La protection sociale au cœur de la lutte des classes

Le système français de Sécurité sociale voit le jour au lendemain de la Seconde guerre mondiale avec la parution des ordonnances Laroque du 4 et du 19 octobre 1945 (1)La Sécurité sociale comporte la branche retraites, l’assurance-maladie, la branche famille, les accidents du travail et les maladies professionnelles et la banque de la Sécurité sociale, l’ACOSS. Son budget est de plus de 30 % supérieur au budget de l’État tous ministères confondus. Si on ajoute l’assurance-chômage, l’AGIRC et l’ARRCO, les complémentaires santé, les politiques sociales et certains petits régimes, on obtient alors la protection sociale.. Meurtrie et dévastée par la guerre, humiliée par l’occupation allemande et par ses propres turpitudes vichystes, la France sut trouver chez une poignée de résistants la force d’ériger de la plus éclatante des manières son propre rétablissement moral. Le programme du Conseil National de la Résistance (CNR), également intitulé « Les Jours Heureux », reste à ce jour un acte d’héroïsme patriotique qui n’a d’égale que l’audace de son contenu tant sur le plan économique que social.

Plan :

Rappel des ambitions du CNR

Le mouvement réformateur néo-libéral a engagé un triple mouvement d’étatisation, de privatisation et d’expropriation de la Sécurité sociale

Les pans assurantiels de la Sécurité sociale inscrits dans le projet de contrôle social des travailleurs

Face à cela, le mouvement syndical revendicatif et l’Autre gauche ne sont pas à la hauteur des enjeux

Construire le chemin de l’émancipation qui nous amène à un modèle politique alternatif au capitalisme

Rappel des ambitions du CNR

Ambroise Croizat et Pierre Laroque élaborent donc un plan complet de Sécurité sociale, à savoir un système « visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail avec gestion appartenant aux représentants des assurés et de l’État et une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

Tout travailleur exerçant une activité rémunérée donnant lieu à versement de cotisation sociale se voit affilié (ou rattaché) à un régime obligatoire de Sécurité sociale. Originellement Pierre Laroque avait souhaité mettre fin à l’émiettement de la Sécurité sociale entre une pluralité de régimes à base socioprofessionnelle. C’est en ce sens qu’est érigé le Régime général de Sécurité sociale qui, comme son nom l’indique, devait couvrir l’ensemble de la population française sans exclusive.

Malheureusement, cette ambition louable a fait long feu. Finalement, la loi du 22 mai 1946 limite le Régime « général » aux salariés de l’industrie et du commerce. En dépit de cette volte-face originelle, le Régime général constitue à ce jour le pilier central de la Sécurité sociale et génère plus de 70 % des montants financiers versés annuellement par la régimes de base de la Sécurité sociale. En outre, cette dispersion de la Sécurité sociale entre plusieurs régimes ne doit pas nous faire oublier que tous les régimes participent d’une seule et même logique ; celle d’une prise en charge collective et obligatoire des risques sociaux par des institutions du salaire socialisé, dépositaires de la cotisation sociale et garantissant un droit social inaliénable aux travailleurs. La cotisation sociale est donc tout à la fois un mode de financement de la Sécurité sociale et la condition d’ouverture d’un droit à des prestations de Sécurité sociale pour les salariés et leur famille. Mais plus encore, la cotisation sociale est le fondement de l’exercice d’un droit politique nouveau des salariés, s’exprimant au sein des Conseils d’administration des caisses de Sécurité sociale. Dès lors la Sécurité sociale offre tout à la fois aux travailleurs une assurance inaliénable contre la peur du lendemain mais plus encore les clés d’une expression politique nouvelle : la Démocratie sociale.

L’extraordinaire projet politique du CNR n’est plus cependant que l’ombre de lui-même. En effet, la Sécurité sociale fait l’objet depuis plusieurs décennies d’une remise en cause de grande ampleur. Les dirigeants politiques français, empêtrés dans un modèle européen pétri d’idéologie ordo-libérale et mis sous pression par le système financier international, organisent depuis plus de trente ans une destruction programmée du modèle social hérité du Conseil National de la Résistance au travers d’un triple mouvement « réformateur » passant par la remise en cause de la cotisation sociale, la réduction continue des prestations sociales et la dissolution de la démocratie sociale (2)Pour une histoire des remises en cause de la Sécurité sociale, lire les 27 premières pages du livre « Contre les prédateurs de la santé » de Catherine Jousse, Christophe Prudhomme et Bernard Teper, Collection Osez la République sociale chez 2ème édition.

