 23, 70 % des voix ; 37 sièges sur 150 (PVV).

Le Forum pour la démocratie (FvD), parti populiste de droite dirigé par Thierry Baudet, comptait 8 députés lors de la précédente législature. Il n’en a aujourd’hui, plus que 3. Son programme est proche du PVV. Ce parti souhaite restreindre l’immigration, organiser un référendum sur l’appartenance des Pays-Bas à l’Union européenne. Il propose également de faire des bourgmestres, commissaires du Roi et du Premier ministre, des fonctions dont les occupants soient choisis directement par les électeurs et non plus par un système indirect. Le parti plaide pour plus de démocratie directe, pour un gouvernement constitué d’experts dans leur domaine, ainsi que pour une administration nationale dont les cadres doivent être soit reconfirmés, soit démis dès qu’un nouveau cabinet entre en fonction.

Résultat : 10e 2,42 % des voix ; 3 sièges sur 150.

Juiste Antwoord 2021 (Juste réponse, JA21), qui résulte d’une scission du Forum pour la démocratie, dirigé par Joost Eerdmans, comptait 3 élus lors de la précédente législature. Il n’a aujourd’hui plus qu’un seul élu.

Résultat : 15e 0,68 % des voix ; 1 siège sur 150.

Le Mouvement agriculteur-citoyen (BBB), fondé en 2019 par Caroline Van der Plas et représentant du monde rural aux Pays-Bas, possédait 1 siège lors de la dernière législature, il en a aujourd’hui 7.

Résultat : 6e 4,68 % des voix ; 7 sièges sur 150.

Droite

Le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), parti libéral créé en 1948 et était dirigé par le Premier ministre sortant Mark Rutte. Lors de la précédente législature, avait 34 sièges, il en perd 10. Le VVD est dirigé aujourd’hui par Dilan Yeşilgöz-Zegerius, ancienne ministre de la Justice et de la Sécurité dans le quatrième cabinet de Mark Rutte.

Dilan Yeşilgöz-Zegerius, milite d’abord dans d’autres partis comme beaucoup d’acteurs de la vie politique, elle, mais elle n’a pas créé le sien comme certains. Dilan Yeşilgöz-Zegerius, dont le père a quitté la Turquie en qualité de réfugié politique, est favorable à une restriction de l’immigration. Néanmoins, le VVD n’envisage pas de participer au Gouvernement, mais devrait le soutenir.

Résultat : 3e 15,25 % des voix ; 24 sièges sur 150.

Le nouveau contrat social NSC a été créé le 19 août 2023 par Pieter Omtzigt, c’est une scission de l’appel chrétien démocrate (CDA). Lors de la campagne, il a annoncé ne pas être candidat au poste de Premier ministre. Il souhaite seulement être président de son groupe à la seconde chambre des États généraux, l’équivalent de l’Assemblée nationale.

Résultat : 4e 12,89% des voix ; 20 sièges sur 150.

Les partis chrétiens

L’Appel chrétien-démocrate (CDA), parti de centre-droit né en 1980 de la fusion de 3 partis : le Parti populaire catholique (KVP), le Parti antirévolutionnaire (ARP) et l’Union chrétienne historique (CHU). Le CDA accueille des membres d’autres confessions, et s’engage pour l’intégration des minorités. Il défend l’intégration européenne et les efforts d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Il propose une réforme budgétaire. Il comptait 15 élus lors de la précédente législature, il en perd 10 lors des dernières élections.

Résultat : 7e 3,34 % des voix ; 5 sièges sur 150.

Le SGP (Parti politique réformé) était crédité par les sondages de 3 à 5 sièges.

Créé en 1918 sous l’impulsion du pasteur Gerrit Hendrik Kersten, il est plus conservateur que le CDA. Il n’a jamais présenté de femme aux élections. Le SGP est farouchement opposé à l’avortement et à l’euthanasie. La ligne du SGP défend une Bible chrétienne à prendre au pied de la lettre. Actuelle détentrice de trois sièges, cette formation politique veut interdire le shopping et le travail dominical pour que les Néerlandais puissent « aller au culte ». Elle plaide pour la fermeture des 600 « coffee-shops » qui vendent du cannabis aux Pays-Bas et l’interdiction de toute publicité pour des boissons alcoolisées. Son idéal politique serait d’établir une sorte de théocratie, partant du principe que personne finalement n’est mieux placé que Dieu pour gouverner le pays !

