Pepe Mujica, la politique avec un grand P

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José Mujica en 2023. Par Palácio do Planalto from Brasilia, Brasil — 13.07.2023 - 59º Congresso da União Nacional dos Estudantes – UNE, CC BY 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=152143232

ReSPUBLICA, avec la plume efficace et poétique de Lucho, tient à rendre un hommage mérité à Pepe Mujica. Membre du parti de gauche Frente Amplio, issu d’un milieu modeste de paysan, il a été un modèle d’intégrité qui dénote dans un monde politique de plus en plus sous la domination d’une oligarchie financière. Il se voulait au service du peuple et non à la recherche d’une sinécure, d’une place privilégiée.

Jose « Pepe » Mujica est mort le 13 mai 2025, à Montevideo. Bien des articles ont évoqué cet ex-président de l’Uruguay, dont l’un, excellent, dans le Monde sous la plume du sociologue Denis Merklen, directeur de l’Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine(1)https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2025/05/13/jose-pepe-mujica-ancien-president-de-l-uruguay-et-grande-voix-de-l-amerique-latine-est-mort_6605847_3382.html.. Ce portrait très sensible trouvera pour ceux qui s’y intéressent un complément avec le film d’Alvaro Brechner « La Noche de 12 años » (2018), qui retrace les douze années d’enfermement total imposé à Mujica et à ses camarades par le régime autoritaire au pouvoir en Uruguay, de 1973 à 1985.

La dictature qui les a torturés n’a pas pu les tuer, mais voulait les faire devenir fous. Pari perdu. Mujica, à sa libération, s’est mué en un phénomène politique. Il a transformé le mouvement révolutionnaire des Tupamaros, dont il était un élément moteur, en parti politique qui a pris de l’ampleur jusqu’à permettre à Mujica d’être élu à la présidence de la République. Durant son mandat, de 2010 à 2015, il a transformé durablement l’Uruguay, et sa pensée politique s’est portée hors des frontières, en Amérique latine et jusqu’en Europe.

Mujica n’avait pas besoin d’experts en communication pour savoir s’adresser aux gens, et ses propos parlent mieux que tout ce que l’on peut dire aujourd’hui de lui. Quelques exemples :

« Si nous nous mettons à consommer comme un Américain moyen, il nous faudra trois planètes pour pouvoir vivre ».

« On nous présente un monde en pleine croissance mais dans le fond, il s’agit d’une bombe à retardement contre la nature et contre l’humanité pour le futur ».

« Et les jeunes doivent savoir : c’est que la vie t’échappe minute après minute et tu ne peux pas aller au supermarché acheter de la vie ; lutte pour la vivre ».

« Je suis un vieux très proche du départ d’où on ne revient pas, mais je suis heureux parce que vous êtes là. Quand mes bras s’en iront, il y aura de milliers de bras pour continuer la lutte pour toujours ».

« L’unique lutte qui se perd est celle que l’on abandonne ».

Nous aurions pu continuer à l’écouter, sans nous lasser, des heures et des heures. C’était un géant de la politique et un militant qui savait toucher la conscience de chacun, quel qu’il soit, militant ou non, jeune ou vieux, femme ou homme, Uruguayens et citoyens du monde.

Un homme libre était parmi nous.

Il nous laisse en héritage une belle caisse à outils, ne les laissons pas rouiller.           

Hasta Siempre, Pepe.