Un des drames de la période, c’est que même l’Autre gauche n’a plus comme axe prioritaire de lutte la défense et la promotion de la Sécurité sociale.

Or rappelons son poids dans la richesse créée : plus de 31 % du PIB soit largement plus de 600 milliards d’euros (soit près de 10 fois plus que le budget de l’Éducation nationale, premier budget de l’État).

Rappelons aussi que la plus grande partie de cette masse financière est gérée sans accumulation et sans recours aux mécanismes du marché ce qui est un plus pour les salariés et les citoyens avec leurs familles dans cette période de crise. Même si le modèle réformateur néolibéral n’a de cesse de pousser à l’introduction des mécanismes de marché tant à l’intérieur de la Sécurité sociale que dans le reste de la protection sociale en général.

Le mouvement réformateur néo-libéral a engagé un triple mouvement d’étatisation, de privatisation et d’expropriation de la Sécurité sociale

Pour imposer le principe réformateur néo-libéral le Patronat s’est attaché à faire croire que la cotisation sociale serait un prélèvement social et non une partie socialisée du salaire. Pour ce faire, il a fallu imposer la fiction selon laquelle la nature juridique de la cotisation sociale serait duale au lieu d’en faire un bloc homogène de nature salariale : d’un côté la cotisation salariale, payée par le salarié pour ouvrir des droits sociaux, d’un autre côté la cotisation patronale présentée comme un prélèvement social à la charge des employeurs. C’est évidemment une fiction car la cotisation sociale doit être considérée comme une part indivisible et socialisée du salaire des travailleurs.

S’il est indéniable que la cotisation sociale est la condition d’une ouverture des droits à des prestations sociales, ce droit ne saurait s’entendre que de manière collective et non individuelle. Rappelons pour commencer que les droits sociaux sont ouverts dans un cadre familial : c’est le cas pour l’assurance maladie en particulier qui bénéficie à l’assuré social mais également à sa famille à charge. Mais surtout, le Régime Général de la Sécurité sociale créé par le CNR laissait supposer dans sa dénomination même l’idée d’une généralisation de la Sécurité sociale, y compris à des catégories de travailleurs qui ne cotisent pas faute d’emploi salarié.

C’est en cela qu’il faut bien comprendre la potentialité politique de la cotisation sociale en tant qu’elle confère au salariés les armes politiques de leur émancipation sociale au travers des structures du salaire socialisé. Il ne s’agit pas d’une idée déconnectée du réel mais d’un point essentiel qui est le fondement ontologique de la cotisation sociale en tant qu’elle légitime l’exercice d’un droit social inaliénable des salariés à des prestations sociales (et non pas d’un droit dérivé d’une délibération politique extrinsèque du pouvoir étatique potentiellement affidé aux intérêts patronaux) de même que l’exercice d’un droit politique autonome qui est censé s’exprimer dans les structures de la démocratie sociale. C’est cet ensemble que nous appellerons le Droit social (avec un grand D) et qui doit être perçu comme un vecteur d’unification statutaire et politique des salariés (au sens collectif) en permettant de faire passer le travailleur atomisé en membre d’un collectif politique qui dispose des armes de résistance au diktat du marché : droits sociaux régis par des règles d’ordre public (droit du travail et bien sûr prestations de Sécurité sociale), et droits politiques qu’ils devraient exercer souverainement au sein d’institutions représentatives de la démocratie sociale.

