Pour la première fois, une psychiatre a été reconnue coupable du crime commis par son patient.
Le docteur Canarelli, praticien à Marseille, a été condamnée à un an de prison avec sursis pour homicide involontaire : lors d’une consultation, elle n’avait pas retenu de force un patient, qui commettra trois semaines plus tard un meurtre – alors qu’elle avait signalé le jour même sa « fugue » aux autorités. Au delà de ces éléments conjoncturels, le jugement lui reproche d’avoir sous-estimé depuis toujours la gravité des troubles mentaux de ce patient, dont les antécédents attestaient de la dangerosité, pour privilégier une relation de confiance avec lui.
Une expertise unilatérale a considérablement chargé l’accusée, en lui reprochant de ne pas avoir posé ce diagnostic précis de schizophrénie et cette imputation de dangerosité qui auraient dû l’amener, selon toute évidence, à prescrire préventivement un médicament neuroleptique retard.
Ainsi, d’un enchaînement causal complexe et incertain, on a tiré une conclusion sans appel. Le médecin psychiatre ne doit plus tergiverser : une personne souffrant d’une maladie mentale doit recevoir le traitement adéquat et être enfermé au moindre écart.
Dans cette idéologie, simpliste et redoutable, d’un scientisme omniscient devant garantir l’impunité et le risque 0, parole d’expert et de juge, c’est l’incertitude et l’humilité de toute relation, c’est la confiance entre le praticien et son patient, à la base de toute alliance thérapeutique, qui disparaît derrière une obligation de résultat sécuritaire.
Ce jugement n’aurait pas été le même sans le tournant répressif de la psychiatrie publique opéré sous le précédent gouvernement et consacré par la loi du 5 juillet 2011. Sous couvert d’une judiciarisation en trompe l’oeil, celle-ci renforce considérablement le contrôle administratif et étatique pesant non seulement sur les patients, mais aussi sur les psychiatres : multiplication du recours aux expertises et aux avis médicaux conjoints. Mais cela dans le moment même où les psychiatres publics, soumis à une raréfaction démographique et à une gouvernance hospitalière de plus en plus directive, perdent de fait toute indépendance et tout recul !
C’est ainsi que la simplification sécuritaire et scientiste est venue répondre aux intérêts de la pénurie économique. Voici la psychiatrie devenue l’auxiliaire infaillible de la police, sommée d’empêcher scientifiquement tout débordement individuel : il ne s’agit plus de rétablir la santé comprise comme liberté de penser et d’agir, mais de préserver la sécurité publique. Annoncé par Michel Foucault, le nouvel ordre biopolitique post-disciplinaire règne : enfin mise au pas, la psychiatrie y veille.
Quel praticien, désormais, courra le moindre risque de faire sortir ses patients de l’hôpital psychiatrique ? Il va falloir rouvrir les asiles d’aliénés !
Condamnée, la psychiatrie est en sursis.