L’accueil, l’hébergement et l’évaluation des mineurs isolés étrangers Situation en 2018

La situation de ceux qui se présentent comme mineurs isolés étrangers (MIE, officiellement appelés désormais «mineurs non accompagnés» (MNA) dans les services départementaux dédiés à leur accueil ne fait qu’empirer, malgré les textes destinés à encadrer leur «mise à l’abri» et leur évaluation.
On remarque d’ailleurs que tant les dispositions de la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant que les décrets et arrêtés d’exécution sensés marquer l’évaluation de la minorité de professionnalisme, de bienveillance et de sérieux sont devenus, du fait de leur rédaction et de l’interprétation qui en est faite de véritables machines à exclure.
L’horizon s’assombrit pour ces enfants en danger gagnant la France au terme d’un périlleux voyage lorsque l’on prend connaissance d’un nouveau décret en préparation au ministère de l’intérieur permettant un recours au fichage et à l’expulsion sans procès de ceux qu’une enquête succincte et non contradictoire détermine comme «majeurs».
Comme on le constate dans les lignes qui suivent, l’absence d’impartialité dans le déroulement de la procédure d’accueil et d’évaluation comporte de graves violations des droits de l’enfant.

1. L’accueil

Selon l’article R221-11 du Code de l’action sociale et des familles «I. Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence d’une durée de cinq jours, à compter du premier jour de sa prise en charge, selon les conditions prévues aux deuxième et quatrième alinéas de l’article L223-2.»
Cet article L223-2 prévoit notamment : «En cas d’urgence et lorsque le représentant légal du mineur est dans l’impossibilité de donner son accord, l’enfant est recueilli provisoirement par le service qui en avise immédiatement le procureur de la République.»
Nul besoin que cet accueil provisoire d’urgence soit précédé d’un entretien d’évaluation puisque le II. de cet article R221-11 prévoit que celle-ci a lieu «Au cours de la période d’accueil provisoire d’urgence».
En pratique cependant, les jeunes qui se présentent sont souvent renvoyés à un rendez-vous ultérieur , les «évaluateurs donnent un rendez-vous, à plusieurs jours, sans pourtant que le service départemental accueille celui qui se prétend mineur dans une structure dédiée à l’accueil provisoire d’urgence. Dans d’autres lieux, les «refus de guichet» se multiplient au cours d’une entrevue expéditive que l’on pourrait confondre avec un jugement sur «délit de faciès», voire même à l’interdiction d’accès par des vigiles dont la qualité professionnelle n’a rien à envier à celle des videurs de boîte de nuit.
Dans quelques départements d’Occitanie (Haute-Garonne, Gers, Tarn et bientôt Aveyron) l’hébergement à l’hôtel ou dans un lieu dédié a été pratiqué, avec un nombre de places de quelques dizaines, le temps de gestion des flux en cinq jours par l’exclusion du dispositif d’accueil variant entre 80 et 95% des demandeurs d’aide. À ce stade, on songe moins à de la «simple» sous-traitance qu’à du mercenariat.
