Accord Espagne-Catalogne L'accord de Pedro Sánchez avec les indépendantistes : un acte de politique contre le fatalisme !

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Dans de nombreux pays, des partis nationalistes, nationaux populistes ou d’extrême droite remportent les élections. L’Argentine et les Pays-Bas sont les deux derniers pays à rejoindre cette tendance. Cette série de victoires par ces partis souvent qualifiés d’antisystèmes est la conséquence d’une force destructrice de la volonté politique et de la vie politique. En physique, nous parlerions d’entropie, un phénomène qui se caractérise par la désorganisation d’un système. L’Espagne, elle, vient d’éviter, cette spirale infernale qui mène à la fin de la démocratie.

L’accord de Pedro Sánchez avec les indépendantistes catalans est un acte de politique contre le fatalisme. Il ne s’agit pas de renoncer à l’unité de l’Espagne, mais de la reconstruire avec tous les Espagnols, y compris les Catalans.

Cet accord, négocié depuis plusieurs mois, ne fait pas l’unanimité en Espagne, mais il va permettre à l’Espagne d’éviter de rejoindre le groupe des pays qui s’éloignent de la démocratie, et donc de poursuivre les réformes progressistes, mais aussi de résoudre peut-être le conflit catalan qui existe depuis plus d’un siècle.

Octobre 2017 : le référendum illégal

Le 1er octobre 2017, Carles Puigdemon, alors qu’il présidait l’exécutif catalan, a organisé un référendum relatif à l’instauration d’un « État indépendant sous la forme d’une République ». Le Premier ministre Mario Rajoy (parti populaire) a immédiatement interdit cette consultation.

Le lendemain, le 2 octobre, le chef de l’exécutif espagnol, Mario Rajoy, rencontra Pedro Sanchez, président du parti socialiste ouvrier, alors dans l’opposition. Ce dernier a soutenu l’action du gouvernement, mais a dénoncé les violences policières et prôné l’ouverture de négociations avec l’exécutif catalan.

Le dialogue de sourd entre le Gouvernement de Madrid et le Gouvernement de Puigdemon à Barcelone, a abouti à la journée du 27 octobre 2017, où les protagonistes abattirent leurs dernières cartes. Le Parlement catalan vota la déclaration d’indépendance de la province. Une heure plus tard, le Sénat espagnol approuva l’application à la Catalogne de l’article 155 proposé par le gouvernement. L’article 155 permet de suspendre l’autonomie d’une région, en l’occurrence ici la Catalogne, et de mettre en œuvre son administration directe par le gouvernement espagnol. Le Parlement catalan fut dissous et des élections régionales convoquées pour le 21 décembre 2017.

Carles Puigdemont tomba sous le coup d’un mandat d’arrêt européen, comme quatre autres dirigeants indépendantistes, et fut arrêté le 25 mars 2018 par la police allemande. Il fut toutefois remis en liberté, car la justice allemande refusa son extradition en Espagne.

L’apaisement

En juin 2018, la nomination du socialiste Pedro Sanchez à la tête du gouvernement espagnol permit d’apaiser les tensions entre le Gouvernement de Madrid et les indépendantistes catalans. La tutelle du gouvernement central sur la Catalogne fut levée, la Cour suprême espagnole décida par ailleurs, en juillet 2018, de retirer les mandats d’arrêt européens et internationaux émis contre Carles Puigdemont et les autres dirigeants indépendantistes.

L’accord controversé avec les indépendantistes de novembre 2023

Le 16 novembre 2023, le socialiste Pedro Sánchez fut réinvesti président du gouvernement espagnol avec 179 voix, un score très juste, car il faut 176 voix pour obtenir la majorité. Cette majorité fut le fruit d’un accord, négocié pendant plusieurs mois avec les indépendantistes catalans.

Cet accord d’aujourd’hui n’est pas un compromis de circonstance, c’est la poursuite d’un processus qui s’est mis en place depuis l’arrivée au pouvoir de Pedro Sanchez en 2018. C’est un accord courageux qui maintient l’Espagne dans les pays démocratiques.

