Pédocriminalité dans l’Église : des propos inacceptables du président de la CEF (Conférence des évêques de France) contraires aux principes de la République

Suite au rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) dit rapport Sauvé, Éric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France a affirmé, mercredi 6 octobre sur France Info, que le secret de la confession restait « plus fort que les lois de la République ».

« La confession s’impose à nous » et le secret « est plus fort que la loi de la République. Elle ouvre un espace de parole, libre, qui se fait devant Dieu ». Il s’appuie sur la position du pape François qui a répété à plusieurs occasions que ce secret demeurait absolu. La CEF en ajoute une couche sur le non-respect des lois de la République : « Il n’est pas permis à un prêtre de faire usage de ce qu’il a entendu en confession et, donc, il ne peut en aucun cas signaler aux autorités judiciaires un pénitent, que ce soit l’auteur, la victime ou le témoin. La sanction encourue par les confesseurs pour une violation directe du sceau sacramentel est l’excommunication ».

Deux poids deux mesures en fonction de la religion concernée ?

Nous avions l’habitude d’entendre de tels propos, comme quoi les lois qui émaneraient supposément d’un dieu seraient supérieures aux lois immanentes que se donnent les êtres humains, dans la bouche des islamistes à ne pas confondre avec les musulmans et non dans la bouche de représentants d’une religion dite intégrée. Quand les islamistes proféraient de tels propos antirépublicains et antilaïques, les commentaires fustigeant, à juste titre et avec raison, le séparatisme des fondamentalistes, – et à Respublica nous n’étions pas en reste –, se multipliaient. Où sont les pourfendeurs de telles dérives inacceptables quand il s’agit de l’Église catholique de France dont un éminent évêque appelle les prêtres à ignorer les lois de la République ? Où est l’État qui ne se gêne pas pour financer avec l’impôt de toutes et tous l’enseignement privé confessionnel qui refuse la formation à la laïcité ?

Secret de la confession et secret professionnel

Beaucoup de membres de l’Église justifient le secret de la confession en s’appuyant sur un arrêt du 4 décembre 1891 de la Cour de cassation. Ils oublient, ce faisant, que cet arrêt date d’avant la loi du 9 décembre 1905 dite de séparation entre les églises et l’État. Un autre argument est avancé en établissant un parallèle spécieux avec le secret professionnel. La loi en vigueur est pourtant claire qui fait obligation de signaler et d’assister une personne en danger. La non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans est considérée en France comme un délit pour lequel le secret professionnel n’est pas applicable.

Qu’attend l’exécutif pour rappeler à l’ordre républicain et à la laïcité sans exception ?

De fait, l’exécutif communique depuis des mois sur le « séparatisme islamiste » à juste raison, et n’a pas eu un mot pour condamner les propos du président de la Conférence des évêques de France. De même, alors qu’une majorité d’alsaciens et de mosellans est pour son abrogation, le gouvernement ne fait rien pour mettre fin à cette anomalie qu’est le Concordat dans ces deux parties du territoire national.

Un mot sur la Commission indépendante sur les abus sexuel dans l’Église et les suites à donner en matière d’indemnisation des victimes

Les membres de cette commission et son président, Jean-Marc Sauvé, ont réalisé un travail remarquable d’une grande honnêteté intellectuelle. Leur travail est exemplaire et pourrait servir d’appui à d’autres enquêtes ainsi qu’à une autocritique du système dont la question du célibat des prêtres qui, les mettant sur un piédestal, favorise des rapports de dépendances(1)Voir l’hebdomadaire chrétien, La Vie, du 5 octobre 2021. et l’ordination de femmes. Ces derniers points sont naturellement du ressort de l’église et de ses fidèles qui pourraient se servir du rapport comme tremplin pour réformer afin que la maîtrise de l’institution ne soit pas réservée aux seuls prêtres.

Le rapporteur interrogé évoque « la sacralisation excessive de la figure des prêtres … qui tiennent auprès de nous la place de Dieu… » et cite un manuel de 1913 pour lequel les prêtres « doivent être à ce titre l’objet d’une vénération toute particulière…» Il poursuit en estimant que « ce type de discours a facilité les entreprises de prédateurs qui se sont abrités derrière lui. »

Indemnisation : vigilance afin que l’argent public ne soit pas mobilisé

Dans le rapport, il est question d’un fonds d’indemnisation qu’évoque le rapporteur :

« Il est par ailleurs souhaitable que l’État crée un fonds d’indemnisation des victimes de violences sexuelles dans le prolongement des travaux de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE)(2)La CIIVISE reçoit les témoignages dans le respect des articles 434-3 et 434-1 du Code pénal qui lui font obligation d’informer les autorités judiciaires de toutes les agressions ou atteintes sexuelles., lancée par le président de la République début 2021. »

La question qui se pose est la manière avec laquelle ce fonds sera abondé. Le sera-t-il avec l’argent public ou par l’église ? Nous devons bien avoir conscience que l’église possède un patrimoine largement suffisant pour indemniser toutes les victimes. Le quart du patrimoine de l’église à Paris intra-muros y suffirait amplement. Il serait, à notre avis, scandaleux que l’ensemble des contribuables soient mis à contribution directement ou via des dons bénéficiant de crédit d’impôts.

La vigilance s’impose.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Voir l’hebdomadaire chrétien, La Vie, du 5 octobre 2021.
2 La CIIVISE reçoit les témoignages dans le respect des articles 434-3 et 434-1 du Code pénal qui lui font obligation d’informer les autorités judiciaires de toutes les agressions ou atteintes sexuelles.