Selon l’ANRAS, association chargées de l’accueil et l’évaluation dans ces départements, «une attention particulière est donnée à l’aménagement du lieu, son organisation et son évolution afin de permettre aux jeunes mineurs primo-arrivants de se retrouver dans un lieu à la fois sécurisant, mobilisateur des ressources personnelles et bienveillant». Toutefois, on doit constater qu’en fonction du «flux», c’est-à-dire de l’arrivée des jeunes isolés dans le département, les procédures ont tendance à s’accélérer et le temps d’accueil se réduire.
Or, les cinq jours prévus par les textes ont été envisagés comme période indispensable pour réaliser l’évaluation de la situation du jeune et déterminer pour que «le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires en vue d’évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement». Ces investigations – en ce compris la vérification des documents d’état civil et d’identité – ne peuvent être accomplies dans le délai imparti.
L’accueil est donc appelé à se prolonger, ce qui pour l’instant représente une charge supplémentaire pour le service départemental, la participation de l’État à cet hébergement (250 € par jour) étant limitée à ces cinq jours… jusqu’à l’intervention plus ample et plus longue promise par le gouvernement.
Au-delà des 5 jours d’accueil, l’article R221-11 du CASF prévoit : «Au terme du délai mentionné au I, ou avant l’expiration de ce délai si l’évaluation a été conduite avant son terme, le président du conseil départemental saisit le procureur de la République en vertu du quatrième alinéa de l’article L223-2 et du second alinéa de l’article 375-5 du Code civil. En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I se prolonge tant que n’intervient pas une décision de l’autorité judiciaire».
Concernant les conditions d’hébergement
Il convient d’emblée de rappeler que l’accueil des mineurs, même à titre provisoire et dans l’urgence relève des règles relatives à l’ouverture et la tenue des établissements sociaux et médico-sociaux (art. L312-1 CASF) et que «tout mineur accueilli hors du domicile de ses parents jusqu’au quatrième degré ou de son tuteur est placé sous la protection des autorités publiques (…) Elle s’exerce sur les conditions morales et matérielles de leur accueil en vue de protéger leur sécurité, leur santé et leur moralité». (art. L227-1 CASF).
Retenons l’art. R321-5 : «Le président du conseil départemental fait opposition dans les deux mois de la déclaration par une décision motivée, s’il apparaît au vu des renseignements fournis et des enquêtes effectuées, que les dispositions réglementaires ne sont pas respectées ou que les garanties minimales concernant les bonnes mœurs, la santé, la sécurité, l’hygiène, l’éducation ou le bien-être des mineurs ne sont pas remplies, notamment si la personne à qui sera confiée la direction de l’établissement n’est pas apte à assurer la garde et l’éducation des mineurs ainsi que le bon fonctionnement de l’établissement».
Et l’on peut dire que ces règles imposant un accueil digne et bienveillant ne sont guère respectées lorsque ces jeunes sont hébergés dans des hôtels miteux, des foyers en présence d’adultes en grande difficulté, sans présence éducative ou encore laissés à la rue comme à Marseille où même les enfants confiés au département par le juge trouvent closes les portes de l’Aide sociale à l’enfance.

