Il était une fois la France, meilleur système de santé du monde

You are currently viewing Il était une fois la France, meilleur système de santé du monde

Pour comprendre l’extrême dégradation de la santé en France, il est nécessaire d’abord de revenir sur la définition de la santé, puis sur l’organisme grâce auquel tous les indicateurs de santé ont, dans le passé, progressé comme jamais, puis donner quelques exemples significatifs de l’abime capitaliste que nous promet la conjonction du néolibéralisme anglo-saxon, de l’ordolibéralisme allemand et de la technobureaucratie bourgeoise (incluant malheureusement quelques directions d’organisations politiques, syndicales et professionnelles de gauche), s’arrêter un instant sur la bataille des retraites pour conclure provisoirement sur un des impératifs centraux d’une refondation politique majoritaire permettant enfin de préparer la prochaine bifurcation révolutionnaire vers une République sociale.

Qu’est-ce que la santé ?

Le premier point d’achoppement entre l’arc-en-ciel malheureusement très large des soumis au système capitaliste(1)Ces soumis comprennent l’extrême droite, la droite installée, l’extrême centre macroniste mais malheureusement aussi ici et là dans la gauche, dans l’extrême gauche et chez les écologistes. Là résident les difficultés politiques de la séquence. et la position nécessaire pour qu’un bloc historique populaire ait une chance d’ouvrir une perspective d’émancipation, c’est la définition de la santé. Pour les premiers, la santé ne se définit que par une absence de maladie ou une simple régression de la maladie. Pour les seconds, ils en restent à la définition de la santé de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 1946 : « La santé est un état de bien-être physique, psychique et social ». Nul besoin d’exégèse pour comprendre le fossé entre ces deux définitions.

La Sécurité sociale de l’après-guerre jusqu’à la défaite du peuple en 1967

L’oligarchie capitaliste contrôle tellement bien les instituts de sondage qu’aucun d’entre eux n’interroge les citoyens sur l’ensemble des 5 branches de la Sécu (santé-assurance-maladie, retraites, prestations familiales, logement, précarité, animation sociale de la branche famille, accidents du travail et maladies professionnelles et autonomie). Tout au plus, elle propose l’item santé (dans sa définition capitaliste et non celle de l’OMS de 1946) ou l’item retraites mais pas ce qui lie ses 5 branches. Pourtant elle propose souvent une vingtaine d’items sur des politiques liés au budget de l’État (455 milliards d’euros par an) alors que le budget de la Sécu est de 570 milliards d’euros. Étonnant ou pas ? Non, pas étonnant ! Car l’oligarchie capitaliste mène une bataille culturelle de classe et poursuit son œuvre de destruction de la plus grande avancée sociale de l’histoire du monde car la Sécu de 1945-46 en France est la seule qui possédait les 4 caractéristiques révolutionnaires (unicité, financement par la cotisation comme salaire socialisé, remplacement de la charité par la solidarité avec le slogan : « à chacun selon ses besoins et chacun y contribue selon ses moyens », et enfin la gestion par les travailleurs eux-mêmes de façon autonome par rapport à l’État avec une élection spécifique). Trois de ces 4 conditions ont été détruites (par de Gaulle-Pompidou, Mitterrand-Mauroy-Ralite dès janvier 1983, Mitterrand-Balladur, Chirac-Juppé, Chirac-Jospin-Aubry et Sarkozy-Bachelot), la dernière (financement par le salaire socialisé) est majoritairement endommagée pour augmenter les profits des entreprises et justifier le rapt étatiste de la Sécu (grâce à Mitterrand-Rocard, Chirac-Fillon-Mattei, Hollande-Valls-Touraine et les couples ci-dessus). Macron 2017 et 2022 a ensuite mis une attaque surmultipliée par rapport à ces prédécesseurs.

Après quelques décennies qui ont été les années de grande avancée sociale avec des progrès dans pratiquement tous les indicateurs de santé, nous voici dans une période de diminution accélérée des conquis sociaux.

