Combat social, combat laïque, l’écologie en embuscade ?

La gauche n’est pas seulement éclatée, elle est sans projet, sans utopie, sans travail ou recherche pour sortir de l’ornière dans laquelle elle s’est mise. Confrontée à un paysage politique et idéologique plus complexe que l’opposition binaire gauche/droite, elle s’avère incapable de proposer une politique qui réponde aux aspirations des populations et notamment des couches populaires qu’elle considère disparues du paysage social et politique pour se consacrer uniquement aux couches petites-bourgeoises urbaines, auto-proclamées « éduquées ». Aussi, le courant républicain, universaliste, issu des Lumières se trouve sans représentation politique et sans organisation.

Les Lumières sont aujourd’hui réinterrogées parce que les promesses d’émancipation, de liberté, d’égalité, de fraternité ne seraient pas advenues mais au contraire la colonisation, le « racisme systémique » en seraient ses enfants. Elles sont au mieux présentées comme « un projet inachevé », voire comme un échec car elles n’ont pas tenu leurs promesses, l’émancipation individuelle étant un mythe.

Les dérèglements climatiques, la chute de la biodiversité, l’épuisement des ressources naturelles engendrés par un système économique prédateur dont le seul objet est d’obtenir le profit maximum le plus rapidement possible par tous les moyens à disposition accentuent les inégalités sociales au niveau mondial et dans les sociétés. Les rapports sociaux et à la nature s’en trouvent modifiés en profondeur sans une conscience nette dans les populations car les effets concrets sont différés ; ce qui favorise à la fois la procrastination sur les dispositions à prendre, toutes les démagogies et le développement de pensées et solutions magiques.

Le courant républicain universaliste, en but de façon classique à la droite et à une extrême droite démagogique dont l’idéologie complaisamment relayée par beaucoup de médias et reprise par une partie de la droite de gouvernement se diffuse dans toute la société, doit aussi s’affronter aux plans idéologique et politique à une partie de « l’extrême gauche » et une partie d’elle-même qui ont abandonné la lutte de classe et l’émancipation pour des luttes essentialistes basées sur la race, le genre, la victimisation, la repentance, la religion.

L’incompréhension de la mobilisation des « Gilets jaunes » de la part de la « classe politique » à gauche, des médias, y compris ceux se réclamant alternatifs, comme des partis de gauche et des organisations syndicales et associatives quasiment sans exception, peut s’analyser comme emblématique de la coupure des forces de gauche et de ces organisations avec les couches populaires. Cette mobilisation sociale, porteuse de revendications et d’exigences précises sur le pouvoir d’achat, contre des taxations abusives, sur les services publics, la dignité, autant de thèmes classiques des mouvements sociaux depuis des siècles, n’a pas été comprise et a été abordée avec suspicion et mépris, parce qu’il ne s’agissait pas des couches sociales traditionnellement dans les luttes sociales et que leurs modes d’action étaient atypiques. Cela illustre à la fois la méconnaissance de la société d’aujourd’hui par les forces de gauche et leur soumission idéologique aux analyses de la bourgeoisie (l’oligarchie) au pouvoir. C’est d’autant plus remarquable que les « gilets jaunes » ont été capables dans leur majorité d’intégrer les questions climatiques et écologiques à leurs revendications en refusant d’opposer « la fin du mois et la fin du monde » ; même si l’expression « fin du monde » est sujette à caution. Ils ont dans la pratique et par l’action remis la question sociale au centre du village(1)Voir : Dix thèses à propos des « Gilets jaunes », dix thèses pour les associations, dix contre-thèses à propos du macronisme, par Jean-Claude Boual, décembre 2018, éditions Collectif des associations citoyennes..

La laïcité aussi est contestée, souvent par les mêmes. Issue d’un long combat pour la liberté de pensée et la liberté de conscience, pour les libertés individuelles et collectives, la liberté de croire ou ne pas croire, consacrée par la séparation des Églises et de l’État, elle est un acte de souveraineté et d’indépendance de l’État vis-à-vis des religions et réciproquement des religions vis-à-vis de l’État. Elle est à la fois un acte et un principe de liberté avec un caractère universel indéniable car elle est applicable dans tout pays qui se réclament des droits humains et de l’État de droit, notamment dans des sociétés qui se sécularisent. Or, la sécularisation est un long phénomène multiséculaire qui touche aujourd’hui toutes les sociétés dans le monde entier, sans exception. C’est bien pour ses caractéristiques de liberté absolue, de liberté de conscience et d’universalité qu’elle est constamment remise en cause et attaquée par les religieux de toutes obédiences qui veulent imposer leur domination sur les sociétés. L’histoire conflictuelle entre l’État républicain et l’Église catholique doit être rappelée à ce sujet, car elle démontre, contrairement à ce que prétendent les tenants de « l’islamophobie », qu’il ne s’agit de stigmatiser ni les musulmans, ni la religion musulmane. Paradoxalement, dans ce monde en voie de sécularisation, dans lequel toutefois les religions subsisteront, la laïcité, parce qu’elle assure la liberté de conscience à chacun, est la meilleure garantie de pouvoir exercer sa religion sans discrimination pour ceux qui le souhaitent comme de n’avoir aucune religion. L’État est neutre au regard des religions, de toutes les religions ; la théologie n’est pas son affaire. Ferdinand Buisson peut alors affirmer que l’État républicain est souverain et seul souverain, l’individu est absolument libre dans ses options spirituelles, les Églises sont libres comme toute association qui respecte la loi. Délivré de la tutelle de l’Église catholique et de toutes les Églises, l’État républicain peut alors assurer la pleine souveraineté du corps politique des citoyens, dont une des expressions les plus abouties sera la création de la Sécurité sociale en 1945 avec un mode de gestion dans lequel le citoyen/producteur était l’élément central.

