« La femme du ferrailleur », de Danis Tanovic

En collaboration avec l’association 0 de Conduite

Une double urgence

C’est après avoir lu dans un journal la relation d’un fait divers dramatique qui s’était déroulé dans un petit village de Bosnie que Danis Tanovic a décidé de le traduire cinématographiquement dans les délais des plus brefs. Comment traiter ce drame de la pauvreté dans une famille Rom., en faire une fiction, un simple reportage, un documentaire. Difficile de monter une production comme pour n’importe quel film.
La rencontre de Danis Tanovic avec les protagonistes de cette histoire qui venait de se dérouler dans cette famille rom le convainquit qu’il ne fallait pas faire de casting. L’homme, Nazif, sa femme Seneda et leurs enfants lui semblaient être les seuls que sa caméra pourraient enregistrer. Pas étonnant ce choix du cinéaste quand on se rappelle qu’en 2001 dans la sélection officielle en compétition à Cannes son premier film, No man’s land, avait obtenu le Prix du scénario. Puis il remporta l’année suivante aux USA le Golden Globe et surtout l’Oscar du Meilleur film de langue étrangère. Ce film narrant l’étonnante histoire de deux combattants, l’un bosniaque, l’autre serbe qui à la suite d’un violent combat sur les hauteurs de Sarajevo se jettent dans la même tranchée pour se protéger des tirs des antagonistes. Ce fut pour Danis Tanovic l’occasion de dénoncer ces combats fratricides, l’action désastreuse des Casques bleus de l’ONU et le rôle important joué par la presse internationale représentée ici par une journaliste américaine. Né à Zénica en Bosnie Herzégovine en 1969, il fit ses premières études de cinéma à Sarajevo et rejoignit l’une des meilleures écoles européennes de cinéma, l’INSAS à Bruxelles.
Avec un sujet pareil qui s’était déroulé dans une petite maison en bordure d’un village, il composa une petite équipe avec ses amis techniciens. Le Fonds bosniaque les aida à réussir cette reconstitution de ce que ce couple avait enduré. Nazif raconta au cinéaste ce qui s’était passé à la suite de la fausse couche de sa femme et de la mort de son bébé qui mettait celle-ci en danger de mort, ici plus précisément d’être emportée par une septicémie. Lui qui tout au long de l’année faisait vivre les siens en collectant toute la ferraille qu’il trouvait abandonnée dans les villages d’alentour et dans les campagnes se trouvait dans l’impossibilité de payer les frais d’opération de Senada. En Bosnie pas de sécurité sociale, seule la Slovénie possède une structure de type couverture sociale universelle. Les autres pays terriblement endettés n’y arrivent pas vraiment. Le tournage se fit en neuf jours avec un appareil photo numérique, un Canon 5 D Mark II. Il n’y avait pas de scénario.
Danis Tanovic dit à ses “comédiens non professionnels”, c’est à dire en dehors du couple, les enfants, les frères de Nazif, ses cousins, presque tout le village, de ne pas jouer. Chaque scène filmée est une première ou une seconde prise. Le seul comédien professionnel est celui qui interprète le médecin qui avait refusé d’opérer cette femme en danger de mort !
Revenons au fait que nous avons là une description de la vie des Roms, ici en Bosnie. Et évidemment nous constatons que pour ces populations, dans quelque pays où elles se trouvent celles-ci sont enfermées dans ces mêmes métiers. Pour les hommes, à l’aide de vieilles camionnettes, le ramassage de tous métaux. Les femmes et les enfants collectent eux les vêtements de nos poubelles. Et nous, en France, nous apprenons régulièrement les destructions et incendies de leurs logements précaires et des objets nécessaires au quotidien. Ce, à la demande de la population et aux ordres donnés par des maires zélés.
Reconnaissons le remarquable travail du responsable de la photo Erol Zubcevic avec qui les terres et les ciels se rejoignent ajoutant à la désespérance de ces pauvres gens. Seules les images de la famille avec les enfants à l’intérieur de la petite maison offrent des couleurs vives.

Le film a été présenté récemment au Festival du Film de Berlin où il a reçu deux Ours d’Argent (Grand Prix du jury et meilleur acteur, décerné à Nazif ).
Tout comme Danis Tanovic avait voulu filmer rapidement cet épisode de la dure vie de cette famille Rom de Bosnie, il y a urgence à aller voir le film de ce cinéaste d’importance. (1)On peut rapprocher de ce film celui de José Vieira  “Le Bateau en carton” (voir l’article de F. Esteves dans 0 de conduite, n°76 mars 2011), portant sur la vie en bidonville de Roms roumains dans l’Essonne.

Pour connaître les salles de votre ville, téléphoner à Zootrope Distribution, Marie Pascaud : 01 53 20 48 63 et Claire Viroulaud, Cine-Sud Promotion : 01 44 54 54 77.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 On peut rapprocher de ce film celui de José Vieira  “Le Bateau en carton” (voir l’article de F. Esteves dans 0 de conduite, n°76 mars 2011), portant sur la vie en bidonville de Roms roumains dans l’Essonne.