Garder la tête froide pour comprendre et agir face aux événements du Proche-Orient

Alors qu’en France, les forces néolibérales soutiennent inconditionnellement et scandaleusement le gouvernement d’extrême droite d’Israël, nous voyons ici et là, y compris au sein de l’extrême gauche, des positions de type islamo-gauchiste conduisant à penser que tous les ennemis de l’État d’Israël sont des amis. Ces deux positionnements, qui se renforcent mutuellement comme d’habitude, doivent être condamnés par les acteurs pour la paix.
Face à cela, sur la ligne de crête de la solidarité internationale, de nombreuses manifestations de soutien au peuple palestinien et pour une solution politique au conflit israélo-palestinien ont eu lieu. A Paris, ce fut le cas lors de la grande manifestation organisée avec le service d’ordre de la CGT. En Israël même, des voix anti-gouvernementales se sont affirmées.Vendredi 15 août, pour la sixième semaine consécutive, résidents juifs et arabes de Wadi Ara, dans le nord d’Israël, ont formé une chaîne humaine le long de la route pour montrer que, voisins, ils refusaient la guerre et le racisme. Le 16 août, le Parti communiste d’Israël (formation politique intégrant les deux communautés juive et arabe, mais avec un recrutement majoritairement arabe), le Front démocratique pour la paix et l’égalité (Hadash, organisation de masse du PC d’Israël), le parti de gauche d’opposition Meretz (organisation de l’Autre gauche en Israël avec un recrutement essentiellement juif), l’ONG israëlienne La Paix maintenant (Shalom Akhsav), et d’un certain nombre d’associations comme « Une autre voix » (1)Association regroupant des Israéliens habitant dans des villes et des kibboutzim frontaliers avec Gaza, qui maintiennent des contacts depuis des années avec la population gazaouie et qui militent contre la déshumanisation de l’autre suite au conflit. et « Le cercle des familles endeuillées » (2)Association regroupant 600 familles, 300 israéliennes et 300 palestiniennes, qui ont perdu des proches dans des guerres et ou des attentats, et qui militent ensemble en se rendant devant des assemblées juives et palestiniennes pour expliquer qu’il faut mettre fin au conflit., ont mobilisé plus de 10.000 personnes dans la soirée du samedi 16 août à Tel-Aviv pour la reprise des négociations de paix avec l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Cette manifestation est la plus importante du « camp de la paix » depuis le déclenchement le 8 juillet de l’opération israélienne à Gaza, qui a fait près de 2 000 morts palestiniens et de 70 du côté israélien. Les banderoles de la manifestation sont explicites : « Juifs et Arabes refusent d’être ennemis » revenait en leitmotiv, une fois au masculin et une fois au féminin ; «  A Sdérot et à Gaza, les enfants veulent vivre » ; « Il n’y a pas de différence entre un sang et un autre, nous sommes tous des êtres humains » ; « Israël et Palestine, 2 Etats pour 2 peuples » ; «Oui à la paix, non à l’occupation »;  « Le racisme commence à la table du gouvernement », etc.

A noter que les socialistes du Parti travailliste israélien (les solfériniens de là-bas !) n’étaient pas présents à la manifestation.

« Le gouvernement de Nétanyahou n’a fait qu’affaiblirMahmoud Abbas et renforcer ainsi le Hamas », a déploré Nitzan Horowitz, un député du Meretz. ll a ajouté: « Il est de notre droit et de notre devoir d’appeler à une solution politique, qui est la solution qui assurera la paix et la sécurité. Personne ne nous fera taire ou nous intimidera ». La dirigeante du Meretz, Zehava Galon, a appelé à la démission du Premier ministre.

Mohamed Barakeh, député communiste du Hadash, a insisté sur l’injustice faite aux arabes israéliens qui sont arrêtés quand ils veulent manifester leur soutien à la population de Gaza, au prétexte qu’en temps de guerre, de telles manifestations pouvaient être source de violences.

L’écrivain David Grossman a, lui aussi, proclamé qu’il fallait « faire la paix avec l’Autorité palestinienne et négocier avec le gouvernement d’union palestinien ».  Affirmant qu’il est temps de se réveiller et de ne pas sombrer dans la dictature de la peur, il précise : « Il n’y a pas de solution militaire au conflit entre Israël et le Hamas. Il n’y a pas de solution militaire qui puisse mettre fin à la souffrance des Israéliens dans le sud et la souffrance inhumaine de la population de Gaza. Les gens en Israël ne pourront pas respirer librement, tant que le blocus sur Gaza ne sera pas levé. »
Pour lui, les problèmes sociaux, le racisme, la corruption… sont des tunnels en train de miner la fragile démocratie israélienne, risquant de transformer en un temps très court, plus court qu’on ne l’imagine, un pays avancé tourné vers l’avenir en une secte extrémiste, détestant les étrangers et refermée sur elle même. Enfin Grossman rappelle la détresse des arabes israéliens qui voient parfois les enfants de leurs voisins tirer sur leurs proches vivant à Gaza et à qui l’on refuse le droit de crier.

Mais il faut prendre conscience qu’un accord de paix demande une solution et une action globales. Agir pour la paix entre Israël et un État palestinien, c’est donc agir pour qu’un État palestinien soit reconnu internationalement.

La base amendable d’un accord de paix est connue de tous depuis longtemps : elle serait du type Accord de Genève de 2003. Mais les dirigeants actuels d’Israël surfent sur de bons chiffres de l’économie israélienne qui feraient rêver nombre de pays européens.  Agir pour la paix exige donc des actions visant de façon non-violente à atteindre l’économie israélienne par le boycott de ses produits vendus à l’étranger, et de la même façon l’économie américaine, son principal allié.

Mais cela ne suffit pas. Il faut un projet global culturel, politique et social pour le Proche-Orient. Mais là, il faut combattre le double jeu des États-Unis et de l’Union européenne : discours de paix et actions de soutien à la guerre !

Il faut également régler de nombreux problèmes comme le problème de l’utilisation des nouvelles réserves énergétiques trouvées dans cette région et notamment à Gaza, ainsi que le problème de l’eau car, en dehors du Liban et de la Turquie, le potentiel hydraulique de la région est faible (lire « La question de l’eau dans les relations israélo-palestiniennes : un conflit insoluble ? » par Mélodie Le Hay sur http://www.lesclesdumoyenorient.com/La-question-de-l-eau-dans-les.

Voilà pourquoi ce conflit s’éternise : pas d’action globale et insuffisance de la bataille internationale contre le double jeu des puissances impérialistes occidentales. Là est l’angle mort du problème israélo-palestinien !

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Association regroupant des Israéliens habitant dans des villes et des kibboutzim frontaliers avec Gaza, qui maintiennent des contacts depuis des années avec la population gazaouie et qui militent contre la déshumanisation de l’autre suite au conflit.
2 Association regroupant 600 familles, 300 israéliennes et 300 palestiniennes, qui ont perdu des proches dans des guerres et ou des attentats, et qui militent ensemble en se rendant devant des assemblées juives et palestiniennes pour expliquer qu’il faut mettre fin au conflit.