L’obscurantisme religieux tous azimuts

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La liberté ou la mort, Jean-Baptiste Regnault.

Un lecteur de ReSPUBLICA nous a transmis l’intervention d’Alain Escada, Président de Civitas International, au colloque italien « Catholiques Romains 2025 – États Généraux » organisé par Radio Spada, le 25 avril 2025. Ce lecteur, à la foi bien accrochée et républicain dans l’âme, offusqué par la teneur de cette intervention intégriste, a subi au sein de l’Église catholique et au sein de la hiérarchie ecclésiale des pressions de la part des courants traditionalistes et intégristes. Dans nos discussions, il relatait son vécu pour bien montrer que le dogmatisme, l’obscurantisme, l’intégrisme qui fragilisent notre socle républicain ne sont pas l’apanage des courants religieux islamistes. Dans les deux cas, heureusement, ces courants ne sont pas majoritaires. Pour combien de temps ?

Intimidations intellectuelles de tous bords

Est-il encore possible de critiquer la politique du gouvernement israélien à Gaza, où des massacres sont perpétrés et la famine organisée, de s’opposer à la colonisation des territoires palestiniens sans être taxé d’antisémite ? Est-il possible de condamner les crimes commis par le Hamas et la prise d’otages, de qualifier ce mouvement de terroriste sans être taxé d’antimusulman ? Est-il possible de condamner l’intégrisme de certains courants chrétiens catholiques et évangélistes sans être taxé d’antichrétien ?

Le terrorisme intellectuel agit en deux phases. Dans un premier temps, il faut organiser la répression de certaines idées, surtout si elles sont hétérodoxes. Dans un deuxième temps, il faut réprimer jusqu’à la conception de ces idées dérangeantes, au point de nous rendre honteux de les penser et de conduire à l’éviction sociale. Ce terrorisme n’est pas tant le fait des États que des organisations intégristes de tous bords.

Florilèges de propos intégristes

Civitas international, l’obscurantisme en poupe :

  • En France, « la république maçonnique poursuit son œuvre mortifère » ;
  • « Pour l’ouverture et la clôture des Jeux Olympiques en France, le président Emmanuel Macron avait confié à des professionnels de la subversion le soin d’organiser des spectacles ignobles, pervers, blasphématoires et véritablement sataniques ». On a pu apprécier ou non ce spectacle, mais, de là à le qualifier de satanique, il y a une marge, à moins de considérer le polythéisme et la mythologie grecque comme diaboliques ;
  • « Macron n’aime ni la France ni les Français, Macron n’aime pas non plus la religion catholique qui a façonné la grandeur passée de la France. Macron, c’est le président qui, pour les 250 ans du Grand Orient de France, avait été y tenir un discours affirmant que les ennemis de la franc-maçonnerie sont les ennemis de la république » ;
  • L’intervenant s’appuie sur des actes présidentiels contraires au principe de laïcité et, donc, de neutralité de l’État, alors que Civitas est opposé à la laïcité. Il dénonce à juste titre : « Macron, c’est le président qui a organisé une cérémonie d’Hanoukka à l’Élysée, démontrant que sa définition de la laïcité est à géométrie très variable ». Sur ce point, il a raison et ReSPUBLICA a dénoncé cet écart par rapport au principe de laïcité. L’intervenant dérive vers une position antisémite, comme le montre la suite ;
  • « Macron, créature de Jacques Attali et de la banque Rothschild, orgueilleux narcissique, n’a d’intérêt que pour le Pouvoir et les turpitudes auxquelles ce pouvoir donne accès. D’innombrables émissions vues par des millions de personnes et des livres qui sont déjà des best-sellers aux États-Unis comme en France affirment que l’épouse du président Macron serait née homme. L’image du chef d’État français est devenue la risée internationale » ;
  • Il ajoute dans l’ignoble : « Pendant ce temps, les partis politiques français dits de droite nationale ont eu pour priorité de se faire adouber par Israël et de donner un maximum de gages d’adhésion aux valeurs du système dominant ». La classe politique dans son ensemble, y compris le Rassemblement national, en prend pour son grade, « favorable à la constitutionnalisation de l’avortement » […] « aux francs-maçons et aux militants LGBT », au « mariage des invertis » ;
  • Suit un raisonnement binaire qui laisse peu de place à la nuance, la subtilité, la complexité : « Les temps qui viennent seront des temps de grande confusion, avec de plus en plus d’acteurs politiques au comportement dualiste, servant tantôt le Bien, tantôt le Mal ».

L’affirmation de conclusion fait froid dans le dos : « Christus Vincit ! Christus Regnat ! Christus Imperat ! » ou en langue quotidienne « Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ gouverne ! ». Le principe d’organisation de la société qu’est la laïcité est vilipendé par cette prose, car, pour ces intégristes, imaginer une société libérée de toute tutelle religieuse serait une ignominie.