Les laïques ont cru naïvement et trop longtemps que la laïcité était définitivement installée dans notre pays. Ils ont sous estimé les batailles qui la sapaient depuis au moins la fin des années 1980. Certains de ses promoteurs et défenseurs traditionnels l’ont relativisée et ont promu l’idée d’accommodements « raisonnables » avec ses adversaires. Elle est aujourd’hui instrumentalisée par toutes les droites et notamment l’extrême droite qui se sont engouffrées dans le vide idéologique créé et s’en sont faites formellement les « meilleurs défenseurs », alors qu’historiquement elles l’ont toujours combattue. Certes, les vieux réflexes ressurgissent parfois comme avec la « manifestation pour tous » à propos de la loi sur le mariage des homosexuels, mais ça ne change pas la vision que les médias dominants donnent de la question. Le baiser de la mort en fait. Chaque fois que les laïques baissent la garde, chaque fois que les institutions de la République tergiversent et font des « accommodements raisonnables », à chaque opportunité quand le rapport de force leur semble favorable, les organismes religieux de toutes obédiences relèvent le défi (souvent concomitamment) et se mobilisent pour essayer d’imposer, même partiellement, la loi divine.

Le débat sur la laïcité, quelles qu’en soient les formes – port des signes religieux dans l’espace public, « islamo-gauchisme », extrémismes religieux… – dans lesquelles trop d’organisations politiques et associatives se réclamant de la gauche se sont perdues, donne une idée du marasme et des impasses où elles se sont engluées. Marasme reposant sur une série de thèses : intersectionnelles, le racisme systémique, la branchitude, la suprématie et les privilèges blancs, le décolonialisme victimaire et repentant, la culture « woke », la culture d’effacement, le « féminisme décolonial » et l’écriture dite à tort « inclusive » qui segmentent la société, divisent et égarent les luttes sociales dans des impasses.

En se qui concerne l’articulation du social, de l’écologie et de la laïcité, la ou les ruses, la partie de poker menteur ne se limitent pas à la culture « woke » et consorts, de nouveaux « concepts » font leur apparition régulièrement. Par exemple, Greenpeace vient d’entrer dans l’ère des permaconcepts, avec les notions indéfinies de perma-consult, perma-leader, perma-organisation, perma-juice, perma-RH, permanagement, permamanagement, permaéconomie, permentreprise(2)Cf notamment : Sylvain Breuzard, président de Greenpeace France depuis 2012 : La PERMAENTREPRISE- Un modèle viable pour un futur vivable inspiré de la permaculture, illustré par Étienne Appert, mars 2021 ; ainsi que « La permaentreprise » de Nadia Marty article sur son blog coachingnouvellegeneration ; ou La permaéconomie, Emmanuel Delannoy éditions wildproject 2016, et édition de poche 2021., etc.

Aussi, la nécessité d’un combat global, intégrant les questions sociales et laïques est plus que jamais d’actualité. Déjà dans les années 1900, Jean Jaurès soulignait que la République serait laïque et sociale ou ne serait pas. Nous y sommes aujourd’hui à nouveaux confrontés. Encore faut-il prendre le social dans toute sa dimension et sa véritable acception, l’économie doit être au service du social et non l’inverse, comme ont réussi à nous le faire admettre avec trop de succès les « économistes distingués », le patronat et les gouvernements. Aussi faut-il intégrer aujourd’hui l’économie dans le social et y inclure les questions climatiques et écologiques, tant les dégâts occasionnés par le système économique dominant – le capitalisme – sont en passe de reconditionner les conditions de vie de l’humanité sur la seule planète qui nous héberge.

