Bien que tout débat qui se développe dans la société civile mérite une réponse appropriée pour ceux qui luttent pour une transformation sociale et politique, il arrive qu’un débat justifié (l’arbre) soit placé là par l’oligarchie capitaliste (FN compris), alliée aux idiots utiles des communautaristes de gauche et d’extrême gauche, pour cacher la forêt.
Notre première tâche est de débusquer le réel derrière le visible.
Dans notre capitalisme en crise systémique, qui fait reculer démocratie et souveraineté populaire mais aussi laïcité et perspective d’un processus de République sociale, le réel nous impose une gigantesque bataille culturelle pour renverser l’hégémonie culturelle néolibérale. C’est cette tâche qui aujourd’hui n’est pas effectuée par ceux qui déclarent vouloir changer le monde. Consultez les programmes de leurs universités d’été et vous verrez qu’on y parle du visible et non du réel.
Voyons la typologie des forces culturelles en présence. Pour l’extrême droite, c’est simple, elle se prépare à organiser, quand le patronat l’aura décidé, comme en Allemagne au début des années 30 après le krach de 1929, un rapprochement avec la droite néolibérale. Un programme commun d’une partie de la droite et de l’extrême droite en rangs serrés deviendrait en effet une nécessité pour l’oligarchie, si la simple alternance sans alternative ne lui suffisait plus pour intensifier les politiques d’austérité. Alors, la démocrature confinerait à un néo-fascisme du XXIe siècle. Pour la droite néolibérale, le débat est entre la poursuite et le développement des politiques d’austérité et la préparation à ce programme commun des droites. La gauche solférinienne néolibérale, elle, se prépare à vivre une débâcle pour in fine appeler à voter pour la droite néolibérale afin, dira-t-elle, d’éviter le pire qu’elle contribue jour après jour à préparer. Enfin la gauche de la gauche poursuit sa décomposition en acceptant de jouer les idiots utiles du néolibéralisme.
Alors que le capitalisme ne peut se maintenir que grâce au développement, d’une part des politiques d’austérité et, d’autre part, du communautarisme anglo-saxon comme forme d’organisation sociale et politique avec le relativisme culturel comme idéologie, nous voyons une partie importante de la gauche de la gauche croire encore en la possibilité de politiques progressistes avec l’euro et l’Union européenne (ses traités et sa stratégie de Lisbonne) ou soutenir et développer des forces communautaristes et obscurantistes religieuses.
Alors que capitalisme et mondialisme ne peuvent se maintenir qu’avec le développement du libre-échange et la destruction des nations, seul lieu où des formes de démocratie et de souveraineté populaire peuvent encore exister, nous voyons une partie de la gauche de la gauche refuser un véritable internationalisme basé sur l’existence des nations et soutenir toutes les formes de décentralisation et de régionalisation qui participent au passage de la démocratie à la démocrature.
Alors que le capitalisme et son anti-humanisme ne peuvent se maintenir qu’en baissant la masse des salaires et en utilisant les politiques migratoires pour y contribuer, nous voyons une partie de la gauche de la gauche se satisfaire des politiques humanitaires de préférence à un véritable internationalisme permettant le développement de tous là où ils résident.
Alors que le capitalismene peut se maintenir qu’en détruisant un à un tous les principes de la République sociale (liberté, égalité, fraternité, laïcité, solidarité, démocratie, sûreté, universalité, souveraineté populaire, développement écologique et social), une partie de la gauche de la gauche appuie le néolibéralisme en soutenant toutes les formes de l’anti-laïcité et de l’anti-républicanisme social.
Alors que le capitalisme hésite entre l’assimilation (pour la version extrême droite) et l’insertion (pour la version du néolibéralisme actuellement dominante) comme forme agrégative des hommes et des femmes, on voit une partie de la gauche de la gauche préférer l’insertion à l’intégration laïque du modèle de la République sociale.
