AVEC LE PARTI POPULAIRE, LA DROITE GARDE LA MAJORITÉ ABSOLUE EN GALICE

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Le 18 février 2024, les élections ont eu lieu dans la communauté autonome de Galice. Ces élections sont intervenues six mois après les élections législatives du 23 juillet 2023, dont le dénouement surprenant impacte encore la vie politique en Espagne, mais aussi les échéances locales de ce pays.

Pour rappeler les faits : le parti populaire (PP) est arrivé en tête au niveau national, mais a été dans l’incapacité de former un gouvernement. Quant au parti socialiste ouvrier espagnol de Pedro Sanchez (PSOE), il est parvenu à former un gouvernement, grâce à un accord avec les indépendantistes catalans. Respublica a d’ailleurs rendu compte de tous ces éléments politiques dans les articles sur ce sujet, publiés cette année(1)https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-monde/respublica-europe/lespagne-resiste-de-justesse-a-lextreme-droitisation/7434403?amp=1 et https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-monde/respublica-europe/accord-espagne-catalogne/7435064?amp=1..

Ces élections en Galice sont donc riches d’enseignement pour l’Espagne qui va connaître, jusqu’aux élections européennes, deux autres élections dans les communautés autonomes de Catalogne et du Pays basque.

Élections anticipées : l’origine d’une campagne électorale tendue

Les élections des communautés autonomes sont d’une manière générale importantes, car la constitution de 1977 d’une part, et la loi organique du 6 avril 1981 sur le statut d’autonomie pour la Galice d’autre part, prévoient des prérogatives régionales au niveau législatif, institutionnel, administratif, judiciaire et culturel.

Le Parlement de Galice, que l’on appelle aussi, la Xunta, était présidé par Alfonso Rueda (PP), qui a décidé d’anticiper les élections de quelques mois, pour profiter du trouble engendré par la proposition de la loi d’amnistie. Cette proposition de loi d’amnistie a été utilisée durant toute la campagne par le PP, pour conserver une majorité absolue en Galice, terre historiquement de droite.

Mais dans la dernière ligne droite de la campagne, cette stratégie s’est retournée contre le parti populaire. En effet, la presse a révélé qu’Alberto Núñez Feijóo, chef du parti populaire PP, avait un temps envisagé d’accorder une grâce à l’ancien président régional catalan Carles Puigdemont (Junts per Catalunya), promoteur du référendum séparatiste d’octobre 2017, s’il se rendait à la justice espagnole et promettait de ne plus soutenir l’indépendance de la Catalogne : un rebondissement pour le moins inattendu lorsque l’on sait que le parti populaire et le parti d’extrême-droite Vox organisaient dans toute l’Espagne des manifestations contre ce projet de loi d’amnistie. Cet épisode a relancé la bataille des droites entre le parti populaire et Vox.

Relations tendues : Vox et PP

Les révélations de la presse sur les intentions du PP d’envisager, lui aussi, l’amnistie ont permis à Vox de s’engouffrer dans cette faille, en criant à la « trahison de la Nation ». Il faut dire que plus tôt dans la campagne, Alfonso Rueda, candidat à sa réélection en Galice, interrogé sur un éventuel accord avec VOX, a répondu : « Cela n’arrivera pas, car Vox ne sera pas représenté au Parlement Galicien ». Pour le PP, le vote utile, c’était eux et Vox ne pouvait avoir de siège. L’enjeu était de taille, car le vote Vox pouvait empêcher le PP de retrouver une majorité absolue et même ouvrir la porte de la présidence du parlement régional à l’adversaire principal, c’est-à-dire au Bloc Nationaliste Galicien (BNG), le parti nationaliste de gauche.

Vox était alors sur la défensive : « Rueda poursuit la campagne du 23 juillet (23j) de Feijoo qui vise à faire campagne contre Vox », écrivait à l’époque Santiago Abascal, le chef du parti extrémiste, sur les réseaux sociaux. Mais Vox, au niveau régional, a eu bien du mal à constituer une liste. À un mois et demi du scrutin, le parti d’extrême droite n’avait toujours par de leader pour mener la bataille électorale. Dans un premier temps, Vox a pensé présenter Manuel Fraga Pedroche, petit-fils de Manuel Fraga Iribarne, l’ancien ministre franquiste, fondateur d’Alianza populaire (ancien nom du Parti Populaire) et président de la Xunta de 1990 à 2005. Finalement, ce sera Álvaro Diaz-Mella, dernier candidat à la mairie de Vigo, qui avait dirigé la liste de Vox pour la province de Pontevedra. Mais les résultats pour Vox furent très décevants puisque le parti d’extrême droite n’a obtenu au final que 2,19 % !

Pourtant, ce parti avait un programme : pour Vox, le cheval de bataille pour cette campagne était linguistique. La formation d’extrême droite l’assure : l’espagnol est discriminé en permanence dans l’école, l’administration ou la culture. Sa cible préférée fut le secrétaire général de la politique linguistique de la Xunta et coordinateur du programme électoral du PP pour le 18 février (date des élections), Valentin Garcia. Il accuse celui-ci de flirter avec le nationalisme et de promouvoir le BNG. Il a proposé l’abrogation de la loi sur l’égalité effective entre les femmes et les hommes. Vox a fait campagne à sa manière, en se montrant avec les ultra-conservateurs en Amérique latine contre l’avortement. Vox s’est opposé également à l’accord entre la PSOE et le PP pour remplacer le terme « handicapé » par « personne handicapée » dans la Constitution. Vox a obtenu 80 000 voix en Galice aux élections nationales du 23 juillet.

