Mal nommer les choses ajoute au malheur du monde (Camus)

A chaque assassinat, à chaque meurtre de masse, se pose la même question : quel sens politique donner à cet événement ?

Sur le meurtre de masse perpétré par un militant de Daech tuant une cinquantaine de personnes dans un bar homosexuel à Orlando aux États-Unis, les médias néolibéraux ont estimé que le sens politique de l’assassinat était donné par l’assassin tandis que Jean-Luc Mélenchon estime que le sens politique du crime est donné par les victimes. Je pense au contraire que le sens politique est donné par l’événement global et donc aussi bien par l’assassin que par les victimes.
Il est donné par les victimes car c’est d’abord un meurtre de masse mais aussi un crime raciste anti-homosexuel abominable. Aucune transformation sociale et politique émancipatrice ne peut se concevoir sans un anti-racisme radical et universel. Et de ce fait, nous devons avoir de la compassion pour ces victimes d’un « racisme ordinaire » mais aussi une détermination à lutter contre toutes les causes de ce racisme-là en particulier et de tous les racismes en général. Et donc de combattre toutes les structures religieuses, ethniques et politiques qui alimentent ce racisme comme tous les autres.
Mais ce meurtre de masse a aussi un sens politique lié à l’assassin. D’abord parce qu’il s’agit d’un criminel de masse, mais aussi parce que ce meurtre de masse est revendiqué par une organisation d’une part fasciste et d’autre part qui relève de l’extrême droite islamiste.
La comparaison avec l’assassinat de policiers à Magnanville, intervenu juste après Orlando, avec un caractère non moins odieux même s’il n’a fait « que » deux victimes, permet de dégager les caractères communs aux deux entreprises alors même que les cibles ont été choisies sur la base de caractéristiques différentes par les deux meurtriers.
Et nommer cela permet aux militants et citoyens éclairés de combattre les causes du développement de cette organisation, comme de toute autre organisation d’extrême droite religieuse, ethnique ou politique.

Bien nommer les choses aide à la bataille culturelle, sociale et politique

Bien évidemment le fait de bien qualifier l’assassin permet à tout militant ou citoyen éclairé attaché au développement de l’émancipation humaine de faire une différence stricte entre islam et islamisme, comme il le fera entre catholicisme et partisan de la manif pour tous ou du saccage des centres IVG, ou encore entre le judaïsme et l’extrême droite juive. Car l’émancipation ne peut s’effectuer que sur la base de la liaison de tous les combats émancipateurs (laïque, social, écologique, féministe. républicain, etc.). Si le principe de laïcité, c’est d’abord la liberté de conscience et donc la liberté de culte, refuser de caractériser la différence entre l’islamisme et la grande majorité des musulmans, c’est ne pas rendre service aux personnes de culture musulmane pratiquantes ou pas qui sont nos frères et soeurs en humanité et qui militent avec nous pour l’émancipation humaine. De ce point de vue, saluons par exemple Soheib Bencheikh et bien d’autres et combattons toutes les extrêmes droites, y compris islamistes.
Voilà pourquoi il convient comme l’ont fait en leur temps Condorcet, Marx, Jaurès, Gramsci et bien d’autres, de chercher le sens politique des choses dans une démarche holistique, matérialiste et rationnelle. Car il convient de penser le sens dans le global et non seulement dans une seule partie d’un tout !
C’est le rôle de l’éducation populaire refondée de faire ce travail culturel pour une transformation sociale et politique afin que tout citoyen, tout salarié devienne acteur et auteur de sa propre vie.