Ciné-club : Jimmy’s Hall, de Ken Loach

Ce film dont l’action se situe dans l’Entre-deux-guerres en Irlande, bien que relatant une réalité empreinte d’obscurantisme religieux dans la première moitié du XXe siècle, nous parle encore aujourd’hui à bien des égards. Sorti en 2014, il a été diffusé sur Arte récemment, le 12 novembre 2021.

Obscurantismes religieux vs émancipation et universalisme

L’opposition du clergé a été justifiée pour les raisons principales suivantes :

  • Le choix des livres doit être validé par le curé.
  • L’éducation est la prérogative unique de l’Eglise.
  • Etc.
affiche du film "Jimmy's Hall" (La salle de danse)

Le reproche vient aussi du fait que l’animateur principal du local est un militant ouvrier qui vise l’émancipation de toutes et tous et tout particulièrement des paysans et ouvriers au travers d’un lieu d’enseignement, d’échange et de culture. Il est mis en cause car, au même moment, à Belfast, une manifestation ouvrière monstre s’est déroulée unissant travailleurs catholiques et protestants qui, ainsi, se moquaient des clivages religieux pour défendre leurs intérêts de classe communs. Cela, pour le clergé catholique et protestants, était impardonnable.

Lors du procès politique de ce militant, sa mère déclarait qu’elle était fière d’avoir donné à son fils des livres qui lui ont permis de développer son esprit critique, sa prise de distance avec les dogmes religieux, sa capacité de réflexion.

Communautarismes, replis identitaires et ultralibéralisme : même combat

Cela fait écho avec la situation actuelle dans certains quartiers où la soumission aux dogmes religieux les plus intégristes devient la règle, divisant toutes celles et tous ceux qui ont intérêt à mettre fin à l’oligarchie financière et ses valets politiques qui s’appuient sur l’exploitation de l’être humain quelles que soient son origine, sa religion, la couleur de sa peau, sa culture…

Ce communautarisme et le repli sur des identités fermées sont pain bénit pour les tenants de l’économie-monde ultralibérale ou néoconservatrice. En effet, le système économique ultralibéral se moque des Etats, des frontières, des règles.  Il s’attaque aux solidarités et aux protections collectives, s’accommode parfaitement de cette pseudo-démocratie identitaire dans laquelle le particulier éclipse l’universel. Le combat laïque est aussi un combat social. En oubliant l’un on affaiblit l’autre, et vice versa. Une société déchirée assigne les gens à résidence communautaire.(1)«La conception universaliste et républicaine incite […] à suspendre les différences – non pas de façon absolue, mais dans le cadre civique de la citoyenneté – pour arriver à une forme d’égalité qui ne renvoie pas systématiquement les individus à un collectif d’appartenance autre que la qualité de citoyens», selon Nathalie Heinich citée dans l’article récent « Pour un universalisme concret de B. Teper ». Le communautarisme le plus en pointe dans ce domaine est l’islamisme radical ou politique qui tente d’essentialiser les musulmans, y compris celles et ceux qui ne veulent pas être réduits à une religion.

Le combat laïque est aussi un combat social. En oubliant l’un on affaiblit l’autre, et vice versa. Une société déchirée assigne les gens à résidence communautaire.

Ne nous leurrons pas : tous les reculs de la République sur ses principes universels dont la laïcité, la liberté de conscience, la liberté d’expression, la liberté de critiquer les religions ou toute autre idéologie politique… sont des brèches dans lesquelles les autres religions seront tentées de s’engouffrer.

Le combat pour une République authentiquement sociale et laïque est toujours et encore plus d’actualité. Privilégier un aspect par rapport à l’autre est le meilleur moyen d’affaiblir les deux combats.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 «La conception universaliste et républicaine incite […] à suspendre les différences – non pas de façon absolue, mais dans le cadre civique de la citoyenneté – pour arriver à une forme d’égalité qui ne renvoie pas systématiquement les individus à un collectif d’appartenance autre que la qualité de citoyens», selon Nathalie Heinich citée dans l’article récent « Pour un universalisme concret de B. Teper ».