En résumé :
– l’accueil se prolonge si les évaluations conduisent les services de l’aide sociale à l’enfance – ou leur sous-traitant – à proposer au président du Conseil départemental d’accueillir la personne se présentant comme mineure. En ce cas, seule une décision de «l’autorité judiciaire» peut mettre fin à l’accueil;
– l’accueil se prolonge également lorsque les investigations ne sont pas achevées au terme des 5 jours. En ce cas, seule une décision de «l’autorité judiciaire» peut mettre fin à l’accueil;
– il est mis fin à l’accueil au terme des cinq jours – et pas au-delà – si le président du Conseil départemental «estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l’autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge»;
-l’accueil provisoire d’urgence d’un mineur (ou d’une personne supposée telle) doit respecter les règles relatives à la tenue des établissements sociaux et médico-sociaux.

2. L’évaluation

Tout d’abord, il convient de souligner les instructions que contiennent les textes s’agissant de la réception des jeunes qui se présentent comme mineurs isolés :
– «La personne est informée des objectifs et des enjeux de l’évaluation qui doit être une démarche empreinte de neutralité et de bienveillance» (art. 3 de l’arrêté du 17 novembre 2016);
– «les professionnels en charge de l’évaluation (…) disposent d’une formation ou d’une expérience leur permettant d’exercer leur mission dans des conditions garantissant la prise en compte de l’intérêt de l’enfant» (art. 4 de l’arrêté du 17 novembre 2016);
– il est également fait référence «au caractère pluridisciplinaire de l’évaluation sociale de la personne»;
– «L’évaluation sociale se déroule dans une langue comprise par l’intéressé, le cas échéant avec le recours d’un interprète, faisant preuve de neutralité vis-à-vis de la situation» (art. 3 de l’arrêté du 17 novembre 2016);
– et surtout «L’évaluateur applique la présomption d’authenticité des actes de l’état civil émanant d’une administration étrangère prévue par les dispositions de l’article 47 du Code civil» (art. 4, I de l’arrêté du 17 novembre 2016).
L’évaluation repose sur d’autres éléments soumis à l’interrogatoire, tels que la composition familiale, la présentation des conditions de vie dans le pays d’origine (à ce titre on interroge notamment l’enfant sur «le contexte géopolitique de sa région d’origine, la situation économique de sa famille la plus proche (…)»), l’exposé des motifs de départ, les conditions de vie depuis l’arrivée en France, le projet de la personne, questions que l’on peut considérer comme inopportunes, voire intrusives.
Chaque item ci-avant présenté est assorti de recommandations sur les détails à obtenir. Notons au passage qu’aucune évaluation médicale ou psychologique n’est prévue, alors que ce n’est un mystère pour personne que les circonstances du voyage sont particulièrement traumatiques, s’agissant notamment d’enfants dont la vulnérabilité est décuplée.
Et pourtant, il est recommandé aux évaluateurs de détecter les incohérences des récits qui permettront à mettre en doute l’âge allégué, sans qu’il leur soit indiqué qu’il puisse être sérieusement tenu compte que les événements tels que la traversée de contrées désertiques, les mauvais traitements, les violences, le passage de la méditerranée sont susceptibles d’affecter le déroulé et la cohérence du récit.
On retiendra cette réflexion d’un juge des enfants de Nancy, : «les imprécisions dans le discours du jeune homme relevées par l’ASE ne sont pas déterminantes et en tout état de cause ne permettent pas d’affirmer qu’il est majeur (comme un récit cohérent et précis n’attesterait pas de sa minorité)» (20 septembre 2017, aff. 417/102).
Outre le concours des évaluateurs du service départemental, ou de son «sous-traitant», le président du Conseil départemental peut faire appel au préfet «pour vérifier l’authenticité des documents d’identification détenus par la personne» et/ou à «l’autorité judiciaire, s’il y a lieu, dans le cadre du second alinéa de l’article 388 du Code civil (notamment l’expertise osseuse qui ne peut être requise que par «l’autorité judiciaire» sous certaines conditions)».
Par conséquent, tant que les services de police requis par le président du Conseil départemental n’ont pas conclu sur la validité des documents présentés, ceux-ci sont présumés authentiques, même si les évaluateurs peuvent relever des incohérences entre l’âge allégué et l’apparence physique.
Toutefois, la persistance de soumettre des jeunes à de véritables interrogatoires de police- en revenant dix fois sur la même question – pour relever des contradictions ou des oublis ne rencontre pas la bienveillance à laquelle les évaluateurs doivent s’astreindre.
La longueur des entretiens est un signe de cette «bienveillance». Lorsque les évaluations sont accomplies en une heure ou moins, on peut d’ores et déjà considérer que l’ensemble de la problématique du jeune n’a pas été prise en compte, notamment eu égard à la complexité de certaines questions imposées par l’arrêté du 17 novembre 2016, telles que le contexte géopolitique du pays d’origine, les raisons du départ et surtout le récit du parcours migratoire.
La qualification professionnelle des évaluateurs est soulignée par les règles relatives au premier accueil :
Le président du conseil départemental s’assure que les professionnels en charge de l’évaluation auxquels il a recours disposent d’une formation ou d’une expérience leur permettant d’exercer leur mission dans des conditions garantissant la prise en compte de l’intérêt de l’enfant; il veille au caractère pluridisciplinaire de l’évaluation sociale de la personne.
Les professionnels doivent ainsi justifier d’une formation ou d’une expérience notamment en matière de connaissance des parcours migratoires et de géopolitique des pays d’origine, de psychologie de l’enfant et de droit des mineurs» (art. 4 de l’arrêté du 17 novembre 2016).
Il est difficile de vérifier ces qualifications qu’impose le caractère interdisciplinaire de l’évaluation. Les recrutements d’agents dans des structures souvent improvisées et le turnover qui s’y manifeste ne permettent pas de s’assurer que les connaissances requises soient vérifiées, d’autant que les précisions demandées exigent une connaissance des pays d’origine et des régions traversées, une formation interculturelle et des capacités qui sont plus souvent du ressort des agents chargés de l’examen de l’asile à l’OFPRA.

