Politique chinoise : Li Qiang répond à Donald Trump

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Illustration du XIXème siècle du personnage Sun Wukong, héros principal du roman La Pérégrination vers l'Ouest de Wu Cheng'en.

Donald Trump a présenté son discours sur l’État de l’Union devant le Congrès américain. Il a bien sûr parlé également de sa politique internationale. Et, comme prévu, sa priorité n’est plus atlantique, mais pacifique, au grand dam des Européens. Le Premier ministre chinois Li Qiang lui a répondu lors de l’ouverture de la session annuelle de l’Assemblée nationale populaire (ou en sa version longue du Congrès national des représentants du peuple de la République populaire de Chine). Pour connaître le fonctionnement politique de la Chine populaire, veuillez vous reporter à notre article détaillant celui-ci.

Devant près de 3 000 délégués, le n° 2 du régime chinois a promis de tenir compte de la nouvelle guerre commerciale lancée par Donald Trump (doublement des tarifs douaniers en provenance de Chine, soit 20 %). Il conçoit que le monde devient « de plus en plus alarmant et compliqué » et que les « menaces pour notre commerce extérieur [celui de la Chine] et notre secteur des sciences et technologies [celui de la Chine] deviennent chaque jour plus réelles ».

Par contre, malgré la faible demande économique intérieure chinoise, le gouvernement n’a pas souhaité relancer la demande intérieure par une action nationale, en souhaitant sans doute que cette relance s’effectue par les autorités locales. Il mise sur une croissance de 5 % du PIB chinois, objectif que nous jugeons trop optimiste. Il prévoit un abaissement de l’objectif de l’inflation à 2 %. 2024 se termine pour la Chine avec un indice officiel des prix à la consommation de 0,2 % et donc avec une évolution du déflateur du PIB(1)Un déflateur est un instrument permettant de corriger une grandeur économique des effets de l’inflation. Le déflateur du PIB est calculé à partir des évolutions du PIB nominal et du PIB réel. Concrètement, il est calculé de la façon suivante : PIB nominal = valeur du PIB mesurée à prix courants de l’année (cette mesure inclut donc les effets de l’inflation ou de la déflation) ; PIB réel = valeur du PIB aux prix de la même année, mais à prix constants (l’effet de l’inflation n’est pas intégré). Le déflateur du PIB est égal à PIB nominal/PIB réel, le tout multiplié par 100. De manière générale, et en fonction notamment du volume et de l’évolution des prix des importations et des exportations et de toutes les dépenses, le déflateur du PIB s’écarte de l’indice des prix à la consommation, mais la différence est habituellement faible. L’indice du déflateur du PIB est plus holistique pour comprendre l’économie. quasi nulle ou légèrement négative. Il est donc probable que la Chine soit dans une spirale déflationniste pour la troisième année consécutive. Malgré cela, la Chine va augmenter son budget de la défense de 7,2 %, comme l’année dernière, tout en déclarant que la Chine « s’opposera fermement aux tentatives de sécession » et aux « ingérences des forces extérieures », notamment à Taïwan.

Relance budgétaire, mais toujours la politique de l’offre

Il s’agit donc de lutter contre cette déflation par une politique budgétaire qu’il a caractérisé de « plus vigoureuse et plus efficace » avec le creusement d’un déficit de 4 % du PIB. Cette nouvelle politique budgétaire permettra d’accroître les dépenses de 155 milliards d’euros supplémentaires, l’émission d’obligations locales de 570 milliards d’euros et l’augmentation des emprunts d’État de 233 milliards d’euros. Le fléchage de cette politique budgétaire montre cependant les difficultés économiques et sociales de la Chine. En effet, il s’agit de recapitaliser les banques chinoises et de permettre aux collectivités locales de racheter les chantiers immobiliers interrompus par la crise immobilière avec une baisse des taux des réserves obligatoires et des taux d’intérêt. Une taxe à la consommation sera prélevée par et pour les collectivités locales qui sont appelées à soutenir la consommation des ménages.

Comme noté ci-dessus, il n’y aura pas de relance nationale par la demande sociale, sauf pour les étrangers et pour le renouvellement des smartphones et de l’électroménager. Les augmentations sociales significatives des salaires, des pensions et des minimas sociaux ne seront pas pour cette année ! Un élargissement du hukou(2)Le système du hukou chinois a été introduit en 1958 comme moyen de recensement et de contrôle de la population. En 1985, le système du hukou a abouti à la délivrance de cartes d’identité personnelles. Dans sa version actuelle, le hukou remplit trois fonctions : contrôle des migrations internes, gestion de la protection sociale et préservation de la stabilité sociale. Il est à noter que le système du hukou définit les droits des Chinois en fonction du territoire qui fournit le hukou. Les hukou des grandes villes donnent plus de droits sociaux que les hukou des petites villes ou de la campagne. Il est donc fréquent d’avoir dans les grandes villes des Chinois qui possèdent un hukou délivré par la ville et des Chinois « migrants internes » qui possèdent un droit de séjour et des droits nettement inférieurs. est toujours en discussion, mais il semble que la direction de Xi ne le considère pas comme prioritaire. 

