Influence des nouvelles technologies sur le militantisme
Bien sûr, la séquence qui s’ouvre doit tenir compte de la révolution des technologies de l’information qui va bouleverser les habitudes des militances anciennes. Déjà, ReSPUBLICA, comme quelques autres médias alternatifs, a développé quelques lignes de force du monde capitaliste nouveau qui s’ouvre devant nous : les racines théologico-politiques de l’extrême droite américaine (sous une forme augustinienne) d’abord, puis des nouvelles extrêmes droites mondiales, le national-capitalisme autoritaire, le développement de nouvelles idéologies bourgeoises de division du peuple (essentialisme, identitarisme, wokisme, solipsisme, subjectivisme, etc.), la fin du libre-échange néolibéral, la lente agonie de l’ordolibéralisme européen. Le réalisme des intérêts devient de plus en plus fort face à la morale. Les analyses sur le pillage de la Russie des années 1990 sont suivies par les analyses de la guerre d’Ukraine à partir de 2014, les focus sur certaines politiques de l’Est asiatique, notamment chinoise et indienne, la préférence capitaliste des théories de l’avantage concurrentiel au détriment de l’avantage comparatif, des regards précis sur différents pays de l’Amérique latine et sur les conflits du Proche-Orient.
Défaite des néolibéraux conservateurs et progressistes aux États-Unis
Dès la victoire soviétique de Stalingrad en 1943 face à l’Allemagne nazie, jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, l’impérialisme étatsunien a fonctionné dans une vision du monde en deux blocs dirigés par les États-Unis et l’Union soviétique. Cependant, il y eut deux inflexions importantes, avec Richard Nixon et Ronald Reagan. Pour le premier, c’est la fin de la convertibilité du dollar en or et la tentative d’« alliance de revers » contre l’Union soviétique avec la reconnaissance de la République populaire de Chine de Mao Zedong. Ce qui permettra ensuite après l’arrivée de Deng Xiaoping en 1978 que la Chine devienne « l’usine du monde ». Pour le second, c’est le début du pouvoir néolibéral d’abord conservateur avec les Républicains dès 1979, mais aussi progressiste avec les Démocrates.
De 1991 jusqu’au 20 janvier 2025, la vision du monde de l’impérialisme étatsunien fixe toujours la Russie comme adversaire principal. D’abord, les années 90 furent une période de pillage de la Russie par les oligarques russes soutenus par les dirigeants des États-Unis. Une première inflexion a eu lieu en 1994 avec la décision de Bill Clinton de l’élargissement vers l’est de l’OTAN. Puis vint une reprise en main de type national capitaliste autoritaire par Vladimir Poutine, appuyé par l’église orthodoxe de Moscou. Dans cette période, de plus en plus de leaders étatsuniens déclarent que l’adversaire principal devient la Chine. L’administration étatsunienne de Barack Obama à Biden (y compris Donald Trump I) infléchit par petites doses la politique des USA en ce sens, tout en maintenant l’action principale contre la Russie via la politique de l’OTAN. La victoire de Donald Trump II en novembre 2024 change la donne. Elle marque la défaite des néolibéraux conservateurs et progressistes pour le contrôle de la première puissance du monde.
Trump II marque l’avènement d’une direction nationale capitaliste autoritaire aux États-Unis
L’administration de Donald Trump II sait que la transition doit être rapide, car la présidence ne dure que 4 ans et que, dès l’été 2026, la campagne des Midterms (élections de mi-mandat) doit démarrer. Voilà qui explique la vigueur du démarrage du changement politique qui d’ailleurs n’étonne dans le monde que les Européens en général et la majorité de la gauche en particulier. En effet, tout cela était prévisible, y compris la saturation médiatique comme axe stratégique de déploiement. Il suffisait de savoir que les thèses de Zbigniew Brzezinski (le grand échiquier 1997) ne sont plus sur la table de chevet des dirigeants étatsuniens et qu’il faut plutôt se référer à celle d’Henri Kissinger ou, plus près de nous, aux discours de John Mearsheimer ou de Jeffrey Sachs(1)« On n’est pas les bons gars de l’Histoire » et « On n’est pas les bons gars de l’Histoire » (partie 2).. À noter que l’économiste Jeffrey Sachs vient de se faire auditionner au Parlement européen le mardi 25 février 2025.