Après quelques décennies qui ont été les années de grande avancée sociale avec des progrès dans pratiquement tous les indicateurs de santé, nous voici dans une période de diminution accélérée des conquis sociaux. Depuis 1967, de nombreuses dizaines de contre-réformes ont eu lieu. Toutes dans le même sens. Avec l’objectif d’en finir avec les deux secteurs majoritairement socialisés que sont l’école et la sécurité sociale. Nos hommes et femmes politiques ne priorisent plus actuellement la bataille de la Sécu, ni d’ailleurs les directions nationales des syndicats revendicatifs. Nous si ! Ainsi que quelques autres structures associatives et syndicales de base mais toutes peu influentes en termes de rapport de force. Voyez-vous la poutre qui est dans l’œil de la majorité des militants actuels et surtout dans les directions politiques et syndicales ? Ce qui importe aux travailleurs est la protection des travailleurs et de leurs familles de la naissance à la mort. Cela passe donc par le primat de la défense de la Sécurité sociale et au soutien des mutuelles de travailleurs contre leurs adversaires(2)Les mutuelles qui gardent un lien avec les mutuelles de travailleurs sont celles qui ont refusé l’entrée dans la Mutualité française, dans les années 90. Car la Mutualité française, adversaire historique de la Sécu après leur complaisance avec le régime de Vichy, a passé un « accord scellé en béton armé » avec les instituts de prévoyance soi-disant paritaires (comme Malakoff Médéric jadis présidé par Guillaume Sarkozy) et avec la branche assurantielle du Medef (longtemps animé par Denis Kessler qui a défini la stratégie des gouvernements néolibéraux dans sa fameuse interview du 4 octobre 2007 dans le journal Challenges !) au sein de l’Union nationale des organismes complémentaires à l’assurance-maladie (UNOCAM) dès le début du 21ème siècle. À noter que c’est le gouvernement d’union de la gauche de Lionel Jospin sur demande de la Mutualité française qui a troqué en 2001 le Code de la mutualité solidaire en code assurantiel en acceptant l’injonction de la directive européiste ordolibérale appelé Solvabilité 2 qui est la réforme cliquet qui oblige les complémentaires Santé à se comporter dans leur gestion comme les assureurs privés à buts lucratifs et à combattre avec vigueur la Sécurité sociale. L’autorité de contrôle (ACPR) étant le gendarme du marché des complémentaires avec droit de vie ou de mort sur ces dernières.. C’est une campagne nationale massive dont nous avons besoin. Il n’y aura pas de changement social, de bifurcation sans prioriser ce qui est important pour les citoyens et les travailleurs. Il ne peut y avoir une victoire dans un match de rugby pour une équipe qui ne s’oppose pas à une attaque de l’adversaire et regarde ailleurs. Comprendre Sun Tzu et son art de la guerre, Machiavel ou Clausewitz est plus important que de regarder à la télévision Sandrine Rousseau et la tendance identitaire et essentialiste de la Nupes pourfendre les barbecues, le patriarcat du steak, les droits de la défense juridique et la défense du contradictoire pour approcher la vérité !

La destruction de la Sécu et parallèlement des mutuelles de travailleurs au profit de l’UNOCAM regroupant les assureurs privés, les instituts de prévoyance et de la FNMF est mortifère. Car le néolibéralisme prépare les prochaines estocades contre la Sécurité sociale. Pour l’assurance-maladie, après l’ANI de 2013 (merci François Hollande et la ministre Touraine) permettant aux complémentaires santé – principalement des assureurs privés – de vendre une complémentaire santé obligatoire dans les entreprises privées, la protection sociale complémentaire (PSC) obligatoire pour la fonction publique en cours d’installation d’ici quelques années, tout est donc prêt pour les appels à projet pour privatiser, éclater en régionalisant la Sécu au profit des assureurs privés et de leurs soutiens et notamment des plus grosses mutuelles de la Mutualité française. Nous disons plus grosses car les petites mutuelles auront alors été tuées par la directive de l’Union européenne Solvabilité 2.

Quelques exemples de la décroissance de la qualité du service public de santé

Cette évolution a des conséquences importantes. Prenons l’exemple de la diminution régulière des pensions de retraite (voir ci-dessous) ou de l’augmentation depuis 2012 de la mortalité infantile (en 2019 3,63 décès sur 1000 naissances). Pour ce dernier cas, la France a décroché des pays d’Europe du Nord. Ceux qui font mieux que nous : Allemagne, Autriche, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie (1,6 décès pour 1000 naissances), Finlande, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Portugal, Slovénie, Suède, Tchéquie, Biélorussie, Islande (1,4 décès pour 1000 naissances), Liechtenstein, Monténégro, Norvège, Suisse, Australie, Corée du Sud, Israël, Japon, Nouvelle-Zélande. Nous attendons les chiffres 2022 avec les décès bronchiolites !

On peut constater aussi le recul important du taux de fécondité en France : 2,02 en 2010, 1,79 en 2021. Le refus d’une politique massive de créations de places de crèches publiques ou associatives en est la raison principale, or c’est la branche famille de la Sécurité sociale qui en est le financeur principal. Et depuis l’étatisation complète de la Sécurité sociale, cette dernière n’a plus les moyens de maintenir une politique familiale favorable au monde du travail.

