Scandale financier et fraudes fiscales bancaires Cinq établissements dans le collimateur

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Les cinq banques concernées par cette perquisition que d’aucuns considèrent comme l’une des plus grandes enquêtes du Parquet national financier français (PNF)(1)Source Le Monde du 29 mars 2023, Anne Michel, Jérémie Baruchet, Maxime Vaudano, https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/03/28/la-societe-generale-bnp-paribas-exane-natixis-et-hsbc-visees-par-des-perquisitions-dans-un-scandale-de-fraude-fiscale-hors-norme_6167273_4355770.html : 160 enquêteurs du Service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), rattaché à Bercy, 16 magistrats répartis sur les différents sites, ainsi que six magistrats allemands du parquet de Cologne, dans le cadre de l’entraide judiciaire engagée entre la France et l’Allemagne dans ce dossier complexe. sont la BNP Paribas et sa filiale Exane, la Société générale, Natixis et HSBC Paris, géant bancaire britannique. Un fort soupçon de fraude fiscale et de blanchiment aggravé d’une ampleur exceptionnelle pèse tout particulièrement sur la BNP et sa filiale Exane.

À l’origine de la décision du PNF d’ouvrir une enquête, se trouve une plainte contre X en 2018 de la part d’un collectif de 250 contribuables emmené par le député socialiste des Landes, Boris Vallaud(2)Député dans la 3e circonscription des Landes lors des élections législatives de 2017, il est réélu député socialiste aux élections législatives de 2022 au sein de la coalition Nupes. En juin 2022, il est élu président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.. L’autre motivation de l’ouverture d’une enquête résulte des premières révélations du Monde, dans le cadre de l’enquête internationale « CumEx Files », pilotée par le média d’investigation allemand Correctiv. Déjà en 2017, le PNF avait dans le viseur les techniques frauduleuses appelées CumCum. Cinq ans ont passé. Il n’est pas trop tard pour remédier à ce véritable hold up dont sont victimes les finances publiques et, partant, l’ensemble des contribuables français.

L’avenir nous confirmera ou non si les perquisitions menées donneront du grain à moudre aux enquêteurs pour apporter la preuve du caractère litigieux de ces opérations financières. Cela pourrait faire boule de neige, car ces pratiques sont monnaie courante dans le milieu bancaire depuis des décennies. Les dossiers à investiguer atteignent un tel volume qu’il faudra du temps pour aboutir à des conclusions pertinentes. La vigilance des citoyens et de leurs représentants élus est indispensable pour que ces enquêtes aboutissent.

À ce jour, un seul établissement a avoué, devant les sénateurs, les faits reprochés et accepté un redressement fiscal. Les autres établissements bancaires ont contesté l’irrégularité de leur pratique. Ils ont reçu l’appui d’un représentant du gendarme boursier qui a rappelé que « les prêts de titres sont utiles au bon fonctionnement du marché ». Avec de tels gendarmes, comment s’étonner de telles pratiques qui grugent les États ?

Une pratique frauduleuse : le CumCum

Cette dénomination désigne une pratique qui fait florès dans les institutions financières. Elle consiste à organiser des opérations complexes sur les marchés, dans le but d’éviter aux actionnaires d’entreprises cotées en Bourse et à des investisseurs non-résidents en France d’échapper à la taxe sur les dividendes sur les actions d’entreprises françaises. Cette pratique profite d’une zone grise légale(3)Source Les Echos, Romain Gueugneau, Isabelle Couet, 28 mars 2023 : « Le procédé consiste à transférer la propriété des titres à une banque tricolore au moment où le coupon est détaché, pour les récupérer ultérieurement, avec le dividende. Les banques, étant domiciliées en France, ne payent pas d’impôts sur le dividende perçu. Le gain fiscal peut ensuite être partagé entre la banque et l’investisseur »..

Nos représentants feraient bien de légiférer pour que ce type de pratique de contournement de la loi fiscale cesse. Cela est d’autant plus indispensable à l’heure où les macronistes et la droite nous serinent qu’il faut trouver de nouvelles recettes pour justifier la contre-réforme antisociale des retraites, recettes, faut-il le rappeler, qui n’ont aucun caractère d’urgence aux yeux de tous les analystes qui ne sont pas aveuglés par l’idéologie ultralibérale. Cette idéologie mortifère et gangrénante considère que tous les secteurs de la société, dont les biens communs, sont sous la tutelle avide des marchés financiers.