La Chine présente sa position géopolitique avec une proposition à l’Union européenne
Contrairement aux Européens, la position officielle chinoise sur la guerre d’Ukraine fournie par son ambassadeur à l’ONU, Fu Cong, encourage « tous les efforts de paix » en appelant à des négociations « incluant toutes les parties » pour régler toutes les « causes profondes » du conflit. La position générale de la direction chinoise a été donnée le 14 février dernier lors de l’allocation à Munich de Wang Yi, ministre des Affaires étrangères de la République populaire de Chine et membre du bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois. Son discours fut intitulé « Une force constructive résolue dans un monde en transformation ». Son discours fut un appel à « bâtir un monde multipolaire égal et ordonné ». Il présenta 4 points.
Le premier se construit dans « l’égalité entre tous les pays, grands ou petits », à « l’augmentation de la représentation et du droit à la parole des pays en voie de développement ».
Son deuxième point relève du « respect de l’état de droit international » via les buts et les principes de la Charte des Nations-Unies en évitant le « deux poids, deux mesures ». La Chine déclare qu’elle appelle à « respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays », ce qui signifie, entre autres, de « soutenir la réunification complète de la Chine ».
Son troisième point relève la nécessité de « poursuivre le multilatéralisme ». Il continue en disant que « La mentalité — nous d’abord — ne peut conduire qu’à un scénario perdant-perdant ». Il appelle à soutenir l’ONU et l’Accord de Paris. Il appelle à une triple initiative, celle « du développement mondial, de la sécurité mondiale et de la civilisation mondiale » en fournissant des biens publics pour perfectionner la gouvernance mondiale.
Son quatrième point relève de « l’ouverture et des bénéfices mutuels » en évitant « le protectionnisme qui ne mène nulle part et l’abus de tarifs douaniers ». La participation de la Chine « à partager les opportunités de développement avec les autres pays via les synergies de l’initiative la ceinture et la Route et de la stratégie — Global Gateway — de l’UE ». Wang Yi rappelle qu’en cette année de 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques Chine-UE, « la Chine considère depuis toujours l’UE comme un pôle important dans le monde multipolaire. La Chine et l’Europe sont partenaires et non rivaux. »
Ce discours repris dans toutes les réponses aux questions qui ont été posées à Wang Yi définit bien l’orientation stratégique officielle de la Chine. Mais derrière ce discours et le débat qui s’en est suivi, on peut comprendre trois items :
- la Chine soutient officiellement la voie de la paix définie par son ambassadeur à l’ONU Fu Cong (voir ci-dessus) ;
- la Chine est prête à devenir un acteur de la paix en Ukraine (envoi de force de maintien de la paix chinoise sous mandat international, reconstruction, etc.) et à poursuivre sa ligne stratégique précisée par Wang Yi visant à un multilatéralisme égal et ordonné (voir ci-dessus) ;
- l’Anxiété d’une « alliance de revers » entre les USA et la Russie pousse la Chine à proposer à l’Union européenne un partenariat de haut niveau allant dans le cadre de sa ligne stratégique officielle.
Un accord USA-Russie pour une fin du conflit en Ukraine au Conseil de sécurité
Changement d’ambiance au Conseil de sécurité. Lundi 24 février, trois ans jour pour jour après l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, une résolution demandant la fin du conflit dans les plus brefs délais est votée par 10 voix (USA, Chine, Russie, Algérie — renouvelable en 2025, Guyane — renouvelable en 2025, Pakistan — renouvelable en 2026, Panama — renouvelable en 2026, République de Corée — renouvelable en 2025, Sierra Leone — renouvelable en 2025, Somalie — renouvelable en 2026). Les Européens se sont abstenus (Danemark — renouvelable en 2026, France, Grèce — renouvelable en 2026, Royaume-Uni et Slovénie — renouvelable en 2025) après avoir vu tous leurs amendements rejetés. Lors des deux votes à l’assemblée générale de l’ONU sur la guerre en Ukraine, structure uniquement consultative, les USA et la Russie ont voté ensemble, contrairement à l’Ukraine.
Notes de bas de page
↑1 | « On n’est pas les bons gars de l’Histoire » et « On n’est pas les bons gars de l’Histoire » (partie 2). |
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