Sans prétendre faire le tour de la question et encore moins apporter des solutions qui ne peuvent que découler d’un processus démocratique éclairé, je voudrais amorcer le débat de façon laïque, c’est-à -ire en évitant autant que possible les pensées magiques, les dogmes néolibéraux, écologiques ou « de gauche », et partir des fondements, c’est-à-dire l’utilisation de l’énergie.

 

Le problème de l’énergie

La question de l’énergie est centrale dans tout développement humain. Toutes les révolutions agricoles et industrielles se sont produites à partir de l’utilisation de sources d’énergie de plus en plus performantes. L’humanité est passée progressivement de l’énergie humaine, à la maîtrise du feu, à l’énergie animale, à l’énergie hydraulique et éolienne, puis à l’énergie du carbone, d’abord le charbon avec la vapeur, puis le pétrole et le gaz et enfin l’énergie nucléaire et la bioénergie plus récemment. Chaque fois, le saut s’est effectué à partir de découvertes technologiques et/ou scientifiques. Les 2/3 de la croissance des trois décennies d’après guerre s’expliquent mécaniquement par le simple afflux d’énergie fossile.

L’électricité qui semble appelée à être l’énergie d’usage dominant en raison des dérèglements climatiques est une énergie dérivée d’énergies primaires (hydraulique, éolienne, solaire, carbone ou nucléaire). C’est une énergie fabriquée car nous ne savons pas capter l’énergie électrique de la nature. C’est une énergie technologique qui demande un appareil industriel sophistiqué, donc fragile avec intervention humaine permanente. Dans tous les cas, la production d’énergie se heurte aux lois de la physique, notamment de la thermodynamique (l’entropie). Il est illusoire, voire trompeur, de croire ou faire croire qu’il peut exister une « énergie propre », exempte de transformation de la matière. Même si nous arrivons à la « neutralité carbone », les transformations qu’impliquent la production de l’énergie que nous utilisons ne sont pas sans conséquences sur la nature, les écosystèmes, l’environnement, le climat. Elles auront aussi d’importantes répercussions dans le domaine social avec des risques d’inégalités encore accrus ainsi que sur l’organisation sociale, politique et les rapports sociaux entre individus et les rapports collectifs.

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Aujourd’hui, l’électricité représente 25 % de la consommation totale d’énergie pour notre pays, dont 71 % produite à partir de l’énergie primaire nucléaire. Les 75 % de consommation autre sont de l’énergie carbonée (pétrole, gaz, charbon). Il est question, pour sortir des énergies carbonées d’ici 2050 comme le prévoient l’Union européenne et la loi française, d’augmenter l’usage de l’électricité en la produisant à partir d’énergies primaires « renouvelables », éolien terrestre et maritime, photovoltaïque, essentiellement. Cette « électrification » de notre société touche pratiquement de très nombreux secteurs d’activités, les transports avec le développement de la voiture électrique et des transports collectifs, la numérisation à marche forcée, les télécommunications, le retour du chauffage électrique, la réindustrialisation souhaitée. Même la production d’hydrogène verte, à partir de l’électrolyse de l’eau, présentée comme l’énergie d’avenir, ne peut se faire sans électricité. Certes, le KW/h le plus écologique est celui qui n’est pas consommé, donc pas produit, mais il est plus probable que l’augmentation des usages de l’électricité va entraîner une augmentation de sa consommation et donc de sa production. En 2019, la production d’électricité était de 538 TWh, les prévisions pour 2050 sont de 650 à 700TWh, soit une augmentation de plus du tiers ; ce qui implique des milliards d’euros d’investissements dans les infrastructures et ne représenterait que 50 % de l’approvisionnement en énergie du pays. Ce qui laisse une part importante aux énergies fossiles quoi qu’on en dise.

Les process de production, donc la richesse créée, sont aussi très dépendants du type d’énergie utilisée. Il est évident que sans électricité il ne peut y avoir d’automatisation dans l’industrie, la numérisation de nombreuses activités ne peut se faire et certaines productions industrielles sont impossibles.

La mobilisation des « gilets jaunes » a démarré sur une question de taxe sur l’essence, soit sur l’énergie. Le prix de l’électricité ne cesse d’augmenter, des chèques énergie sont attribués aux personnes les plus pauvres et l’on parle de « précarité énergétique » dans toute l’Union européenne. Nous voilà au cœur des questions sociales.

L’approche religieuse des questions énergétiques qu’ont beaucoup trop d’écologistes, en ne prenant pas en compte les contradictions et le fait qu’il n’y a pas de solution univoque et sans inconvénients tant sur le plan social qu’environnemental, climatique ou de la biodiversité, ne permet pas de dégager des axes politiques et des politiques publiques qui permettent d’affronter les questions que rencontrent nos sociétés. La cristallisation de désaccords au sein de la gauche et des écologistes sur le nucléaire reflète en fait ce manque d’approche rationnelle et laïque sur l’énergie dans son ensemble. Il n’est donc pas possible de dégager, au-delà de toute considération de programmes et de personnes, une vision de société commune. L’énergie étant à la base du développement de nos sociétés, un consensus minimum sur son utilisation est indispensable pour tout projet de société. De fait, le capitalisme s’est développé sur un consensus implicite sur l’utilisation successive des différentes formes d’énergie primaire dont il est fait état au début de ce texte.