Dès lors nous comprenons mieux le sens du projet réformateur néo-libéral : il s’agit casser la dynamique politique de la cotisation sociale en inscrivant la Sécurité sociale dans une logique strictement assurantielle. Ainsi, seuls les salariés inscrits à titre individuel dans un emploi et acquittant des cotisations sociales sur leur salaire seraient habilités à prétendre (à titre individuel) à des prestations de Sécurité sociale et à disposer d’un droit de représentation politique au sein des conseils d’administration de la sécurité sociale. D’autre part, le Patronat, se présentant co-financeur de la Sécurité sociale, a obtenu un renforcement considérable de son pouvoir de gestion au sein des organismes sociaux, ce qui a permis de justifier l’introduction du paritarisme en 1967 alors qu’il était minoritaire jusque-là au sein des Conseils d’Administration (3)Il a fallu attendre les ordonnances réactionnaires de 1967 pour remplacer ce mode de gestion par le paritarisme qui donnait ipso facto le pouvoir au patronat avec le concours d’un syndicat complaisant, FO à sa création, remplacé aujourd’hui par la CFDT et certains autres syndicats d’accompagnement du néolibéralisme..

Le Patronat poursuit depuis lors une stratégie très habile visant à exercer la mainmise sur les pans assurantiels de la Sécurité sociale et à se débarrasser du financement des domaines qui ne contribuent pas peu ou prou à sa logique capitaliste. Une conséquence essentielle de cette logique, a été de créer une ligne de partage entre prestations sociales dites contributives ou assurantielles (retraite, chômage, prestations en espèces de l’assurance maladie) et les pans dits universels de la Sécurité sociale (allocations familiales, traitement de la pauvreté, prestations en nature de l’assurance maladie).

Pour ces dernières, le financement par la cotisation sociale est remis en cause au profit d’un financement par l’impôt prétextant qu’il serait illégitime de faire reposer le financement de prestations universelles sur les revenus du travail. Le patronat est soutenu sur cet objectif par les syndicats complaisants et par les partis de droite et de gauche du mouvement réformateur néolibéral.

Concrètement, cette stratégie vise à transformer la branche famille de la Sécurité sociale en simple opérateur de redistribution à destination des familles les plus pauvres, à limiter les prestations d’assurance maladie au « gros risque » (soins très coûteux ou à destination d’assurés peu solvables) et à mettre en œuvre un continuum de prestations d’assistance à destination des exclus du monde du marché de l’emploi. Or, cette stratégie s’appuie sur deux ressorts :

Primo, la fiscalisation de la Sécurité sociale, autrement dit, le fait de substituer l’impôt à la cotisation sociale et de faire financer par les assurés eux-mêmes des prestations qui relevaient d’un financement salarial. La Contribution sociale généralisée (CSG), les allègements massifs de cotisations dites patronales, la contre-réforme régressive de la branche famille, et enfin le Pacte de responsabilité s’inscrivent évidemment dans cette logique, de telle sorte que la cotisation sociale ne représente plus guère que 59 % du financement de la Sécurité sociale et sûrement beaucoup moins demain. La fiscalisation de la Sécurité sociale vise à sortir les pans universels du champ du Droit social. Les conséquences sont considérables :

  • cela légitime le cantonnement des prestations de Sécurité sociale aux seules situations de lutte contre la pauvreté au travers de prestations placées sous conditions de ressources et sujettes à l’arbitraire des décisions politiques (exemple : le plafonnement des allocations familiales …) ;
  • on retire aux salariés leur pouvoir politique au sein des conseils d’administration de la Sécurité sociale. Pour la branche famille qui sera totalement fiscalisée à terme avec le pacte de responsabilité, cela signifie ni plus ni moins, la suppression à terme à terme des conseils d’administration et l’étatisation de la branche, retirant aux salariés le dernier lieu d’exercice de la démocratie sociale ;
  • et, plus grave, cette stratégie tend à casser l’idée même d’extension du champ du Droit social et du salaire socialisé à des personnes non immédiatement inscrites dans l’influence économique de l’employeur. C’est enfoncer un coin mortifère dans le projet de généralisation de la sécurité sociale et d’unification statutaire des travailleurs autour d’institutions sociales et politiques communes potentiellement en extension. De la sorte, les réformateurs légitiment l’opposition sociale entre « insiders » et « outisders » du marché du travail et visent à présenter les bénéficiaires de prestations sociales universelles comme des produits de la solidarité nationale.