Les principaux points de l’accord sont les suivants :

• l’annulation de 15 milliards d’euros de la dette de la Catalogne auprès de l’État central ;

• le transfert complet des compétences du réseau de trains de banlieue de Madrid à la Catalogne ;

• la possibilité d’une future collecte d’impôts par la Généralité de Catalogne ;

• la loi d’amnistie de toutes les personnes liées au processus indépendantiste en Catalogne entre le 1er janvier 2012 et le 13 novembre 2023.

Cet accord est contesté aussi bien par l’extrême droite que par une partie des socialistes espagnols, représentés par Felipe González.

La discorde autour de cet accord masque mal la tentative pour une partie de la classe politique d’empêcher la résistance du Gouvernement espagnol envers l’extrême-droite ou envers l’hyper-centre de type macroniste en France.

Il est assez facile de comprendre que le Parti Populaire et Vox condamnent cet accord, la raison étant la rancœur tenace après cette élection presque gagnée pour la droite et l’extrême-droite… mais finalement perdue de justesse. C’est aussi toute une politique progressiste, sociale, féministe, environnementale qu’ils combattent et qui va se mettre en place.

Pour autant, n’oublions pas les tensions internes au parti socialiste, Felipe Gonzales en tête, qui fustige depuis des années la politique de Pedro Sanchez, en particulier sur la question du statut de la Catalogne.

Pour mémoire, en 2016, Felipe Gonzales s’était opposé à Pedro Sanchez, et avait contraint ce dernier, avec d’autres cadres du Parti socialiste, à démissionner. Cela avait conduit à la reconduction du Gouvernement de Mario Rajoy (parti populaire). Cette tension n’a jamais cessé avec la coalition du PS-Podemos et les négociations avec les indépendantistes basques et catalans.

Pourtant Felipe Gonzales, aujourd’hui si critique envers cet accord avec les indépendantistes, était allé encore plus loin sur la voie de l’amnistie le 14 octobre 1977 avec les partisans de Franco. En 2001, l’ancien président socialiste du gouvernement espagnol commentait cet accord de l’époque, « passant l’éponge » sur la dictature franquiste : « Nous avons décidé de ne pas parler du passé. Si c’était à refaire, (…) je le referais ».

Pour mémoire, la loi d’amnistie de 1977

Revenons sur cette loi d’amnistie justement. Nous étions deux ans après la mort de Franco, lorsque le 14 octobre 1977, la loi fut votée. L’objectif de celle-ci était « d’oublier pour avancer ». D’ailleurs, l’autre appellation de la loi était « le pacte de l’oubli », dans un contexte de transition démocratique.

Dans les faits, la loi d’amnistie a empêché toutes les condamnations des responsables de la dictature franquiste, mais aussi a accordé l’irresponsabilité juridique à tous ceux qui ont servi la dictature. Les crimes contre l’Humanité, commis durant les trente-six ans de la dictature de Franco, les vols de bébés, les tortures, les disparitions, ne seront jamais punis.

Cette loi prévoyait aussi, et c’était bien le minimum qu’elle pouvait faire, l’amnistie contre les opposants à la dictature du général Franco.

En empêchant de poursuivre les crimes franquistes, elle a perpétué l’impunité et a interdit à la société espagnole d’affronter de manière critique son passé.

Une « commission vérité », comme en Argentine, au Chili, au Salvador ou en Afrique du Sud, aurait certainement permis de faire la lumière sur les crimes du franquisme et de rendre justice aux victimes.

Le juge d’instruction Balthazar Garzón a bien tenté de le faire, mais il a été accusé d’avoir enfreint la loi d’amnistie.

Commentaire

L’accord de Pedro Sánchez est un acte courageux qui montre que la démocratie espagnole est encore vivante. Si cet accord était indispensable, sera-t-il suffisant pour résoudre le conflit catalan et pour empêcher l’extrême-droite de prendre le pouvoir en Espagne ? La question reste ouverte.