Pour une part essentielle l’avenir de l’humanité est donc conditionnée par l’utilisation et l’usage de l’énergie, car c’est elle qui est à la base de toutes les activités humaines, agriculture, industrie, transports, services, numérique, téléphone… rien ne peut se faire sans dépense d’énergie. Les rejets de gaz à effet de serre (CO2, NH4, sauf pour les ruminants,…) sont tous liés à l’utilisation de l’énergie sous une forme ou une autre.

La théorie économique dominante, quasi-exclusive, veut que le progrès technologique soit la principale source de la croissance économique et des gains de productivité. Il est évident que ce sont les progrès scientifiques et technologiques qui ont permis les passages d’une énergie à une autre plus performante. Mais ces progrès doivent être corrélés à leur dimension énergétique et à l’utilisation de plus en plus d’énergie en liaison avec leur extension. Les gains de productivité de l’industrie sont historiquement tous dus aux passages d’une énergie à une énergie plus performante, avec un volant de gain d’efficacité d’un siècle environ pour chaque mode énergétique. Nous sommes au bout des gains du passage à l’énergie électrique carbonée (produite à partir du pétrole, du gaz après le charbon). C’est ce qui explique les très faibles taux de progression de la productivité dans les pays développés. La dernière « révolution énergétique » a atteint ses limites. Contrairement à ce qui est trop hâtivement affirmé, le numérique n’est pas de ce point de vue une révolution technologique majeure pouvant apporter de nouveaux gains de productivité : en cinquante ans il n’a pas tenu les promesses que les économistes avaient annoncées. Il n’y a pas de paradoxe de Solow(3)Robert Solow, prix « Nobel d’économie » 1987, qui observait que l’on voyait des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité., mais simplement un phénomène physique, l’entropie qu’ignorent les économistes atterrés ou non. Le numérique est certes une technologie nouvelle qui modifie en profondeur les relations humaines, voire les rapports sociaux, la pandémie de la Covid-19 est là pour nous le démontrer avec l’extension quasi-illimitée des rencontres virtuelles (par Zoom et autres services), la prolifération du « télétravail », mais ce n’est pas une révolution industrielle capable d’apporter de nouveaux gains de productivité. Comme les fausses bonnes idées ont la vie dure, la 5G devrait enfin donner « un coup de fouet pour la productivité »(4)Article de Maya Bacache, professeure de sciences économique à l’institut interdisciplinaire de l’innovation (i3), Telecom Paris. sous trois conditions : i) la 5G peut(5)Souligné par moi, JCB. être la technologie de rupture qui permet de catalyser l’ensemble des autres innovations, ii) la 5G est une innovation de réseau et non d’usage,iii) la 5G porte une promesse d’amélioration directe de la productivité du capital. Deux promesses hypothétiques qui prolongent celles non tenues du numérique signalées plus haut et trois affirmations plus ou moins contestables. Comment la 5G pourrait-elle catalyser l’ensemble des innovations, comme si une seule technologie pouvait englober toutes les autres. L’innovation de réseau et non d’usage ne change rien aux questions énergétiques, au contraire, la 5G aura besoin d’électricité pour fonctionner et sa consommation va augmenter avec le développement du réseau et des usages en découlant. La « productivité du capital » exception faites des formes diverses de spéculation et d’évasion fiscale n’est jamais due qu’au travail qui seul crée de la richesse.

Il convient à ce stade de préciser que, depuis la crise de la financiarisation des économies, l’augmentation du PIB de la France, désindustrialisation aidant, est dû essentiellement à la spéculation financière et à la spéculation foncière et immobilière.

Par contre, la 5G et la numérisation vont servir à contrôler encore plus les personnes, régimes « démocratiques » et régimes autoritaires compris. Sujet que le combat laïque et social devra aussi traiter tant les libertés collectives et individuelles ne peuvent s’épanouir qu’avec la justice sociale et la laïcité. Comme toujours ce contrôle social s’effectue sur les couches populaires en priorité, et fini par toucher tout le monde.