Le Parti politique réformé (SGP) est donc un parti politique néerlandais protestant traditionaliste. Il comptait 3 sièges en 2021 qu’il conserve aujourd’hui.

Résultat : 12e 2,11 % des voix ; 3 sièges sur 150.

L’Union chrétienne (CU), née en janvier 2000 de la fusion de la Fédération politique réformée (RPF) et de l’Alliance politique réformée (GPV), dirigée par Mirjam Bikker, comptait 5 députés lors de la précédente législature, elle en perd 2 dans cette assemblée.

Résultat : 13e 2,05 % des voix ; 3 sièges sur 150.

Ce mouvement néo-calviniste se distingue tout à la fois par sa fibre sociale, capable de s’associer à la gauche sur le plan du modèle économique, l’accueil des migrants ou les questions environnementales, et par ses positions traditionnelles sur l’homosexualité, l’avortement ou l’euthanasie par exemple.

Gauche

Les Démocrates 66 (D66) regroupent les libéraux réformateurs de centre gauche. Conduits par Rob Jetten, ils comptaient 24 députés lors de la précédente législature. Il en a aujourd’hui, plus que 9.

Résultat : 6,23 % des voix ; 9 sièges sur 150.

Le Parti socialiste (SP), parti de gauche radicale emmené par Lilian Marijnissen, possédait 9 sièges lors de la précédente législature. Il a aujourd’hui 5 sièges.

Résultat : 3,15 % des voix et compte5 sièges sur 150.

Coalition PvdA-GL

PvdA

Le Parti du travail (PvdA), fondé en 1946 et issu du mouvement syndical, conduit par Attie Kuiken, comptait 9 élus dans la précédente législature. Dans le cadre de la coalition PvdaGL elle obtient 12 sièges.

La GL

La Gauche verte (GL), parti écologiste emmené par Jesse Klaver et fondé en 1989, comptait 8 sièges dans la précédente législature. Elle réalise un bon score, c’est l’un des vainqueurs du scrutin de novembre dernier. Lors de la dernière législature, la GL avait obtenu 8 sièges. Dans le cadre de la coalition Pvda-GL elle obtient 13 sièges.

Résultat : PvdA-GL2e 15,56 % des voix ; 25 sièges sur 150.

Le Parti pour les animaux (PvdD), fondé en 2002 et conduit par Esther Ouwehand, possédait 6 sièges lors de la dernière législature.

Résultat : 11e 2,22 % des voix ; 3 sièges sur 150.

DENK, parti fondé en 2014 par Tunahan Kuzu et Selcuk Öztürk, anciens membres du PvdA, prône le multiculturalisme et la décolonisation. Conduit par Farid Azarkan, il possédait 3 sièges lors de la précédente législature. Il est sur des positions identitaires. Ce parti maintient son score.

Résultat : 9e 3,84 %des voix ; 3 sièges sur 150.

VOLT, parti social-libéral européen présidé par Jason Halbgewachs et Sacha Muller, possédait 3 sièges il en a perdu un le 22 novembre 2023.

Résultat : 14e 1,68 % des voix ; 2 sièges sur 150.

Analyse de ce scrutin

La victoire de l’extrême droite et de Wilders n’est pas réductible aux positions anti-immigration et anti-islam du PVV. D’ailleurs, l’immigration aux Pays-Bas est plus basse qu’en Allemagne, au Royaume-Uni ou en France. Ce qui fait la force de la montée de l’extrême droite aux Pays-Bas, mais aussi ailleurs en Europe, c’est l’opposition aux politiques européennes et environnementales. Ces politiques menées par l’Europe nourrissent les sentiments eurosceptiques et anti-vert.