Secundo, le développement de prestations fiscalisées d’assistance sociale est lié à la mise en œuvre d’une politique agressive « d’activation » des dépenses de solidarité, terme visant à inciter par tous les moyens les pauvres à justifier par une contrepartie en emploi le bénéfice des prestations d’assistance. La mise en œuvre du RSA-activité sous Nicolas Sarkozy participe directement de cette logique visant à contraindre les pauvres à retourner par tous les moyens dans l’emploi même le plus dégradant. Conformément à la doctrine sociale de l’Eglise, les pauvres sont en effet considérés comme responsables de leur situation sociale de par leur goût pour l’oisiveté. Il convient par tous les moyens de les remettre sur les rails de l’activité et si possible sous contrôle social de l’employeur.

Les pans assurantiels de la Sécurité sociale inscrits dans le projet de contrôle social des travailleurs

Les pans dits assurantiels de la Sécurité sociale sont composés des prestations sociales dont le droit est lié à un acte de cotisation préalable. Ces prestations ont par ailleurs pour finalité de couvrir une perte de salaire et sont par nature intimement liés à l’exécution du contrat de travail. Nous y retrouvons en particulier les retraites, le chômage, les accidents du travail, et les indemnités journalières d’assurance maladie.

Dans ces domaines, le patronat souhaite limiter mais non supprimer la cotisation patronale car elle lui donne un extraordinaire levier politique pour instaurer un contrôle social intégral des travailleurs. L’objectif recherché par le patronat est d’assortir ces prestations sociales d’un objectif de soumission des travailleurs aux contraintes économiques de l’entreprise et de les faire participer de gré ou de force aux stratégies de placement financiers du capitalisme transnational.

Le Patronat entend en premier lieu contrôler de manière coercitive les situations d’inactivité des salariés qui nuisent au projet de maximisation des profits de l’entreprise. En second lieu le patronat entend imposer aux salariés leurs propres solutions d’assurance sociale afin d’orienter les salaires dans les stratégies de placement sur les marchés financiers.

Il s’agit tout d’abord de renforcer les contrôles patronaux sur les arrêts de travail ou de soumettre les chômeurs indemnisés à un contrôle étroit en matière de recherche d’emploi, même disqualifié. Mais c’est vraiment dans le domaine des retraites que le projet néo-libéral prend tout son sens : celui-ci entend pousser l’idée d’une retraite à la carte, inciter les travailleurs âgés à cumuler emploi et retraite et surtout obliger les salariés à souscrire des plans de retraites d’entreprise par capitalisation qui renforcent la bulle spéculative mondiale et fait pression à la compression des coûts salariaux (fonds de pension, régimes de prévoyance etc…).

Le fait que le patronat participe au financement des prestations sociales par le biais de la cotisation sociale lui donne évidemment une légitimité politique considérable renforcée de surcroît par sa participation aux régimes de prévoyance d’entreprise qui complètent les prestations de Sécurité sociale. De la sorte les organisations patronales se trouvent dans une position hégémonique, au gré d’alliance de circonstance avec un ou plusieurs syndicats complaisants, au sein régimes complémentaires de retraite obligatoire AGIRC-ARRCO ou d’assurance chômage UNEDIC qui sont devenues les têtes de pont du projet de « refondation sociale » du Patronat initié au début des années 2000. Il s’agit du côté pile de sa minimise politique au sein de la Protection sociale française qui lui a permis d’imposer un durcissement sans précédent des droits sociaux des chômeurs et d’imposer l’idée d’un basculement inéluctable des retraites complémentaires vers un régime notionnel par points.

Le côté face de la domination patronale s’exerce dans le monde de la prévoyance d’entreprise. Le secteur des complémentaires santé d’entreprise et des Instituts de prévoyance (IP) qui vont bénéficier du jackpot de la généralisation des régimes complémentaires d’entreprise à partir de 2016, constituent, rappelons-le, un lieu de domination patronale univoque. Idem pour la branche assurances du patronat (la Fédération Française des sociétés d’assurance FFSA), via les groupes de protection sociale (regroupement de mutuelles, IP et FFSA) et de leurs complices la Mutualité française. Tous ces dispositifs procurent au patronat, si on y ajoute la formation professionnelle, le moyen de soumettre les salariés à un contrôle intégral de leur temps individuel par l’employeur et une acceptation du jeu patronal de placement de leur salaire sur les marchés financiers … avec toutes conséquences que l’on connaît depuis 2008.