 

Le climat, l’écologie, l’environnement

Les travaux du GIEC nous montrent que les rejets des gaz à effet de serre ont considérablement augmenté depuis le début de la révolution industrielle, soit les 150 dernières années, et que cette augmentation est d’origine anthropique, due à l’activité humaine. Le climat s’en trouve perturbé, avec une augmentation des températures moyennes de 1,5° celsius, et nous sommes sur une trajectoire de 4 à 6° celsius avant la fin du siècle si nous poursuivons sur la lancée actuelle. Les conséquences de cette élévation des températures moyennes font l’actualité : fonte de la calotte glacière, des glaciers en haute montagne, du permafrost, étés caniculaires de plus en plus fréquents, incendies monstres et de moins en moins maîtrisables, précipitations et inondations de plus en plus fréquentes, ouragans et cyclones plus puissants et plus nombreux… etc. ; la biodiversité en subit aussi les conséquences tant pour la flore que pour la faune.

Les autorités publiques prennent des décisions martiales et de plus en plus spectaculaires pour des horizons plus ou moins lointains. Ne pas dépasser les 2° d’augmentation moyenne des températures terrestres à la fin du siècle et, si possible s’en tenir à 1,5° mais sans obligations pour la COP 21 lors des accords de Paris en 2015. Or, les 1,5° sont déjà dépassés ! L’ Union européenne a pour objectif la « neutralité carbone » : c’est-à-dire ne pas rejeter plus de CO2 que la nature peut en absorber pour 2050. Elle vient, afin d’atteindre cet objectif, de fixer la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % par rapport à 1992 en 2030. La France s’est alignée sur ces objectifs.

Pour bien comprendre ce que cela signifie concrètement pour chacun d’entre nous, il n’est pas inintéressant de ramener cet objectif, fixé technocratiquement et qui ne parle pas et ne soulève pas de question parce que trop global, à ce qu’il signifie au niveau individuel.

Chaque français rejette selon les sources entre 10 000 et 11 500 tonnes de CO2 par an. Ce tonnage comprend toutes les sources, le CO2 produit sur le sol français et le CO2 importé. Pour atteindre la neutralité carbone, il faut descendre à 2 000 tonnes par an par personne (à population constante). Soit une diminution de 80 % en 30 ans ce qui implique une diminution de 5 à 6 % par an. Voilà qui est beaucoup plus concret et parlant que les chiffres globaux et pose la question autrement que l’affirmation péremptoire que la neutralité carbone en 2050 est possible avec les énergies renouvelables, sans le nucléaire.

En attendant, les rejets de CO2 et gaz à effet de serre ne cessent d’augmenter d’année en année. Malgré les décisions de réduction des gouvernements ou de l’Union européenne jamais les objectifs fixés ne sont atteints et plus le temps passe, plus les objectifs en matière de limitation de l’augmentation de la température, fixés lors de la COP 21 en 2015 paraissent inatteignables.

 

Les comportements et propositions

Il ne s’agit pas ici d’analyser les positions et propositions des différents courants de la société civile, ni celles des partis politiques qui aujourd’hui s’auto-déclarent tous écologiques et ont tous leurs solutions miracles pour résoudre les problèmes. Il ne s’agit pas non plus d’entrer dans le débat sur les solutions techniques et industrielles proposées : la voiture électrique est-elle une bonne solution du point de vue écologique compte tenu de son bilan global environnemental, les éoliennes sont-elles une solution écologique à la question énergétique en raison de leurs conséquences sur l’environnement, les paysages, la biodiversité avifaune, la pollution des sols avec les socles qui mobilisent chacun 1500 tonnes de béton et sont indestructibles, les pales non recyclables et donc enterrées polluant à nouveaux la terre, etc. ? Les exemples pourraient être multipliés. Ces débats sont nécessaires et démontrent que les solutions mises en œuvres pour agir sur les dérèglements climatiques comme sur les dégradations des sols, des forêts, de la biodiversité, de l’eau, de l’air, de la mer et tenir compte de la limite des ressources n’ont rien d’évident et que ceux qui s’aventurent à affirmer que « nous savons ce qu’il faut faire » sont souvent bien présomptueux. Le GIEC lui-même se garde bien de donner des solutions, il alerte sur une situation qu’il a scientifiquement analysée et donne à voir aux décideurs pour qu’ils… décident.

Aujourd’hui, « on ne désespère plus Billancourt ». Ça fait longtemps que l’usine est démolie et que les terrains sont l’objet de spéculation, mais on « désespère les nouvelles générations ». Il faut donc affirmer que l’on a les solutions. C’est d’autant plus urgent que le discours dominant est que nous sommes entrés dans la décennie décisive et que, si les mesures ne sont pas prises au cours de cette période, nous sommes fichus. Pour une part, les « jeunes générations » considèrent que se sont les générations antérieures qui sont la cause des malheurs d’aujourd’hui ; elles se seraient contentées de « consommer et jouir sans entraves »(6)Le discours de Greta Thunberg, icône des médias de complaisance est fortement teinté de cette idéologie mortifère qui oppose les générations. sans se préoccuper des conséquences de leurs actes sur le climat, les ressources naturelles, la biodiversité…

La posture dominante est la poursuite des modes de production et de consommation antérieurs en « verdissant » le discours et en promouvant des objectifs à atteindre dans dix, vingt, trente ou quarante ans en votant des lois qui sont parfaitement compatibles avec le système capitaliste le plus prédateur, en s’abritant, si besoin, derrière des « amuse citoyens » du type de la Convention citoyenne sur le climat initiée par E. Macron. Faire semblant de tout changer pour continuer comme avant selon le théorème de Tancrède dans le Guépard de Guiseppe Tomasi di Lampedusa.