Alors que le capitalisme pratique la lutte des classes des exploiteurs contre les exploités, nous voyons une partie de la gauche de la gauche nier la lutte des classes pour vouloir changer le monde non en s’appuyant principalement sur les exploités mais en s’apitoyant sur les pauvres contre les riches et reprendre ainsi la doctrine sociale des églises comme bréviaire! Comme si pour elle, l’indignation et l’espérance tenaient lieu de morale !
Alors que le capitalisme a comme alliés commerciaux et politiques les monarchies pétrolières du Moyen-Orient et le sultan de Turquie qui aident les forces islamistes non djihadistes mais aussi djihadistes, une partie de la gauche de la gauche soutient des organisations islamistes non djihadistes et croit ainsi lutter contre l’islamisme djihadiste !
Quelques exemples des dérives de la gauche de la gauche ? Ici, une organisation développe en son sein la ségrégation hommes-femmes en interdisant la participation des hommes à certaines réunions. Là, une université d’été dite « décoloniale » interdit la participation des « blancs » après que l’une de ses animatrices ait dans un article célèbre fustigé les mariages mixtes. Là un forum social dit mondial ne regroupe finalement presque que des organisations du pays hôte. Là-bas, l’organisation de jeunesse du parti communiste devient l’organisateur de la rupture du jeûne du ramadan. Ailleurs, des supporters du raciste Dieudonné sont acceptés. Etc.
Nous opposons à cette mascarade la volonté de lutter contre tous les racismes (donc aussi contre le racisme anti-musulman) pour rassembler dans une République sociale, la majorité des athées, des agnostiques et de tous les croyants (donc aussi la grande majorité des musulmans) contre tous les intégrismes religieux et tous les obscurantismes (donc aussi contre l’islamisme qu’il soit djihadiste ou non djihadiste).
Voilà pourquoi aujourd’hui, l’heure n’est pas à se satisfaire des polémiques sur le visible mais bien à partir du réel pour aller à l’idéal. Voilà pourquoi nous pensons qu’il faut rompre avec ce monde tel qu’il est par les ruptures nécessaires du processus de la République sociale : démocratique, laïque, sociale et écologique. Voilà pourquoi nous appelons à vous saisir des six exigences indispensables : dégager la sphère de constitution des libertés (école, protection sociale, services publics) du marché, refonder (mais pas de l’intérieur de l’Union européenne) un avenir européen, développer une pensée de l’industrialisation avec transition énergétique, refonder les droits de la nationalité et de l’immigration dans le sillage de la Révolution française, passer enfin de la parité hommes-femmes à l’égalité hommes-femmes, penser l’ouverture d’un processus de socialisation et de démocratie pour les entreprises.
Face à la complexité du monde, des saltimbanques croient pouvoir remplacer la globalité nécessaire des combats par une mesure magique et quasi mystique unique (le revenu de base,
le salaire à vie, la constituante, la sortie de l’Europe…) s’appuyant sur un certain « sens commun ». Telle que nous la concevons, c’est-à-dire en incorporant toutes les propositions dans un modèle politique alternatif répondant à la globalité des combats nécessaires (démocratique, social, écologique, féministe, etc.), notre tâche d’éducation populaire est infiniment plus lente et compliquée mais elle est immense et exigeante, alors priorisons-la !
Nous développerons tous ces points lors des initiatives que vous organiserez si vous avez la bonne idée de nous inviter à y débattre. Vous trouverez aussi des livres, achetables en ligne, qui en parlent dans notre librairie militante (https://www.gaucherepublicaine.org/librairie).
Ah ! nous allions oublier le burkini ? Son arrivée sur les plages françaises n’est pas un bon signe pour l’émancipation des femmes. A ce titre, sa critique doit faire partie de la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle. Mais la plage fait partie de la société civile et ne peut faire partie des lieux où les « interdits émancipateurs laïques » s’appliquent. Les seuls lieux où ces « interdits émancipateurs laïques » ont leur raison d’être sont les sphères de l’autorité politique et de constitution des libertés (école, protection sociale, services publics). C’est avec ce principe d’organisation sociale que nous pouvons obtenir le plus haut degré de liberté pour tous. Loin de l’hystérisation du mois qui vient de s’écouler.