Dans ce contexte, le Mouvement Paysan-Citoyen, qui a progressé lors de ces élections, opposées à la politique environnementale, sera un allié du PVV dans la prochaine coalition. Le BBB sera aussi un allié important pour cette éventuelle coalition qui aurait besoin du Sénat pour faire adopter ses propositions de loi. En effet le BBB est majoritaire au Sénat. Il doit son succès aux élections sénatoriales à sa campagne de protestation contre les projets du gouvernement visant à réduire de moitié les émissions d’azote d’ici 2030, ce qui nécessiterait une diminution massive de l’élevage et de l’utilisation d’engrais.

Geert Wilders aura aussi besoin des 20 sièges du Nouveau Contrat Social pour gouverner. Peter Omtzigt, un ancien démocrate-chrétien qui a fondé en août dernier son propre parti est également eurosceptique.

Pour permettre à cette coalition de voir le jour, Geert Wilders a annoncé récemment qu’il retirait sa proposition d’interdire le Coran et de fermer les mosquées.

Enfin, il n’est pas sûr que cette coalition lui permette de déclencher la sortie de l’Euro ou le retour au florin, comme il l’indiquait dans son programme.

Bref, avec ce nouveau parlement aux Pays bas intégrant ce pays dans le camp « eurosceptique », l’exécutif de l’Union européenne aura encore plus de mal à mettre en place ses politiques intégrationnistes en l’absence d’unanimité.

Extrême-droite : une tache d’huile qui continue de se répandre sur le continent européen

Le 25 septembre 2022, c’était Georgia Méloni du parti néo-fasciste Fratelli d’Italia qui remportait les élections législatives générales italiennes. Georgia Méloni deviendra présidente du Conseil dans une coalition formée par la Ligue, le parti d’extrême droite de Matteo Salvini et Forza Italia.

La même année en 2022 le Hongrois Viktor Orban lui aussi remporta les élections pour la quatrième fois et avec une participation de presque 70 % (69,59 %), dans laquelle il obtient 54,13 % des voix, soit 135 sièges sur 199. Lors de la dernière législature, sa coalition avait obtenu 117 sièges. Une victoire qui a semblé régulière, les observateurs internationaux n’ont rien constaté d’anormal. Néanmoins, il ne faut pas oublier que Viktor Orban a modifié le système électoral ces dernières années. Il est aujourd’hui beaucoup plus difficile pour l’opposition de gagner.

En Slovaquie, Robert Fico a fait son retour à la tête d’une coalition d’extrême-droite le 15 octobre. Vous retrouverez dans l’article paru dans ReSPUBLICA le 26 novembre 2023 que les mensonges et nombreuses désinformations ont marqué la campagne électorale.

Cependant, cette progression de l’extrême-droite n’est pas irréversible, le sursaut démocratique en Pologne et l’effort du président du Gouvernement espagnol pour que l’Espagne reste en démocratie sont à souligner.

Impact sur les projets européens

Cette montée de l’extrême-droite met en danger deux points politiques mis en avant par l’Union européenne Le plus important des deux est le Green Deal, un paquet législatif visant à garantir l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050. De nombreux agriculteurs aux Pays-Bas, en Allemagne et en France sont décidés à empêcher la politique environnementale de l’Europe. Par ailleurs, les ménages sont contraints de remplacer leurs appareils de chauffages au fioul et au gaz. Le second est la proposition d’élargissement de l’UE à l’Ukraine, à la Moldavie et à la Bosnie-Herzégovine. L’intégration de ces trois pays est dans le viseur des eurosceptiques. Wilders, en tête, n’acceptera en aucun cas un élargissement s’il implique une nouvelle augmentation de la contribution nette des Pays-Bas au budget de l’UE.

Commentaire

Pour conclure cet article, comment ne pas évoquer les prochaines élections du Parlement européen qui auront lieu le 9 juin 2024 ? Le contexte international est très détérioré. Guerre au Proche-Orient, guerre en Europe, les conflits et les guerres s’accumulent. Ces tensions détériorent un peu plus la démocratie en faisant croire à des solutions populistes, et qui souvent sont synonymes de montée de l’extrême-droite.