A propos du voile islamiste

Seuls les intégristes musulmans obligent les femmes, qui tombent sous leurs escarcelles, à porter le hidjab. Jamais vous ne trouverez un imam, un théologien ou un intellectuel musulman, non islamiste, faire la propagande pour le hidjab ou le faire porter aux personnes féminines de son entourage.

L’intégriste, Tariq Ramadan, l’a fait porter à sa femme, Isabelle, une convertie à l’islam, et à des milliers de jeunes musulmanes d’Europe et d’Amérique du Nord, à partir de son interprétation fondamentaliste de l’islam, tandis que l’intellectuel musulman et imam de Marseille, Soheib Bencheikh, ne le fait pas porter à sa femme, car il considère, à l’instar de centaines de millions de musulmans, que le port de cette tenue n’est pas une obligation religieuse, et qu’elle est de surcroit anachronique.

Sophie Bessis, française d’origine tunisienne, rappelle dans son ouvrage les Arabes, les femmes, la liberté les propos sur le hidjab du féministe égyptien, Kacim Amin (1863-1908), dans son livre l’Émancipation de la femme (1897) : « C’est quand même étonnant ! Pourquoi ne demande-t-on pas aux hommes de porter le voile ou de dérober leurs visages aux regards des femmes, s’ils craignaient tant de les séduire ? La volonté masculine serait-elle inférieure à celle des femmes ? »

Elle cite aussi le théologien, Tahar Haddad (1898-1935), de l’université islamique de Tunis, la Zeitouna (deuxième ou troisième référence, après celle d’El Azhar, au Caire), qui a, quant à lui, comparé dans son livre Notre femme, la législation islamique et la société (1930), le hidjab à « la muselière qu’on met aux chiens pour les empêcher de mordre. »

Gamal Banna, réformiste moderniste et jeune frère de Hassan Banna, considère lui aussi que le port du hidjab n’est pas une obligation islamique. Il ne cesse d’ailleurs de dénoncer les islamistes et les conservateurs religieux d’El Azhar et du monde musulman.

Les sectateurs des islamistes, qui veulent dégager la responsabilité de ceux-ci dans l’imposition de cet uniforme aux femmes musulmanes, affirment que ce dernier, expression des cultures patriarcales, existe depuis plusieurs siècles dans les diverses cultures du pourtour de la Mer méditerranéenne.

Ils omettent cependant de préciser que ce sont les Frères musulmans égyptiens et à leur tête, Hassan Banna, qui l’avaient adopté, comme une obligation religieuse et un uniforme politique, lors de leur création, en 1927.

C’est cette caractéristique politique qui le différencie du voile traditionnel que portent les Algériennes très âgées, et qui n’a aucune connotation partisane.

Signalons que ce dernier type de voile a quasiment disparu en Algérie, en l’espace d’une génération seulement, grâce à la modernité sociale résultant des développements socio-économiques considérables que ce pays connaît depuis sa décolonisation.

Il en est de même de la svastika ou croix gammée. Cette dernière est un symbole religieux existant, depuis la nuit des temps, dans plusieurs aires géographiques, mais qui a pris un sens particulier, après son adoption par les nazis.

Il est néanmoins un fléau qui sévit ces dernières années au Maroc, en Algérie et en Tunisie : l’extension du port du hidjab.

Néanmoins, un phénomène concomitant est en train de se généraliser et de vider le hidjab de sa signification, qui est d’imposer aux musulmanes la chasteté en dehors du cadre du mariage.

Car, pour les islamistes, ces obsédés du pubis des musulmanes, le corps de la femme est une awra (une honte), qu’il faut cacher. La musulmane est réduite par conséquent à une femelle, qui ne doit pas exciter les hommes, réduits, eux aussi, à des phallus, prêts à entrer en furie.

C’est ainsi que l’immense majorité des « enhidjabées » non mariées, aussi bien celles qui le portent, sous la pression idéologique islamiste ou par hypocrisie sociale, que celles qui croient à tort le porter par « conviction », s’interdisent de moins en moins à flirter ou parfois à faire l’amour.

C’est ainsi qu’au Maghreb, ces jeunes filles, ces jeunes femmes et ces femmes ont investi encore plus massivement tous les lieux publics ou discrets de rencontres (salons de thé, restaurants, jardins publics, plages, garçonnières, soirées entre amis…) en compagnie de leurs amoureux ou pour faire des rencontres amoureuses. Il en est de même des forums et chats internet.

Pour autant, il ne viendra pas à l’esprit de la plupart d’entre elles qu’elles trichent avec Allah. Elles pratiquent simplement leur sexualité, à partir de leur compréhension plus ou moins intuitive de l’islam.

Elles sont de cette manière, et involontairement, en train de transformer le voile islamiste en coquille de plus en plus vide de sa substance ; une coquille qui finira par disparaitre pour toujours.

Cette liberté sexuelle croissante des « enfoulardées » n’est que le reflet de la libération sexuelle  en marche dans les sociétés musulmanes et dans les communautés de cette origine en Occident ; une libération qui enterrera, dans un avenir pas très lointain, le tabou de la virginité, un tabou déjà entamé en vérité. Cette libération s’inscrit au cœur d’un mouvement (contradictoire) plus global de modernité et de déconfessionnalisation des sociétés musulmanes, en dépit des apparences et du pessimisme ambiant.

Par ailleurs, on a souvent entendu dire que certaines portent le hidjab, parce qu’elles étaient aliénées (ou forcées) par les intégristes, mais que d’autres le portent par choix. C’est vraiment faire preuve de mépris, que de prendre les femmes musulmanes pour des tarées.
Comment peut-on croire un instant qu’une femme, de quelque origine qu’elle soit, puisse porter volontairement atteinte à sa dignité d’être humain, à sa féminité, à sa liberté…

Certaines féministes, bien en vue, nous avait d’ailleurs évoqué cette idée de « choix » à propos de la prostitution, qui serait selon elle un métier, comme un autre. Quelle ignominie !

Le summum de l’aliénation des consciences, souvent à la base de la manipulation mentale, n’est-il pas atteint, lorsque justement la victime assimile sa propre aliénation, à un bienfait librement consenti.

Malka Marcovich montre, dans son livre les Nations désunies : comment l’ONU enterre les droits de l’homme, comment la suppression par des régimes réactionnaires et des ONG, gangrenées par le relativisme culturel, que « le consentement d’être abusé dans la prostitution ou à porter le voile au nom des convictions religieuses vise à faire porter la charge de la preuve sur les victimes qui devront désormais prouver la contrainte ou le consentement. » Elle ajoute que « La mise en exergue de la cœrcition comme seul ressort de violation des droits humains aboutit à de graves conséquences juridiques […] La négation qui structure les mécanismes d’oppression et d’aliénation sabote… » toute visée « émancipatrice…universaliste. » (p.56)