Venons-en aux deux idéologies et comportements en question.

I – Poursuivre comme avant en « verdissant ». L’ Union européenne a décidé avec son « Pacte vert » en 2020, la neutralité carbone en 2050, avec une diminution des émissions de CO2 de 55 % en 2030. La France s’est alignée sur ces objectifs. Pour reprendre les propositions de la Convention citoyenne le gouvernement a fait adopter la loi dite « Climat et résilience » que les membres de la Convention analysent comme une trahison de leur travaux et des promesses que le Président de la République leur avait faites. De leur côté, les associations environnementales et les partis politiques de gauche et écologistes estiment les dispositions de la loi très en-deçà des exigences minimales pour lutter contre les dérèglements climatiques. Chaque formation politique décline alors la liste à la Prévert des mesures indispensables qu’elle préconise, qu’elle n’a jamais mis en œuvre quand elle était au gouvernement et qui, le plus souvent, soulèvent autant de problèmes qu’elles en résolvent.

Les plans de relance suite à la crise sanitaire due à la Covid-19 sont tous tournés vers « l’offre » c’est-à-dire vers l’aide aux entreprises, la croissance, les investissements dans le pétrole et le gaz sont toujours aussi importants, les solutions industrielles dites de la transition écologique sont toutes sujettes à caution comme la voiture électrique ; la spéculation financière et la spéculation immobilière et foncière sont toujours les moteurs de l’économie. La recherche du profit maximum, le plus vite possible est toujours le cœur de l’activité économique, la course aux innovations dans le numérique (5G, les nouveaux smartphones… mais aussi numérisation frénétique de toutes les activités humaines possibles) en sont la démonstration. Le glyphosate est interdit mais avec des dérogations et partiellement, certains néonicotinoïdes sont interdits, mais des nouveaux parfois encore plus nocifs pour l’environnement et les insectes sont autorisés etc.

Le comble de cette politique prédatrice de ressources rares basée sur la publicité pour créer des besoins de plus en plus artificiels sources de profits est sans doute le « tourisme dans l’espace » développé par Richard Branson avec Virgin-Galacit, Elon Musk avec Spacex et consorts . Tourisme qui est toujours présenté comme répondant à un désir (besoin) de milliardaires puisqu’il y a une demande de voir la terre de l’espace, désir montré en modèle de comportement et de consommation auxquels « nous aspirons tous » et que nous pratiquerions si nous en avions les moyens financiers.

II – Les restrictions pour les personnes. Deux propositions légèrement différentes sont mises en avant.

L’instauration d’une « comptabilité matière/énergie » avec des quotas individuels, plafonnés démocratiquement par référendum, diminuant jusqu’à obtenir la neutralité carbone et l’équilibre entre l’utilisation des ressources et leur renouvellement(7)Mesure 4 du livre de Dominique Bourg . Gauthier Chapelle. Johan Chapoutot. Philippe Desbrosses. Xavier Richard Lanata. Pablo Servigne. Sophie Swaton :   Retour sur Terre. 35 propositions, Puf, mai 2020.. Sans entrer dans les détails, les auteurs expliquent : « Il s’agirait de plafonner démocratiquement, les consommations d’énergie/matière […] De tels plafonnements pourraient être mis en place non seulement pour les achats directs d’énergie, mais pour tous les produits; chaque produit serait marqué d’un « prix » en énergie/matière, et chaque achat serait reporté sur un compte personnel […] Sans de tels plafonnements absolus et non négociables, il est impossible de faire baisser les émissions sur un territoire donné autrement qu’en laissant le marché déterminer le prix des consommations « hors quota » (nous refusons les quotas individuels échangeables. ».

La deuxième proposée par « Les assises du climat » initiées par des « personnalités » autour de la Fondation pour le progrès de l’homme (FPH) avec des représentants des institutions européennes (Parlement, Commission) et d’institutions nationales comme l’Ademe début 2021 consiste à mettre en place des quotas individuels de carbone, avec réduction de 5 à 6 % par an pendant 30 ans , avec une « bourse carbone » pour échanger des parts de carbone, créant ainsi « une deuxième monnaie carbone », afin de passer de 11000 tonnes de carbone émis par chacun en 2019 à 2 000 tonnes en 2050 pour obtenir la neutralité carbone, objectif fixé arbitrairement par les instances communautaires. Les restrictions de la demande se feraient automatiquement chaque année « sous la responsabilité des citoyens, la seule possible face aux urgences sur le climat » mais avec une gouvernance technocratique, afin d’éviter que les alternances politiques puissent remettre en cause le processus. La neutralité carbone atteinte, les restrictions et les quotas devront subsister pour que les rejets ne repartent pas à la hausse.