La gauche en déconfiture

Le revers de Podemos aux élections régionales et municipales du 28 mai 2023 a contraint le parti à rejoindre — pour les élections nationales et au dernier moment — la plateforme de Yolanda Diaz, Sumar : une plateforme qui se composait de plusieurs partis de gauche, communiste, écologiste et où finalement Podemos apparaissait comme un parti parmi d’autres. Ce ralliement à ce rassemblement de circonstance fut vite considéré comme une impasse pour la secrétaire générale de Podemos, Ione Belarra. Un sentiment qui se confirma rapidement par l’absence de portefeuille ministériel dans le gouvernement de Pedro Sanchez (PSOE).

La mise à l’écart de Podemos du Gouvernement espagnol n’a pas amélioré les choses au sein du rassemblement, bien au contraire. La rupture de Podemos avec la plateforme Sumar a entraîné sa sortie de la coalition gouvernementale. Les cinq députés de Podemos ont rejoint le groupe mixte du congrès, un groupe parlementaire indépendant, une semaine après l’ouverture de la législature. Lors de l’annonce de Sanchez Serna, porte-parole de Podemos au congrès, celui-ci a fait le constat « qu’il est difficile de faire de la politique avec Sumar ». Signalons que les députés de Podemos ont tout de même obtenu des postes au parlement, comme, par exemple, plusieurs présidences et vice-présidences de commissions du Congrès national. Ce fut le résultat du soutien favorable de Sumar au gouvernement socialiste. Lilith Verstrynge a été nommée vice-présidente de la Commission des Affaires étrangères, Noemí Santana présidente de la Commission des droits sociaux et de la consommation et Martina Velarde vice-présidente de la Justice.

Cette rupture au niveau national a eu pour conséquence d’empêcher une liste commune pour les élections régionales du 18 février 2024 en Galice. La base de Podemos Galice a rejeté l’accord préalable que la direction de son parti a conclu avec celle de Sumar.

Marée blanche : le seul élément local de campagne

Le seul élément vraiment saillant et régional de cette campagne électorale concerna le sujet de la « marée blanche ». Il s’agit d’une pollution qui s’est caractérisée par la dérive de millions de microbilles en plastique : en tout vingt-six tonnes ! Cette « marée blanche » est la conséquence de la perte par un navire avec pavillon de complaisance de sa cargaison. Cette catastrophe écologique intervient vingt-et-un ans après la pollution du pétrolier « Prestige » sur les plages de Galice et a obligé les autorités locales à déclarer l’état d’urgence environnemental, qui a commencé à la mi-décembre. Mais le parti populaire au pouvoir en Galice a clairement montré dans cette crise le peu d’intérêt qu’il porte pour l’écologie.

Résultats des candidats : ils rentrent à la Xunta

À la tête du Parti Populaire (PP) de droite, Alfonso Rueda Valenzuela a reconnu que le bilan pour son camp est mitigé. En effet, son parti perd deux sièges par rapport aux élections de 2020, mais il conserve la majorité absolue avec 40 sièges.

Ana Pontón, cheffe du BNG (Bloc nationaliste galicien), peut avoir le sourire. À quarante-six ans, elle est députée depuis l’âge de vingt-sept ans. Depuis 2016, elle est à la tête du BNG, qui est redevenu avec elle la première force d’opposition en Galice. Le BNG obtient 25 sièges, soit six de plus que lors des dernières élections. Ce parti nationaliste de gauche est en progression constante à chaque élection. Visiblement, il rassemble aujourd’hui la grande majorité des électeurs de gauche.

Pour José Ramón Besteiro, leader du PSDEG-PSOE (parti socialiste de Galice — parti socialiste espagnol), la situation est grave : la formation a désormais neuf sièges au lieu de quatorze en 2020.

Pour Armando Ojea, responsable du parti populiste de droite Democracia Ourensana (DO), le bilan est positif puisque son organisation entre au parlement régional et va participer au gouvernement de la Galice.

Quelques leçons à tirer de ce scrutin régional

L’enseignement majeur de ces élections est la désunion de la Gauche, pire sa division conflictuelle. En effet, le rejet d’un accord électoral entre les directions de Sumar et de Podemos par les adhérents de Podemos Galice est un échec pour la gauche : un accord rejeté, après – notamment — la suggestion de Pablo Iglesias de soutenir BNG. En ce qui concerne le Parti socialiste de Galice, celui-ci reste au parlement de Galice, mais perd cinq sièges.

Le seul parti qui améliore son nombre de sièges est le parti nationaliste Galice, le BNG. Un parti qui a inquiété le parti populaire, ce dernier ayant bien cru perdre sa majorité absolue. En Galice, il n’a toujours pas besoin d’alliés pour gouverner et, dans cette région, Vox a heureusement du mal à exister.

Le point clé à retenir dans ses élections est l’importance de l’ancrage électoral. En effet, Ana Pontón (BNG) et Alfonso Rueda Valenzuela (PP) bénéficient d’une longue implantation en Galice.

Lors de son discours d’investiture au Parlement de Galice, Alfonso Rueda Valenzuela (PP) a fait une critique systématique du Gouvernement espagnol de Pedro Sanchez. Ana Pontón a dit — à juste titre — que le PP n’avait pas de programme pour la Galice et que Rueda serait l’otage de Feijóo, le président du Parti populaire.