Intégristes musulmans, salafiste, « Foi et pratique », « Musulmans de France », l’obscurantisme en étendard(1)Pour plus de précisions, lire la recension du livre de Michel Delmas et Charles Malauzat sur les maires face à l’intégrisme https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-laicite/respublica-combat-laique/le-maire-aux-prises-avec-lislamisme/7438212. :

Pour ce qui concerne salafiste, « Foi et pratique » :

  • Imiter les premiers musulmans, sans apporter la preuve de telles pratiques : contraintes vestimentaires et comportementales au point de ne pas mettre de visage sur les poupées des enfants, car toute représentation humaine serait interdite ;
  • Ne pas se mêler de politique, car les régimes occidentaux ne se placent pas sous la gouvernance de Dieu, encore que, aux États-Unis, on prête serment sur la Bible. La laïcité est donc à bannir ;
  • Appliquer la règle de « l’allégeance et du désaveu ». Cela implique de ne nouer aucune alliance avec un juif ou un chrétien. Et le pire serait de s’allier avec un athée ou un polythéiste, ou encore un animiste… 

Pour ce qui concerne « Musulmans de France » ainsi que les « Frères musulmans » :

  • Créer une identité musulmane visible par les vêtements, notamment féminins (foulard, abaya, qamis, voile intégral, burqa), ainsi que par l’alimentation ;
  • Rester dans un rapport de soumission de la femme à l’homme ;
  • Pratiquer l’entrisme dans toutes les strates de la société pour en modifier les règles et avancer vers l’instauration de la charia…

Une communauté de pensée identique à tous les intégrismes

Tous les intégrismes issus des trois religions dites abrahamiques (juives, chrétiennes et musulmanes) nourrissent la même haine de la laïcité, qui libère les individus des communautarismes religieux, qui assure la liberté de conscience en la préservant des harcèlements, menaces et assassinats. La laïcité qui assure, comme l’affirmait Ferdinand Buisson, « à chacun la liberté de pensée et de conscience sans autre limite que l’interdiction d’opprimer une autre pensée et conscience ». Ces intégrismes ont en commun l’avènement d’une société totalitaire en ce sens qu’ils visent à contrôler les actes, l’esprit, les comportements de tout un chacun.

Le choix de sa fin de vie : opposition unanime des religions, intégristes ou pas

La liberté de conscience, la liberté de décider de sa vie comme du choix de sa mort s’invitent dans le débat sur « la fin de vie » et « les soins palliatifs ». Les échanges à l’Assemblée nationale portent, entre autres, sur « la possibilité pour une personne qui en exprime la demande d’avoir recourt à une substance létale, autrement dit de choisir de mourir ». Les religions n’hésitent pas à considérer toute avancée vers la liberté de décider de sa mort et de son moment comme une rupture de civilisation. Les mêmes invoquaient un argument similaire contre l’IVG, contre la contraception, contre la liberté des femmes de maîtriser leur corps.

Pour s’opposer à toute avancée sur « la fin de vie », certains évoquent les « soins palliatifs ». Ils ont raison quand il est affirmé que le système de santé actuel ne permet pas l’accès à un niveau suffisant pour éviter et limiter les souffrances insupportables des malades « d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ». Pour le député Olivier Falorni, « il y a encore pire que la mort, quand la vie n’est devenue qu’une inexorable agonie ». Les courants religieux, à une époque pas si lointaine, s’opposaient à tout soulagement de la souffrance au prétexte que c’est une épreuve envoyée par Dieu. Libre aux croyants de refuser toute aide à mourir, mais ils n’ont pas à l’imposer à tout un chacun. Il y a unanimité des religions pour s’opposer à ce qui devrait relever du libre choix des individus. Cela apparaît dans le communiqué commun du 15 mai 2025 émanant des six représentants religieux de l’Église catholique, de la Fédération protestante, de l’Église orthodoxe, du Judaïsme (Grand rabbin de France), de l’Islam (Recteur de la grande mosquée de Paris) et de l’Union bouddhiste de France. N’oublions pas que la question d’une mort dans la dignité signifie une vie digne(2)Montaigne : « Que philosopher, c’est apprendre à mourir », autrement dit « la recherche de la sagesse pour mener une vie bonne avec le bonheur en bien suprême : apprendre » ; https://argoul.com/2021/10/01/que-philosopher-cest-apprendre-a-mourir-dit-montaigne/..

Pas d’amalgame, pas de généralisation abusive

La grande majorité des chrétiens, des juifs, des musulmans ne souhaitent que pratiquer une religion pacifique, tolérante, qui bannit la contrainte. Athées, agnostiques, indifférents aux religions et croyants, nous devons dépasser nos divergences en matière de spiritualité, de conception métaphysique. C’est l’union de la rose et du réséda si bien exprimée par Louis Aragon qui doit dominer. Dans cette lutte pour un monde plus juste, « quand les blés sont sous la grêle/Fou qui fait le délicat/Fou qui songe à ses querelles/Au cœur du commun combat »(3)https://www.poesie-francaise.fr/louis-aragon/poeme-la-rose-et-le-reseda.php.. Les tenants de l’ultralibéralisme, de la suppression des conquis sociaux n’attendent que cela : que nous soyons divisés entre « ceux qui croient au ciel et ceux qui ne croient pas ».

Avec Spinoza, seules les pratiques religieuses contraires à l’intérêt général doivent être réprimées, sanctionnées.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Pour plus de précisions, lire la recension du livre de Michel Delmas et Charles Malauzat sur les maires face à l’intégrisme https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-laicite/respublica-combat-laique/le-maire-aux-prises-avec-lislamisme/7438212.
2 Montaigne : « Que philosopher, c’est apprendre à mourir », autrement dit « la recherche de la sagesse pour mener une vie bonne avec le bonheur en bien suprême : apprendre » ; https://argoul.com/2021/10/01/que-philosopher-cest-apprendre-a-mourir-dit-montaigne/.
3 https://www.poesie-francaise.fr/louis-aragon/poeme-la-rose-et-le-reseda.php.