3. La décision de refus de prise en charge

Les refus de prise en charge de ceux qui se déclarent mineurs isolés atteignent des chiffres variant entre 10% et 90%, voire plus, selon les départements. Manifestement, cette disparité ne peut s’expliquer que par les directives aux services chargés de l’évaluation, dans le cadre d’une «gestion des flux» envisagée par les services départementaux.
On retiendra qu’il peut être mis fin à l’accueil provisoire d’urgence :
– dans les 5 jours de l’accueil «S’il [le président du Conseil départemental ]estime que la situation de la personne mentionnée au présent article ne justifie pas la saisine de l’autorité judiciaire, il notifie à cette personne une décision de refus de prise en charge délivrée dans les conditions des articles L222-5 et L223-2. En ce cas, l’accueil provisoire d’urgence mentionné au I prend fin;
– au-delà des 5 jours, «l’accueil provisoire d’urgence (…) se prolonge tant que n’intervient pas une décision de l’autorité judiciaire», celle-ci pouvant mettre fin à la prise en charge au titre de l’assistance éducative considérant que la juridiction de l’enfance n’est pas compétente à l’égard d’une personne d’un âge supérieur à 18 ans.
Qu’est-ce qu’une décision de l’autorité judiciaire ?
Il est généralement admis, notamment par le Conseil constitutionnel que le parquet fait partie de l’autorité judiciaire qui se répartit alors entre les juges du siège et les magistrats du ministère public.
En matière d’assistance éducative, une prérogative exceptionnelle est accordée au procureur par l’article 375-5 du Code civil, généralement dénommée «l’ordonnance de placement provisoire (OPP)».
Cette disposition accorde au juge des enfants le pouvoir de décider d’une mesure provisoire confiant un enfant à un service ASE, un centre d’accueil, un établissement ou un tiers digne de confiance. Comme le prévoit l’article 1184 du Code de procédure civile précité, cette mesure peut être ordonnée que dans «le cas d’urgence spécialement motivée» sans que les parties (parents, enfant…) aient été entendues pourvu qu’elles soient convoquées dans la quinzaine.
L’alinéa 2 de l’article 375-5 prévoit que, «en cas d’urgence», le procureur «a le même pouvoir» que le juge. Il s’agit d’une disposition dérogatoire à la compétence exclusive du juge des enfants qui doit donc être interprétée restrictivement.
Si le parquet est autorisé à agir dans l’urgence pour la protection d’un enfant en danger, on doit bien considérer que, dans le délai de cinq jours, il est certain qu’un juge soit disponible pour décider d’une mesure provisoire, d’autant que le parquet est autorisé à ordonner une mesure d’investigation particulière, l’expertise osseuse sachant que «Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé». Il y a donc un dépassement de la prérogative accordée au parquet et un évitement du juge, seul à pouvoir garantir un procès loyal.
Lorsque les services du procureur requièrent une expertise osseuse, celle-ci ne peut être pratiquée que pour autant que deux conditions soient remplies prévues à l’article 388 du Code civil :
– «en l’absence de documents d’identité valables»;
– «et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable»;
– «après recueil de l’accord de l’intéressé.
Il convient donc de s’assurer au . préalable que des éléments contestables ont été révélés dans les documents d’état civil et/ou d’identité présentés. Ensuite, les remarques sur la vraisemblance de l’âge allégué ne reposent que sur le rapport d’évaluation communiqué au parquet par le service d’aide sociale à l’enfance.
À ce stade, la discussion sur l’identité de la personne ne fait l’objet d’aucune contradiction puisque ni le jeune, ni éventuellement son avocat, ne sont appelés à discuter avec le membre du parquet qui prend une décision unilatérale… en dehors de tout débat judiciaire.
Il arrive régulièrement que le parquet des mineurs adresse au service de l’aide sociale à l’enfance un refus d’engager la procédure en assistance éducative, sur base du rapport d’évaluation adressé par le service, sans même requérir l’examen radiologique, ou sur base de cet examen, sans le soumettre à la contradiction du jeune et/ou de son avocat alors que le même article précise : «Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé».
Cette situation, hors de tout débat loyal auquel toute personne a droit lorsque ses intérêts sont en cause, a pourtant reçu l’accord du Conseil d’État dans un récent arrêt qui considère que dès lors que le magistrat du parquet considère ne pas devoir requérir le juge des enfants – donc de ne pas délivrer d’OPP -, malgré une évaluation du service départemental en faveur de la minorité de la personne, il est mis fin à l’accueil du mineur… qui n’a pour seule solution de saisir lui-même le juge des enfants et de patienter des semaines, parfois des mois… à la rue (CE, 25 octobre 2018, n° 424994).
Par conséquent, on peut conclure que le jeune qui se présente comme mineur peut ne se retrouver à aucun moment devant des interlocuteurs impartiaux qu’il s’agisse des services d’évaluation qui répondent à une commande de l’autorité départementale (qui pour des raisons budgétaires tente de gérer le «flux»), des services de police dépendant du ministère de l’intérieur pour la vérification des «papiers» (ceux-ci étant chargé du «contrôle de l’immigration»), ou encore du parquet des mineurs qui ne les reçoit pas, ne les entend pas et décide unilatéralement d’introduire ou non la procédure en assistance éducative.
Il reste pour le mineur isolé la possibilité de saisir le juge des enfants (art. 375 du Code civil) qui examinera le dossier dans un délai plus ou moins long – pouvant aller dans certains tribunaux à plusieurs semaines ou plusieurs mois – sans que le jeune puisse obtenir une aide quelconque en termes d’hébergement, de soutien éducatif, d’aide médicale, de nourriture…