Dans ces deux propositions, la responsabilité de la lutte contre les changements climatiques est renvoyée sur les individus. C’est la demande qui créera l’offre, les gens n’ayant plus les moyens d’acheter les produits à fort impact de gaz à effet de serre, les entreprises ne les fabriqueront plus. C’est faire fi, un peu naïvement des rapports de force et du fait qu’en économie capitaliste c’est l’offre qui précède la demande. Le marketing et la publicité sont les premiers et plus efficaces vecteurs de l’idéologie capitaliste consommatrice en créant des besoins toujours nouveaux en fonction de l’offre nouvelle induite par la recherche de l’avantage concurrentiel et du monopole. Ils envahissent toutes les activités humaines, non seulement l’économie dans son ensemble, mais aussi la santé, l’éducation, la recherche, les arts sans exception, le domaine associatif. Ils sont en forte expansion dans la mesure où aujourd’hui tout doit devenir marchandise, y compris les relations humaines. Rien ne porte à penser que l’inversion se ferait et que la demande créerait l’offre par le miracle de décisions technocratiques, même argumentées par des objectifs climatiques, alors qu’elles augmenteraient les inégalités, déstructureraient les sociétés comme jamais, que les couches populaires comme toujours seraient les premières à en faire les frais, et qu’elles provoqueraient des révoltes incontrôlables.

Que dire de cette analyse ?

Nous savons que l’attitude dominante aujourd’hui du verdissement de l’économie capitaliste ne répond à aucun des défis auxquels nous sommes confrontés, que ce soit sur le plan social (ce n’est pas nouveau), des libertés ou de écologie et, qu’a contrario, elle augmente et aggrave toutes les difficultés. Certes, la conscience qu’il faut donc changer augmente, notamment dans les jeunes générations, mais le rapport des forces est encore ultra-favorable au système capitaliste tant au plan national, européen que mondial. Certes, de plus en plus de mobilisations portent sur les questions climatiques, mais l’articulation avec la lutte de classes est encore insuffisante ; souvent elle est même rejetée, ce qui conforte le « greenwasching ».

Les deux propositions visant à instaurer des quotas et des restrictions à perpétuité, ont au moins le mérite de montrer concrètement l’ampleur des problèmes auxquels nous sommes confrontés face aux dérèglements climatiques et d’entrevoir les conséquences sociales, politiques, économiques, éthiques que nous devons affronter. Par leur caractère technocratique et a-démocratique, elles soulignent aussi la méthode à ne pas employer ; les citoyens sont des personnes adultes, capables de débattre sur les questions les plus complexes et d’en déduire les conséquences.

Pour les forces militantes il est urgent aussi de dépasser les débats sclérosants en voulant imposer de force (par une forme de sectarisme totalisant) le point de vue de sa minorité aux autres minorités et à la majorité. L’avenir des combats à mener, n’est pas dans l’intersectionnalité, le « racialisme », le « différentialisme », la culture « woke » ou la « cancel culture », l’accusation permanente de son voisin et la victimisation dans la récrimination, le « féminisme décolonial » etc., mais dans l’articulation entre les injustices sociales, économiques et l’insoutenabilité écologique. Il s’agit d’introduire l’écologie dans la lutte de classe dans toutes ses dimensions. C’est pourquoi combat social, combat laïque, combat écologique sont non seulement indissociables mais ne peuvent se mener que dans le même mouvement, doivent être pensés ensemble et faire l’objet de la même lutte. Pour utiliser une image écologique ils forment le même écosystème de luttes.

Il est clair encore aujourd’hui que le rapport de force est en faveur du capital et que la trajectoire dominante est le verdissement, plus ou moins foncé selon les options politiques, de nos modes de production et de consommation afin d’assurer la croissance, mantra des économistes et indispensable au système pour perdurer. Nous assistons même à une forme de fuite en avant avec les projets fous de la géo-ingénierie du climat, modification de l’albédo, injection de sels marins dans les nuages, injection d’aérosols stratosphériques, réflecteurs en orbite etc, qui relève plus de la catégorie de « apprentis-sorciers » que de la science, mais peuvent être source de profits avant catastrophe.