Ce nouvel épisode qui fait suite à l’article paru dans ReSPUBLICA(4)n° 1049 : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-idees/respublica-economie/5-minutes-pour-comprendre-pourquoi-la-crise-bancaire-va-durer/7433440 confirme la crise financière. Comment s’étonner de telles pratiques frauduleuses qui vont contre l’intérêt général ? En effet, le capitalisme actionnarial ne vise que le maintien dans le temps du pouvoir quasi absolu des actionnaires dans les entreprises, ne vise que la réalisation du maximum de profits dans le laps de temps le plus court, qu’à permettre aux financiers d’accaparer une part toujours plus grande des fruits du travail des travailleurs et salariés. Cette logique ultralibérale va à l’encontre de la pérennité des entreprises et des intérêts des travailleurs, et, finalement, de l’ensemble de la société. N’oublions pas que les plus hauts représentants de l’État et les gouvernements libéraux qui se sont succédé ont appuyé dans cette direction. Soyons assurés que ceux-là mêmes qui favorisent une telle situation et qui en sont responsables vont, la main sur le cœur, condamner ces mêmes pratiques et affirmer que ces fraudes sont marginales alors qu’elles sont consubstantielles au capitalisme actionnarial et financier.

Des causes anciennes liées à l’avènement du capitalisme actionnarial et financier

Rappelons que cette logique préside aux destinées de notre pays et de la construction européenne depuis les années 1970. Depuis cinq décennies, entre le président « banquier d’affaires », Georges Pompidou, et l’actuel président « banquier d’affaires », Emmanuel Macron, la politique se fait à la corbeille ou à la Bourse contre laquelle se positionnait le dernier président attaché à la souveraineté de la nation et du peuple, le général de Gaulle. La première étape fut celle initiée par Georges Pompidou en 1973 qui détricota la souveraineté bancaire de la France en supprimant le pouvoir de la Banque de France. Il en rajouta une couche en obligeant les collectivités territoriales et l’État à emprunter auprès des banques privées, sur le marché financier pour leurs investissements avec les intérêts afférents que certains considèrent comme une des sources de la dette actuelle(5)Loi « Pompidou-Giscard-Rothschild » de 1973 que certains économistes présentent comme la simple compilation de règles antérieures pour minimiser son impact et l’abandon du pouvoir de la Banque de France.. Entre-temps, mis à part le bref intermède d’un gouvernement d’Union de la gauche de 1981 à 1983, tous les gouvernements se sont attachés à amplifier cette soumission aux marchés financiers.

La dette publique s’élève, à ce jour, à 3 000 milliards d’euros. Prendre conscience qu’elle représente l’actif essentiel de nos banques et des détenteurs de titres français permet de penser qu’elle n’est pas le fruit du hasard, mais le résultat d’une logique et d’un projet financiers favorisés, maintenus par celles et ceux qui en profitent, favorisés par l’État maastrichtien et macroniste. Gageons que les spéculateurs qui se nourrissent de la dette ne sont pas pressés de promouvoir une politique économique juste socialement à même d’assécher ou de limiter le déficit public. Ce n’est pas leur intérêt et une telle politique sociale se heurte de front aux « eaux glacées du calcul égoïste » chères au capitalisme actionnarial. Cela justifie de mener la lutte des classes, ainsi qu’une véritable éducation populaire de conscientisation.

Fraude fiscale, new management actionnarial et retraites

Quel rapport peut-il y avoir entre ces trois aspects ? Apparemment aucun. Pourtant, la fraude fiscale n’est qu’un aspect du capitalisme actionnarial. Plus profondément, ce capitalisme, enclin par nature à toutes les tricheries à l’encontre de l’esprit républicain fait de souci de l’intérêt général, diffuse à l’ensemble de la société des méthodes délétères pour les travailleurs et les entreprises. Précisons :

  • en lieu et place de la confiance dans les collectifs de travail de base, c’est le règne de la méfiance qui réduit d’autant les capacités à négocier et surtout à être créatif et à prendre des initiatives,
  • en lieu et place de l’intéressement collectif aux résultats de l’entreprise et de l’esprit de coopération, c’est le règne de l’individualisation des rémunérations pour mieux opposer les salariés les uns aux autres,
  • en lieu et place de la valorisation de la détection des problèmes tout au long du processus de production d’un objet ou d’un service, c’est la pratique de la sanction pour les lanceurs d’alerte (cf. tricherie chez Volkswagen ou en encore chez Buitoni…),
  • en lieu et place des moyens suffisants et concertés avec les collectifs de travailleurs pour atteindre les objectifs, c’est la réduction systématique de ces moyens.