La France est également championne d’Europe des décès liés à l’activité professionnelle. Les taux d’incidence les plus élevés en 2019 ont bien été enregistrés en France, avec un taux de 3,53 accidents mortels pour 100 000 personnes en activité, contre moins de 1 pour 100 000 en Grèce, en Allemagne, en Suède et aux Pays-Bas.

Et puis, il y a aussi eu le tri des malades dans les Ehpad que l’on a envoyés en sédation au lieu de les soigner parce que les hôpitaux n’avaient plus la possibilité de les recevoir.

Concernant les personnes handicapées, qui de la France ou de Chypre est le dernier de la classe en Europe pour l’accessibilité aux biens et services ? On ne le sait pas, car ces deux pays ont « oublié » de fournir leurs données en décembre 2021.

Nous pourrions aussi aller dans le même sens sur l’accroissement phénoménal des déserts médicaux, sur le fort recul de l’accès aux soins. Les délais et les conditions pour choisir des médecins conventionnés peuvent prendre plusieurs mois dans certaines spécialités médicales. Et là on voit le recul de la solidarité car pour bien se soigner, il faut soit être riche, soit habiter dans certains territoires et pas d’autres, soit vivre dans un milieu familial ou amical médical. Sinon, que faire ? Même sur les grandes plaques urbaines, de plus en plus de médecins généralistes de ville ne reçoivent que sur rendez-vous et s’il y a des urgences, il faut aller dans les Sami de nuit quand ils existent !

La baisse des retraites nous est proposée « pour notre bien » par l’extrême centre macroniste et la droite installée

Une nouvelle bataille va faire rage ! Elle consiste à accepter ou refuser la baisse du montant des retraites qui nous est proposée. Et comment appelle-t-on une bataille sur le partage des richesses produites ? Tout simplement une lutte de classe ! Une intersyndicale large se dit prête. Les remontées des militants montrent que les directions syndicales ne sont pas encore dans les préparatifs d’une grève massive, seule arme à disposition du monde du travail pour s’opposer à cette nouvelle régression.

Six points pour planter le décor :

1) À la lecture des documents budgétaires et du programme de stabilité que notre pays est obligé de fournir à la Commission européenne, la réduction des dépenses de retraite doit notamment compenser le cadeau au patronat à savoir la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) à partir de 2024, soit un coût de 8 milliards d’euros par an pour le Trésor public. Bruno Le Maire, « le sémillant porteur de col roulé en hiver » n’en fait pas mystère quand il dit au patronat de soutenir la future réforme des retraites « avec enthousiasme, avec détermination. C’est 8 à 9 milliards d’euros d’économies au bout du quinquennat ! » (France Inter, 27 septembre 2022).

2) Il faut lier la réforme de l’assurance-chômage qui vient d’être votée pour permettre au patronat de diminuer les protections des travailleurs en vue de favoriser l’acceptation d’emploi à des conditions de travail et de salaire dégradées à la réforme des retraites qui suit la même logique. Selon les modèles macroéconomiques de la direction du Trésor ou de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), un allongement de l’âge de la retraite se traduirait par une augmentation de la population active d’environ 100 000 personnes supplémentaires tous les ans durant neuf ans, ce qui conduirait à une forte hausse du chômage parce qu’une partie importante des seniors actifs, déjà au chômage à 62 ans resterait au chômage. Par exemple, plus d’un tiers des ouvriers sont déjà au chômage à cet âge. C’est ce que Karl Marx appelle « faire grossir l’armée industrielle de réserve » pour faire pression sur les salaires !

3) Bien évidemment, les classes sociales ne sont pas égales devant la mort. L’économiste Mikaël Zemmour déclare que « les 40 % d’hommes des catégories socioprofessionnelles les plus modestes dans la tranche des 48-55 ans ont un risque de l’ordre de 30 % supérieur d’avoir une retraite de moins de dix ans (et un risque d’environ 15 % plus élevé de ne pas même atteindre la retraite). Pour ces personnes-là en particulier, l’accroissement de l’âge du départ à la retraite d’un, deux ou trois ans constitue un recul énorme ». C’est en fait pour augmenter le nombre de travailleurs de la classe populaire ouvrière et employée qui ne pourra pas jouir de sa retraite tout en ayant payé celles des travailleurs les plus aisés.