Mais il faut bien comprendre que la stratégie néo-libérale n’est pas uniquement économique, elle poursuit en réalité un objectif politique univoque au cœur du rapport de production capitaliste et, disons-le, de la lutte des classes (4)Méditer au passage la phrase de Warren Buffet : « La lutte des classes existe. Et c’est notre classe, celle des riches, qui est en passe de la gagner ».. Le « mouvement réformateur néolibéral » vise en réalité à stratifier le monde de l’emploi et à le répartir en 3 zones distinctes :

  • celle des super-salariés, déconnectée du salaire et dont les rémunérations sont largement liées à des logiques capitalistiques et patrimoniales (actions, plans de retraite et prévoyance d’entreprise, rémunérations variables sur objectifs…). Cette zone est composée des travailleurs collaborant le plus directement au projet capitaliste de l’employeur et dont le patronat entend bien les détourner d’une alliance objective avec les autres travailleurs ;
  • celle des salariés précarisés, dont la rémunération repose sur le salaire mais dont les droits sociaux associés sont continuellement rognés et largement placés sous le contrôle social de l’employeur qu’il exerce au sein même des institutions sociales censées protéger les salariés. L’objectif du patronat est de disposer d’un volant d’employés dénués de quelconque garantie collective associée au salaire (affaiblissement du droit du travail et de la Sécurité sociale) et soumis à l’arbitraire des décisions d’embauche, placées dans un cadre contractuel épuré de règles d’ordre public et dont l’atomisation rend impossible toute mobilisation collective syndicale et politique ;
  • celle des sous-travailleurs pauvres. Il s’agit du nouveau lumpenprolétariat à qui l’on propose l’alternative suivante : 1) le retour par tous les moyens à l’emploi par le biais de dispositifs d’activation dégradants (RSA activité, emplois aidés…) et largement subventionnés par l’État ; ou 2) la sortie littérale de l’économie de l’emploi marchand pour les plus « irrécupérables » (dans l’esprit du patronat), soumis à des stratégies de survie inscrites dans l’économie parallèle assortie d’un traitement pénal de la misère.

Cette triple stratégie de stratification/atomisation/destruction de salariat doit bien nous amener à comprendre en quoi les principes constitutifs de la sécurité sociale du CNR sont un des fondements de la reconquête du prolétariat et de ses alliés. Sans cela, il ne peut y avoir de transformation d’une classe en soi en classe pour soi ou dit autrement d’une classe objective en classe subjective. Message adressé à l’Autre gauche française qui dénote une des causes du fait qu’elle n’est pas, loin s’en faut, à la hauteur des enjeux (5)Aucune campagne d’éducation populaire n’est programmée depuis longtemps par les partis de l’Autre gauche française ni en politique de temps court (contrairement à la dynamique Syriza) ni en politique de temps moyen et de temps long.

Face à cela, le mouvement syndical revendicatif et l’Autre gauche ne sont pas à la hauteur des enjeux

Devant cette attaque de grande ampleur, les trois piliers de la transformation sociale et politique ne sont pas à la hauteur des enjeux :

– D’abord le mouvement syndical revendicatif est en recul et de plus a des problèmes internes liés à son incapacité de se démocratiser ce qui pour l’instant, affaiblit son action. Nous reviendrons sur ce point dans une chronique d’Évariste spécifique

– Puis, l’Autre gauche politique a reculé lors des élections de 2014 et ne considère pas la nécessaire campagne politique descendante de défense et de promotion de la protection sociale solidaire comme une priorité. De nombreuses structures locales et départementales n’ont même pas un responsable protection sociale engagé dans des actions.

– Enfin, l’éducation populaire ascendante existe mais n’est pas développée comme elle devrait l’être. Sans éducation populaire, pas de bataille pour l’hégémonie culturelle et donc pas de transformation sociale et politique (Antonio Gramsci).

