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En termes de revenus

Les foyers les plus aisés déclarent en moyenne 1 030 000 € alors que l’ensemble des autres foyers déclarent en moyenne 32 000 €. Ce ne sont là que des moyennes qui ne décrivent qu’imparfaitement la réalité des inégalités sociales qui, pour les personnes les plus pauvres, est bien plus dramatique. C’est ainsi qu’entre 2002 et 2023, les premiers, les très aisés, ont bénéficié d’une hausse de 4,7 %, soit, en termes réels, +3 %, et les autres +2 % ou, en termes réels, +0,5 %.

En termes de patrimoines

Le patrimoine immobilier est sans doute le secteur qui révèle une distorsion encore plus manifeste. Ainsi, les foyers les plus aisés possèdent un patrimoine qui s’élève, en moyenne, à 4,5 millions d’€ contre 250 000 € pour les autres foyers. De 2017 à 2022, selon l’IFI (impôt sur la fortune immobilière qui a remplacé l’impôt sur la fortune ou ISF, réforme favorable aux ultras riches emblématique du macronisme), les plus riches ont vu croître leur fortune immobilière de 18 %. Si nous remontons dans le temps, de 2003 à 2016, leur patrimoine avait doublé.

THR et THP, quèsaco ?

Dans le lexique de l’INSEE, les THR sont les foyers à « très hauts revenus » et les THP sont les foyers à « très haut patrimoine », soit, dans les deux cas, les 0,1 % les plus riches. Respectivement, cela correspond à 463 000 € de revenus et plus⁽¹⁾Chiffres précis : 47 000 foyers, 42 Md€ au total., et 2,7 M€ et plus⁽²⁾Chiffres précis de 2016 : 47 000 foyers, 187 Md€ au total ou 2 % de patrimoine total français..

Ainsi, 9 900 foyers font, en 2022, partie et des THR et des THP. Au total, le nombre de foyers qualifiés de très aisés s’élève à 74 500 sur un total de 40 700 000. C’est donc une minorité qui profite d’un système économique caractérisé par une extrême inégalité.

Répartition géographique et générationnelle

Les très aisés résident en grande partie en Île-de-France (près de la moitié). Ils sont plutôt âgés, soit plus de 60 ans (53 %). Ils sont de plus plutôt mariés, pacsés et sans enfants à charge. Est-ce à dire que la fortune incite à demeurer en couple ?

Impact certain de mesures législatives

En 2018, l’instauration par le pouvoir macroniste d’une imposition des revenus du capital au travers d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 % a occasionné une envolée des très aisés de +27,8 % et la reprise économique après la crise sanitaire de +23,1 % en 2022⁽³⁾Selon le fichier des déclarations sur les revenus de 2003 à 2022.. Les tableaux statistiques donnent une indication fiable des évolutions des 0,1 % les plus riches, évolution marquée par une dynamique favorable importante. Tout ceci indique clairement que les réformes économiques, les remises en cause du droit du travail durant la présidence Macron ont bénéficié aux plus riches sans que cela dynamise l’économie française, qui demeure toujours atone.

Déficit budgétaire : faut-il taxer les plus riches ?

La prédation des actionnaires sur les entreprises avec des hausses indécentes de la rémunération des actions montre clairement une déconnexion entre les intérêts boursiers et les intérêts de l’ensemble de la population, des travailleurs. Pire, cette prédation joue contre l’économie réelle. Il s’avère que, dans les très grandes compagnies, les actionnaires sont bichonnés contre la vitalité de l’entreprise. Il existe des antidotes à l’ogre actionnarial. Ainsi, la loi Pacte de 2019⁽⁴⁾Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) vise à lever les obstacles à la croissance des entreprises. La loi PACTE a également pour objectif de mieux partager la valeur créée par les entreprises avec les salariés. Elle permet aussi aux entreprises de mieux prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux dans leur stratégie, du moins sur le papier., bien que très limitée, a eu pour effet d’augmenter le nombre d’administrateurs salariés. Des études montrent que cela a eu pour conséquence de limiter la distribution de dividendes⁽⁵⁾Sources : travaux de recherche de Cécile Cézanne et Xavier Hollandts https://www.fas.asso.fr/grand-prix-recherche/prix-fas-2022-de-la-recherche-academique-sur-lactionnariat-salarie-appel-a-travaux-de-recherche/.. Il faudrait imaginer d’autres modes de gestion pour amplifier cet effet positif. L’affectation trop importante des richesses créées par le travail à destination des seuls actionnaires, détériore les capacités productives et d’innovation des entreprises et provoque instabilité de l’emploi, inégalités de revenus et chute de la productivité.

