Inclusion : parlons-en !

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La scolarisation des enfants porteurs de handicap est inscrite dans le projet de l’école inclusive. Elle concerne plus de 436 000 élèves, soit 3,6 % des élèves et plus 132 000 AESH. Derrière les beaux discours, parfois culpabilisants envers les enseignants, se cache une réalité bien plus difficile. Raoul, instituteur en RASED (les RASED sont les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ils rassemblent des psychologues et des professeurs des écoles (instituteurs) spécialisés. Ils sont membres à part entière de l’équipe enseignante des écoles où ils exercent et ils interviennent auprès des élèves de la maternelle au CM2, en classe ou en petits groupes) en témoigne dans l’article qui suit.

 

Hortense Colère

Quand des structures spécialisées annoncent qu’elles ne peuvent pas prendre tel enfant parce qu’il est trop dur, il ne reste qu’un seul recours : l’école(1)Raoul parle de l’école publique. Parfois des établissements privés récupèrent, parfois dans de meilleures conditions, certains enfants porteurs de handicap, dont les parents ont les moyens….

Accueillir des enfants sans aucun moyen supplémentaire, sans formation pour les enseignants et enseignantes sur les pathologies, les handicaps, sans aménagement des locaux, dans des classes déjà surchargées, c’est envoyer tout le monde au casse-pipe. Les parents ne sont pas informés de la réalité des écoles, l’Éducation nationale ne communiquant que sur un seul point : votre enfant a droit à la scolarisation. Rien n’est dit des conditions réelles d’accueil.

C’est une hypocrisie sans nom : le ministère fait miroiter aux familles en détresse que leur enfant sera bien accueilli. Et, malgré toute la bienveillance des équipes enseignantes, faire face au handicap s’apprend.

De nombreuses soignantes savent, et disent que tous les enfants ne peuvent pas aller à l’école, que leurs pathologies peuvent être telles que se retrouver dans un grand groupe d’enfants ne fera que renforcer leurs difficultés.

Mais les structures spécialisées ferment les unes après les autres, faute de moyens et victimes de choix politiques ; il ne reste alors que l’école en termes d’accueil. Coûte que coûte, sans moyen humain ni financier. Il est évident que la prise en charge d’un enfant à l’école coûte bien moins cher que dans un institut spécialisé. À l’école, il y a une enseignante et, très éventuellement, une AESH(2)Accompagnants d’élèves en situation de handicap.. Dans une structure spécialisée, c’est tout un staff médical, paramédical, social, éducatif, soit plusieurs personnes qualifiées pour un seul enfant.

Les postes d’AESH ne sont qu’un pansement sur une jambe de bois et sont considérés comme LA solution à la scolarisation des enfants handicapés. C’est une véritable honte : on sous-emploie des gens souvent dans la précarité, sans véritable statut, pour un salaire bien en deçà du SMIC, à temps partiel, sans formation. Cela montre l’intérêt qui est porté au handicap par nos dirigeants et c’est d’une violence extrême.

Le rôle d’AESH mérite bien plus que ce mépris de classe : si on veut arrêter de ne compter que sur la bienveillance, il faut former les personnels, leur octroyer un véritable statut dans un métier reconnu et payé en conséquence.

Inclure un enfant, ce n’est pas que l’inscrire à l’école et dire qu’il ira dans telle classe. C’est tout un projet qu’il faut mettre en route et cela doit se préparer conjointement avec les familles, l’école et les services de soins et de santé compétents. C’est un gros travail en amont qui ne se fait jamais. Le plus souvent, il n’y a qu’un entretien entre la famille et la directrice/le directeur. Pourtant, en fonction de la pathologie, du handicap, il faut de la préparation, une formation des personnels, des moyens humains et financiers, des locaux adaptés. Tout ceci afin d’éviter de commettre des erreurs qui peuvent avoir de lourdes conséquences pour tout le monde.

Oui, nous devons avoir une école réellement inclusive au bénéfice des enfants pour qui ce sera vraiment utile, avec des perspectives réelles et un vrai projet.

L’école, actuellement, ne fait qu’accueillir, dans des conditions bien souvent catastrophiques, des enfants en souffrance. Et elle ne fait que rajouter de la souffrance à la souffrance, lorsqu’il n’y a pas l’AESH prévue (malgré la notification de la Maison du handicap qui attribue des heures d’accompagnement), lorsque l’enfant arrive dans une classe surchargée, lorsque la même classe accueille plusieurs enfants porteurs de handicap parce qu’il faut « mutualiser » l’aide et qu’il faut gérer la pénurie d’AESH.

Comment faire pour un enfant qui a besoin de la présence permanente d’un adulte auprès de lui lorsque l’enseignant se retrouve seul avec 25 à 30 autres enfants ? Et quel sentiment d’impuissance l’enseignant peut-il ressentir face à cette difficulté insurmontable ? Et comment justifier la mise en danger des adultes des écoles lorsqu’un enfant rentre en crise, et se met à violenter les personnes autour de lui ? Et dans quels désarroi et détresse plonge-t-on les familles lorsqu’on leur annonce que leur enfant ne peut pas être scolarisé dans de telles conditions, sous peine de se faire du mal ou faire du mal aux autres ? Quelle solution de repli offre-t-on à ces familles ? Toutes ces questions ne trouvent aucune réponse de la part de l’administration de l’Éducation nationale, aucun soutien autre que celui de répondre : « On cherche à recruter des AESH, mais il n’y a pas de candidats » ! Et pour cause…

L’école n’est pas une garderie pour enfants handicapés qui n’ont de place nulle part. Elle ne doit pas pallier les carences de l’État en matière de traitement du handicap.

L’inclusion implique une véritable politique publique en faveur du handicap et un regard autre que celui, hypocrite, de l’Éducation nationale.

L’inclusion implique une véritable politique publique en faveur du handicap et un regard autre que celui, hypocrite, de l’Éducation nationale. Derrière les belles paroles de la loi de 2005(3)La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées., rien, ou si peu, n’a suivi dans le regard porté sur celui-ci. Le discours est faussé sciemment : affirmer que les enfants porteurs de handicap doivent avoir les mêmes droits que les autres, c’est finalement nier leurs spécificités et les mettre dans les mêmes conditions que les autres enfants, c’est-à-dire les mettre dans des groupes de 20 à 35 enfants, sans plus de précautions. C’est les noyer dans la masse, sans moyens pour les stimuler, sans objectifs précis pour les faire avancer. C’est, finalement, bien souvent les envoyer dans le mur, avec les enseignants, la classe et les familles…

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Raoul parle de l’école publique. Parfois des établissements privés récupèrent, parfois dans de meilleures conditions, certains enfants porteurs de handicap, dont les parents ont les moyens…
2 Accompagnants d’élèves en situation de handicap.
3 La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.