Pour l’instant, l’intoxication, la désinformation, le matraquage idéologique, donne aux médias dominants la part belle dans la lutte des classes. Pour l’instant, c’est le Medef qui gagne la bataille des mots : la cotisation devient une « charge », le salaire socialisé devient un « salaire différé », etc.

Construire le chemin de l’émancipation qui nous amène à un modèle politique alternatif au capitalisme

D’abord, il faut débattre du modèle politique alternatif (6)Lire à ce sujet, les deux tomes de « Penser la République sociale pour le XXIe siècle » de Pierre Nicolas et Bernard Teper, Collection Penser et Agir, Eric Jamet Éditeur www.ericjamet-editeur.com. Et à l’intérieur du modèle alternatif, il faut construire un projet ambitieux de protection sociale solidaire (7)Lire « Pour en finir avec le trou de la Sécu, repenser la protection sociale au 21e siècle, d‘Olivier Nobile en collaboration avec Bernard Teper dans la collection Penser et Agir, Eric Jamet Éditeur www.ericjamet-editeur.com pour en débattre.

Car c’est bien à partir des fondements de la Sécurité sociale de 1945, ce « déjà-là » du vrai socialisme futur, dont de nombreux militants de l’Autre gauche n’ont toujours pas conscience d’ailleurs, que l’on peut construire la Sécurité sociale à caractère universel. La cotisation sociale peut porter en soi la dimension d’universalisation du salaire en garantissant à tous les citoyens le bénéfice politique des institutions du droit social qui leur permet de sortir du champ de l’assistance. Il faut continuer et dire qu’il faut augmenter la cotisation sociale mais dans un modèle politique alternatif et sanctuariser l’entièreté de la protection sociale sous le contrôle de la Sécurité sociale refondée, devenue alors une institution du droit social totalement indépendante des mécanismes des marchés et des pratiques d’assistance qui retrouverait alors ses principes de 1945.

Alors, n’hésitez pas à joindre le Réseau Éducation Populaire pour construire vos événements d’éducation populaire dans ce domaine comme dans tant d’autres.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 La Sécurité sociale comporte la branche retraites, l’assurance-maladie, la branche famille, les accidents du travail et les maladies professionnelles et la banque de la Sécurité sociale, l’ACOSS. Son budget est de plus de 30 % supérieur au budget de l’État tous ministères confondus. Si on ajoute l’assurance-chômage, l’AGIRC et l’ARRCO, les complémentaires santé, les politiques sociales et certains petits régimes, on obtient alors la protection sociale.
2 Pour une histoire des remises en cause de la Sécurité sociale, lire les 27 premières pages du livre « Contre les prédateurs de la santé » de Catherine Jousse, Christophe Prudhomme et Bernard Teper, Collection Osez la République sociale chez 2ème édition
3 Il a fallu attendre les ordonnances réactionnaires de 1967 pour remplacer ce mode de gestion par le paritarisme qui donnait ipso facto le pouvoir au patronat avec le concours d’un syndicat complaisant, FO à sa création, remplacé aujourd’hui par la CFDT et certains autres syndicats d’accompagnement du néolibéralisme.
4 Méditer au passage la phrase de Warren Buffet : « La lutte des classes existe. Et c’est notre classe, celle des riches, qui est en passe de la gagner ».
5 Aucune campagne d’éducation populaire n’est programmée depuis longtemps par les partis de l’Autre gauche française ni en politique de temps court (contrairement à la dynamique Syriza) ni en politique de temps moyen et de temps long.
6 Lire à ce sujet, les deux tomes de « Penser la République sociale pour le XXIe siècle » de Pierre Nicolas et Bernard Teper, Collection Penser et Agir, Eric Jamet Éditeur www.ericjamet-editeur.com
7 Lire « Pour en finir avec le trou de la Sécu, repenser la protection sociale au 21e siècle, d‘Olivier Nobile en collaboration avec Bernard Teper dans la collection Penser et Agir, Eric Jamet Éditeur www.ericjamet-editeur.com