Un chantage indécent

Nombre de très grandes entreprises françaises, selon certaines études, consacrent plusieurs mois d’activité à rémunérer exclusivement les actionnaires. Le champion en la matière est LVMH de Bernard Arnault, première fortune du pays. Total Energie n’est pas en reste avec 14,5 milliards d’€ aux actionnaires, soit près des ¾ des profits réalisés en 2023⁽⁶⁾Lire l’article de Marianne https://www.marianne.net/economie/14-5-milliards-d-euros-aux-actionnaires-de-totalenergies-offrons-a-patrick-pouyanne-la-palme-de-la-generosite.. Cela n’empêche pas Bernard Arnault de monter au créneau afin de s’opposer à l’effort pour participer, si peu finalement, mais c’est encore trop, au redressement des comptes publics. C’est d’autant plus ignoble que lui et ses pairs ont contribué à la dégradation des finances publiques en se jouant de l’impôt, en pratiquant l’optimisation fiscale, euphémisme pour désigner l’évasion éponyme.

Dans ces milieux, avec le soutien des dévots de la pensée unique néolibérale et néoconservatrice, il est de bon ton de parler de l’ogre fiscal qui serait confiscatoire⁽⁷⁾https://www.gaucherepublicaine.org/respublica/propagande-antifiscale-ou-lantienne-reprise-par-emmanuel-macron-le-14-juillet-2020/7416010. et de passer par perte et surtout profit l’ogre actionnarial. La réalité est que la moitié la plus pauvre de la population française voit partir en moyenne 45 % de son revenu en prélèvement obligatoire et que cela s’abaisse à 35 % pour les 0,1 % les plus riches. 45 % paraissent énormes si l’on n’oublie qu’une grande partie nous revient sous forme de redistribution au travers du financement des écoles, de la défense nationale, de la sécurité publique, des hôpitaux, de remboursements de soin… même si cela est insuffisant.

Le cas Monet : autre illustration de l’indécence du niveau d’inégalités sociales

Cet artiste⁽⁸⁾Lire l’excellent article de Chloé Elbaz in Marianne n° 1456. qui a tiré le diable par la queue durant une grande partie de sa vie voit son œuvre artistique servir de source de profit en cette période où le capitalisme transforme tout en marchandise. Ainsi, la série monomaniaque « Les Meules » est partie pour 81,4 millions d’€, des eaux de parfum « La fleur de Claude » sont vendues 59 € le flacon, le parapluie « Nymphéas saules » 30 €, les sacs Masters ornés des « Aquatiques fleurs » de Louis Vuitton 7 574 €… Le même phénomène mercantiliste qui éloigne de la pensée artistique se confirme avec nombre d’autres artistes méconnus de leur vivant et adulés après leur mort. Les achats à coup de millions de ces chefs-d’œuvre démontrent l’inanité de ces milliardaires qui poussent les hauts cris lorsque l’on envisage d’égratigner leur immense fortune.

Taxer les Très Hauts Revenus et les Très Hauts Patrimoines : un moyen efficient

L’entreprise est un collectif rassemblant travailleurs, entrepreneurs, possesseurs de capitaux, puissance publique. Il est insensé que le pouvoir soit réservé aux seuls possesseurs de capitaux. Il faut imaginer une démocratie sociale qui donne toute sa place aux travailleurs dans l’intérêt à long terme des entreprises en particulier et de l’économie du pays en général.

Taxer les très hauts revenus n’est pas, contrairement à l’affirmation sous forme de chantage d’un Bernard Arnault, aberrant. En effet, cela permet de donner les moyens à la puissance publique d’orienter vers la productivité bien conçue, vers l’investissement dans l’avenir, vers une meilleure répartition des richesses les sommes gaspillées en rémunération indue des très gros actionnaires. « C’est l’accroissement immense des dividendes captés par l’actionnariat qui empêche les entreprises d’investir beaucoup plus et non pas le niveau des salaires ou des impôts »⁽⁹⁾Thomas Guénolé in « Antisocial. La guerre sociale est déclarée »..

C’est un moyen parmi d’autres de redonner de la marge pour l’investissement productif, pour revitaliser l’économie réelle. Seule la création de richesses dans le respect des grands équilibres écologiques permettra d’assainir la situation budgétaire et d’améliorer celle des ménages et des salariés.