Le capitalisme peut assimiler, intégrer, digérer pratiquement toute les mesures préconisées aujourd’hui par les partis et associations qui se revendiquent de l’écologie. Les mesures listées par la Convention citoyenne sur le climat sont à ce sujet un bon exemple. La longue liste des 149 propositions, égrainées sectoriellement, même appliquées toutes « sans filtre » améliorerait, certes, la situation environnementale dans beaucoup de domaines, mais nous maintiendrait dans la trajectoire du « greenwashing » et du « socialwashing », quand ce n’est pas dans la trajectoire de la casse des conquis sociaux par les luttes syndicales et politiques. Il n’y a pas de « bifurcation » avec ces propositions.

La seule mesure qui impactait les conditions d’exploitation des salariés et remettait en cause l’extraction, certes partielle mais réelle, de la plus-value du travail, à savoir la réduction du temps de travail à trente-deux heures, combattue par le patronat et les économistes mainstream, a été retirée par la Convention sous la pression des « garants », avec comme argument que la Convention allait se « discréditer » si elle retenait cette proposition. Affirmer, comme le fait Yannick Jadot et beaucoup « d’écologistes », que l’écologie est compatible avec le marché, soit dans les conditions actuelles le capitalisme prédateur, est non seulement une incongruité, mais implique l’acceptation de son « verdissement » et du « business as usual » sans changement réel de trajectoire. Cela implique aussi la priorisation des questions « sociétales » sur les contradictions sociales et de classes.

Il est clair aussi que le capitalisme actuel peut assimiler l’interdiction du glyphosate, l’arrêt de certains aménagements tels l’aéroport de Notre-Dame-des-landes ou Europacity, la gratuité des transports pour les usagers, le plafonnement du trafic aérien pour les grands aéroports, le recyclage des déchets et une économie « circulaire » qui par ailleurs seront source de profits et bien d’autres mesures sectorielles de cette nature. Il résistera toujours le plus possible, jusqu’à l’inversion du rapport de force partiel. Il peut même les assimiler toutes, dégager toujours plus de profits et conserver sa position sociale. Ça ne veut pas dire que ces mesures sont inutiles et qu’il ne faut pas les mettre en œuvre ; dans tous les cas elles amélioreraient considérablement la situation. Il est donc indispensable de se battre pour leur application mais dans le cadre de ce que les syndicalistes de la CGT de 1906 appelaient dans la Charte d’Amiens « la double besogne », c’est-à-dire les mesures immédiates pour améliorer les situations concrètes sans perdre de vue les transformations plus fondamentales pour l’émancipation collective et individuelle.

L’effort à faire pour formaliser politiquement l’«écosystème» combat social/combat laïque/combat écologique est colossal tant sur le plan théorique, que dans la pratique militante quotidienne. Nous vivons aussi avec une floraison d’initiatives locales qui recherchent la transition concrètement avec des solidarités nouvelles mais très localisées. Beaucoup de ces initiatives sont articulées autour de quelques personnes, d’un groupe qui, quand il se disperse, emporte avec lui l’initiative, quelle que soit la forme juridique utilisée. Bien que dispersées, même si elles sont de plus en plus documentées, ces initiatives relèvent bien de la recherche de modes de vie plus respectueux de l’environnement vers une transition en cours. Les travaux sur les communs dans leur diversité et parfois dans leurs contradictions et utopies relèvent aussi de ces recherches. Mais est-ce bien à la hauteur des enjeux ?

L’histoire n’est pas écrite, les rapports de force ne sont jamais figés définitivement, ils sont en évolution constante. Il relève donc des individus, de la société civile, des organisations citoyennes dans leur diversité dans le débat, avec rigueur et sans complaisance de s’atteler à les modifier.

 

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Voir : Dix thèses à propos des « Gilets jaunes », dix thèses pour les associations, dix contre-thèses à propos du macronisme, par Jean-Claude Boual, décembre 2018, éditions Collectif des associations citoyennes.
2 Cf notamment : Sylvain Breuzard, président de Greenpeace France depuis 2012 : La PERMAENTREPRISE- Un modèle viable pour un futur vivable inspiré de la permaculture, illustré par Étienne Appert, mars 2021 ; ainsi que « La permaentreprise » de Nadia Marty article sur son blog coachingnouvellegeneration ; ou La permaéconomie, Emmanuel Delannoy éditions wildproject 2016, et édition de poche 2021.
3 Robert Solow, prix « Nobel d’économie » 1987, qui observait que l’on voyait des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité.
4 Article de Maya Bacache, professeure de sciences économique à l’institut interdisciplinaire de l’innovation (i3), Telecom Paris.
5 Souligné par moi, JCB.
6 Le discours de Greta Thunberg, icône des médias de complaisance est fortement teinté de cette idéologie mortifère qui oppose les générations.
7 Mesure 4 du livre de Dominique Bourg . Gauthier Chapelle. Johan Chapoutot. Philippe Desbrosses. Xavier Richard Lanata. Pablo Servigne. Sophie Swaton :   Retour sur Terre. 35 propositions, Puf, mai 2020.