Reus, 2066 Dernier volet de la trilogie de Pablo Martin Sanchez

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Dernier volet d’un triptyque romanesque de l’auteur espagnol Pablo Martin Sanchez dont ReSPUBLICA a présenté la première partie : L’anarchiste qui s’appelait comme moi, Reus, 2066 / Journal d’un vieux cabochard — en espagnol, titre et sous-titre sont inversés — est cette fois un roman d’anticipation qui se passe à Reus, au sud de la Catalogne donc, en 2066 (le roman vient d’être traduit aux éditions Zulma par Jean-Marie Saint-Lu, 23 euros). Il se présente sous la forme d’un journal tenu le temps d’un été par un vieil écrivain, retranché au Pere Mata (l’Institut Pere Mata est un hôpital psychiatrique de Reus) depuis la Grande Panne.

À la suite de la Troisième guerre mondiale, du virus Marburg et enfin du Pacte de la Honte, la Péninsule ibérique doit être évacuée pour devenir une base militaire. Certains résistent, dont un groupe de douze, qui se trouve coupé du monde depuis la Grande Panne. Les vivres et les médicaments doivent être rationnés, mais viendront bientôt à manquer. La date limite pour quitter le territoire approche et ceux qui ont décidé de rester n’ont plus d’électricité ni d’eau, ni moyens de communication.

Parmi les « résistants », le narrateur, un vieil écrivain, a l’idée de commencer un journal « pour laisser un témoignage des temps convulsifs que nous vivons » alors qu’il est cloué au lit par une foulure de la cheville et se voit offrir par la docteure qui le soigne des livres mités récupérés dans la bibliothèque de Pere Mata (dont le Journal d’un fou de Gogol), les plus intéressants de ces livres étant ceux qui ont le maximum de pages vierges à arracher !

La mise en abyme est bien sûr évidente ; alors qu’une enfant aveugle s’approche de l’institut avec son chien, le narrateur se remémore des personnages de son dernier roman : « C’était censé être la deuxième partie d’une trilogie consacrée aux trois éléments qui composent la biographie minimale de tout un chacun : son nom, sa date et son lieu de naissance. Le premier roman avait pour héros un anarchiste qui s’appelait comme moi ; le deuxième se passait le jour de ma naissance ; le troisième devait se dérouler entièrement à Reus, mais je n’ai jamais pu le terminer »(1)Page 149. Mais si… puisque nous l’avons entre nos mains !(2)Notons au passage que le deuxième roman L’instant décisif est paru en France en 2021.

Le récit de cette survie avec ses moult péripéties : lutte contre les pillards, tours de garde, expéditions « au-dehors », défections, décès de compagnons forment un tableau qui peut effrayer par le réalisme du genre (chronique d’un effondrement). Martin Sanchez nous met d’ailleurs en garde par un exergue de Lionel Shriver :

Les intrigues qui se déroulent dans le futur traitent de choses qui effraient dans le présent. En réalité, elles ne traitent pas du futur. 

On est cependant rapidement emporté par un récit aussi mouvementé que captivant, mais aussi conquis par la fantaisie de l’auteur/narrateur (vous y découvrirez une méthode pour retenir le nombre Pi !).

Pablo Martin Sanchez a donc mis en scène son double, écrivain, membre de l’Oulipo, né à Reus et du même âge que lui, mais c’est essentiellement ce ton d’autodérision qui fait le piment de cette chronique d’un futur possible.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Page 149.
2 Notons au passage que le deuxième roman L’instant décisif est paru en France en 2021.