Ce new management contraire à l’intérêt des salariés ne vise d’aucune manière la valorisation globale de l’entreprise, mais le pouvoir des actionnaires pour qu’ils puissent accaparer les fruits du travail. De plus, il ne s’appuie que sur la partie négative des motivations extrinsèques : la peur de la sanction, la crainte du licenciement, l’imposition arbitraire d’objectifs fixés par la seule hiérarchie. Sont écartés les motivations intrinsèques fondées sur la satisfaction qu’apporte le travail indépendamment de toute récompense et de contraintes extérieures. C’est la valeur de l’activité en elle-même, le sens du travail qui est annihilé. Est-il utile ou inutile pour soi-même et pour la société ?

Retraites : la charrue avant les bœufs

C’est là qu’intervient la question sociale et sociétale de la retraite. La réforme, fondamentalement, met la charrue avant les bœufs. En effet, ce New management crée une ambiance au travail délétère. Comment s’étonner, dans ces conditions, que les travailleurs n’aient qu’un désir, celui de faire valoir leur droit à la retraite le plus tôt possible pour que celle-ci ne soit non pas « l’antichambre de la mort, mais une nouvelle étape de la vie »(6)Mot du ministre communiste du général de Gaulle, Ambroise Croizat qui a présidé à la mise en place de la Sécurité sociale en 1945. pour s’accomplir pleinement, ce qu’ils ne pouvaient réaliser durant leur activité. Avant de vouloir reculer ou avancer l’âge de départ à la retraite, avant d’augmenter ou de diminuer le nombre de trimestres validés pour faire valoir ses droits, ne faudrait-il pas, en amont, améliorer les conditions de travail ? Cela reviendrait à remettre en cause le système dans son ensemble. Ce que la droite, l’extrême-centre macroniste ou centrisme autoritaire, le RN refusent.

Selon les estimations, le soupçon de fraude fiscale et de blanchiment concerne de quelques dizaines de milliards d’euros à plus de cent milliards. Le gouvernement avec sa réforme inutile, qui met en pièces le modèle social français déjà pas mal détricoté, pense engranger 12 milliards d’euros supplémentaires dont seuls deux seraient destinés au financement des retraites. Il joue petit joueur face aux sommes de la fraude fiscale. Seulement, pour les travailleurs, cela n’est pas un jeu, mais impacte profondément leur vie.

L’autre aspect qui indique que les tenants de la contre-réforme des retraites mettent la charrue avant les bœufs est que la bataille des chiffres et du supposé déséquilibre des comptes sont les arbres qui masquent la forêt de la désindustrialisation depuis les années 1980 et de la perte de souveraineté alimentaire. Si on n’y remédie pas, le financement des retraites, mais aussi de la protection sociale reviendra sur la table. Pour preuve, tous les gouvernements maastrichtiens et libéraux successifs ont détricoté les droits du travail et des travailleurs, ont réduit les prestations sociales et déremboursé nombre de médicaments. C’est la double peine pour les salariés : précarisation, chômage, baisse du pouvoir d’achat d’un côté et de l’autre des réformes antisociales.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Source Le Monde du 29 mars 2023, Anne Michel, Jérémie Baruchet, Maxime Vaudano, https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/03/28/la-societe-generale-bnp-paribas-exane-natixis-et-hsbc-visees-par-des-perquisitions-dans-un-scandale-de-fraude-fiscale-hors-norme_6167273_4355770.html : 160 enquêteurs du Service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), rattaché à Bercy, 16 magistrats répartis sur les différents sites, ainsi que six magistrats allemands du parquet de Cologne, dans le cadre de l’entraide judiciaire engagée entre la France et l’Allemagne dans ce dossier complexe.
2 Député dans la 3e circonscription des Landes lors des élections législatives de 2017, il est réélu député socialiste aux élections législatives de 2022 au sein de la coalition Nupes. En juin 2022, il est élu président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.
3 Source Les Echos, Romain Gueugneau, Isabelle Couet, 28 mars 2023 : « Le procédé consiste à transférer la propriété des titres à une banque tricolore au moment où le coupon est détaché, pour les récupérer ultérieurement, avec le dividende. Les banques, étant domiciliées en France, ne payent pas d’impôts sur le dividende perçu. Le gain fiscal peut ensuite être partagé entre la banque et l’investisseur ».
4 n° 1049 : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-idees/respublica-economie/5-minutes-pour-comprendre-pourquoi-la-crise-bancaire-va-durer/7433440
5 Loi « Pompidou-Giscard-Rothschild » de 1973 que certains économistes présentent comme la simple compilation de règles antérieures pour minimiser son impact et l’abandon du pouvoir de la Banque de France.
6 Mot du ministre communiste du général de Gaulle, Ambroise Croizat qui a présidé à la mise en place de la Sécurité sociale en 1945.