 

4. Un décret qui prépare des expulsions de masse

Rédigé par les services du ministère de l’intérieur, un projet de décret a parcouru les réseaux politiques et associatifs. Soi-disant destiné à «mieux garantir la protection de l’enfance et de lutter contre l’entrée et le séjour irréguliers des étrangers», il prévoit que ceux qui se présent comme mineurs isolés devront se soumettre à une prise d’empreintes, de photographie et répondre aux questions d’agents des préfectures, fournir leur état civil, la référence de leurs documents d’identité, leur filiation, leur adresse, leur numéro de téléphone, ou encore la date et les conditions de leur arrivée en France.
Ces données seront enregistrés dans un nouveau fichier dénommé «Appui à l’Évaluation de la Minorité» (AEM). Face à un refus de se soumettre à cet examen, le préfet informera le président du Conseil départemental, qui pourra interpréter ce refus comme un aveu de majorité et mettra fin à leur prise en charge.
Ce projet autorise également les préfectures à consulter le fichier VISABIO (fichier européen du traitement informatisé de données personnelles biométriques) pour vérifier l’âge et l’identité de ces enfants. Ce fichier ne peut constituer qu’une source d’erreur supplémentaire lorsque l’on sait que beaucoup d’enfants tentent, avant d’entreprendre un voyage périlleux vers l’Europe, d’obtenir un visa d’entrée en Europe en se faisant passer pour des adultes. Les données issues de VISABIO sont d’ailleurs très souvent écartées par les tribunaux, qui considèrent qu’elles ne permettent pas de remettre en cause l’identité de ceux et celles qui se présentent comme mineurs ni d’invalider les documents qu’ils ou elles présentent à l’appui de leurs déclarations.
Enfin, cerise sur le gâteau, le refus départemental d’accueillir le jeune à l’issue de son évaluation permettra aux services préfectoraux de procéder à «un examen de sa situation, et le cas échéant, [à] une mesure d’éloignement», sans que la réalité de son état civil n’ait été discutée devant un juge, pourtant seule «autorité judiciaire» habilitée à statuer sur l’identité des personnes.
Autant dire que, dans certains départements, 80 à 90% de ces jeunes pourraient être «mis à l’abri» dans les centres de rétention administrative en vue de leur expulsion… pourtant prohibée à l’égard des mineurs d’âge.
La façon de traiter les mineurs isolés étrangers, outre la maltraitance à laquelle ils sont exposés, est exemplative de la façon dont les services de l’État tentent de contourner l’office du juge, pourtant seule autorité indépendante vouée à statuer sur le contentieux des personnes au terme d’un procès loyal.
À nouveau, l’étranger est un prétexte à l’éloignement… de l’État de droit.