4) Vous voulez connaître les prévisions de l’écroulement du taux de remplacement des retraites (montant de la pension rapporté au dernier salaire en activité) avec les seules réformes passées ? Alors que ce taux de remplacement est déjà descendu en moyenne de 71 % à 50,3 % en 2021, principalement à cause de la loi Mitterrand-Balladur de 1993 et des contre-réformes suivantes (2003, 2008, les sous-indexations des complémentaires Agirc et Arrco pour le privé, les reculs de la dernière décennie, etc.) non remises en cause par les gouvernements Jospin et Hollande, le Conseil d’orientation des retraites (COR), prévoit pour 2070, un taux de remplacement de 32,6 % à 39,4 % suivant les différents scénarii de productivité ! Vous savez donc ce qui vous attend si la lutte est insuffisante.

5) Par l’intermédiaire de monsieur Dussopt, ministre de son état, le gouvernement tente de faire passer cette pilule indigne par les propositions suivantes sans commune mesure avec les reculs : 1130 euros au lieu des 1100 euros minimum déjà prévus pour une carrière complète, suppression de la décote maintenue à 67 ans, les assurés invalides ou inaptes pourraient partir à 62 ans et les travailleurs handicapés à 55 ans. Faites vos calculs et préparer la lutte !

6) Bien évidemment, les intervenants du Réseau Education populaire (Rep) sont à votre disposition pour animer une de vos réunions publiques ou pour organiser un stage de formation sur une ou deux journées. Notre intervention en réunion publique répond à toutes les fausses réponses de l’oligarchie capitaliste, de leurs médias, et de ses alliés à savoir qu’il est faux de dire :

– que le système est en danger ;

– que l’on doit travailler plus longtemps, car on vit plus longtemps ;

— que le problème des retraites est uniquement un problème démographique ;

— qu’il faut allonger la durée de cotisation ;

— que c’est la faute du coût du travail ;

— que les retraités sont riches ;

— que les fonctionnaires sont des privilégiés.

Tout cela peut être prouvé avec une conférence interactive de 2 h 30, débat compris. Vous pouvez passer par notre journal qui transmettra au Rep vos demandes.

Conclusion provisoire

Tout cela pour arriver à quelle conclusion ? Celle d’essayer de vous convaincre de vous rassembler dans l’action avec vos organisations syndicales avec comme possibilité de faire appel à un intervenant du Rep pour faciliter la mobilisation. Assurons la défense et de la promotion d’une autre Sécurité sociale. La Sécurité sociale parce qu’elle reste l’avancée sociale la plus aboutie dans la période 1945-1967 de l’histoire de France et même du monde sur une période significative de 22 ans. Elle reste l’un des piliers indispensables de la reconquête populaire car elle peut symboliser la protection de l’humanité de la naissance à la mort si on reprend la définition de l’Oms de 1946 de la santé : « la santé est un état de bien-être physique, psychique et social » et donc pas seulement une absence de maladie. Chiche, vous voyez ce qui vous reste à faire !

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Ces soumis comprennent l’extrême droite, la droite installée, l’extrême centre macroniste mais malheureusement aussi ici et là dans la gauche, dans l’extrême gauche et chez les écologistes. Là résident les difficultés politiques de la séquence.
2 Les mutuelles qui gardent un lien avec les mutuelles de travailleurs sont celles qui ont refusé l’entrée dans la Mutualité française, dans les années 90. Car la Mutualité française, adversaire historique de la Sécu après leur complaisance avec le régime de Vichy, a passé un « accord scellé en béton armé » avec les instituts de prévoyance soi-disant paritaires (comme Malakoff Médéric jadis présidé par Guillaume Sarkozy) et avec la branche assurantielle du Medef (longtemps animé par Denis Kessler qui a défini la stratégie des gouvernements néolibéraux dans sa fameuse interview du 4 octobre 2007 dans le journal Challenges !) au sein de l’Union nationale des organismes complémentaires à l’assurance-maladie (UNOCAM) dès le début du 21ème siècle. À noter que c’est le gouvernement d’union de la gauche de Lionel Jospin sur demande de la Mutualité française qui a troqué en 2001 le Code de la mutualité solidaire en code assurantiel en acceptant l’injonction de la directive européiste ordolibérale appelé Solvabilité 2 qui est la réforme cliquet qui oblige les complémentaires Santé à se comporter dans leur gestion comme les assureurs privés à buts lucratifs et à combattre avec vigueur la Sécurité sociale. L’autorité de contrôle (ACPR) étant le gendarme du marché des complémentaires avec droit de vie ou de mort sur ces dernières.