La Chine riposte aux droits de douane américains et canadiens

Lors de la Conférence consultative politique du peuple chinois, les dirigeants chinois ont développé leurs décisions de riposter par des droits de douane à l’encontre des politiques protectionnistes des États-Unis et du Canada. Contre les États-Unis, Pékin a décidé d’imposer des taxes douanières de 15 % sur le poulet, le blé, le maïs et sur le coton entrant en Chine et de 10 % sur le soja, le porc ou le bœuf, une réponse ciblée sur les produits des agriculteurs américains, socle électoral de Trump. Pour le Canada, l’huile de colza, les tourteaux et les pois seront frappés d’une taxe de 100 % à partir du 20 mars ! Une plainte contre le Canada sera déposée auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

La riposte chinoise sur les tarifs douaniers est forte, mais sélective et vise à mobiliser agriculteurs américains et canadiens contre leur gouvernement. Cela montre que les dirigeants chinois souhaitent une rencontre au plus haut niveau avec les États-Unis et le Canada. Pour autant, cela n’a pas empêché Pékin de féliciter le futur Premier ministre canadien Mark Carney, qui a été élu avec 86 % des voix du Parti libéral pour succéder à Justin Trudeau, démissionnaire. Mao Ning, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a déclaré : « nous espérons que la partie canadienne pourra garder une vision objective et rationnelle », en souhaitant que Mark Carney suive « une politique pragmatique à l’égard de la Chine ».

2025, année test pour jauger le nouveau rapport de force États-Unis-Chine

Nous attendons la troisième session plénière du Comité central du Parti convoqué par Xi Jinping, secrétaire général du Parti communiste chinois, qui devrait promulguer les réformes économiques du pays.

En attendant, la stratégie de Xi reste la même : tenter de maintenir la ligne de croissance économique d’une part et de sécurité nationale d’autre part. Et pour cela, privilégier le haut de gamme industriel, sa recherche, son marché, la décarbonation de l’économie et la stimulation dirigée de la consommation de tous les jours. Xi refuse toujours pour l’instant une politique de la demande pour relancer la croissance, tout comme il n’envisage pas un accroissement significatif des prestations minimales de la Sécurité sociale. Il bloque la continuation du processus d’abandon des restrictions à la migration interne et à l’utilisation des terres (élargissement du hukou). Par contre, la recherche d’une future autonomie dans le haut de gamme est recherchée. Il souhaite même des investissements étrangers dans les domaines non centraux de sa politique. L’affrontement États-Unis-Chine reste donc piloté pour l’instant par les stratégies politiques internes de chacun des deux pays.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Un déflateur est un instrument permettant de corriger une grandeur économique des effets de l’inflation. Le déflateur du PIB est calculé à partir des évolutions du PIB nominal et du PIB réel. Concrètement, il est calculé de la façon suivante : PIB nominal = valeur du PIB mesurée à prix courants de l’année (cette mesure inclut donc les effets de l’inflation ou de la déflation) ; PIB réel = valeur du PIB aux prix de la même année, mais à prix constants (l’effet de l’inflation n’est pas intégré). Le déflateur du PIB est égal à PIB nominal/PIB réel, le tout multiplié par 100. De manière générale, et en fonction notamment du volume et de l’évolution des prix des importations et des exportations et de toutes les dépenses, le déflateur du PIB s’écarte de l’indice des prix à la consommation, mais la différence est habituellement faible. L’indice du déflateur du PIB est plus holistique pour comprendre l’économie.
2 Le système du hukou chinois a été introduit en 1958 comme moyen de recensement et de contrôle de la population. En 1985, le système du hukou a abouti à la délivrance de cartes d’identité personnelles. Dans sa version actuelle, le hukou remplit trois fonctions : contrôle des migrations internes, gestion de la protection sociale et préservation de la stabilité sociale. Il est à noter que le système du hukou définit les droits des Chinois en fonction du territoire qui fournit le hukou. Les hukou des grandes villes donnent plus de droits sociaux que les hukou des petites villes ou de la campagne. Il est donc fréquent d’avoir dans les grandes villes des Chinois qui possèdent un hukou délivré par la ville et des Chinois « migrants internes » qui possèdent un droit de séjour et des droits nettement inférieurs.