Enseignants : les raisons de la colère

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Logo cerclé de rouge d'un poing brandi tenant un stylo, "L'éducation en colère" Les enseignants sont en colère ; salaires, conditions de travail

Alors que la proposition d’Anne Hidalgo bouscule la rentrée politique, tout souligne, en septembre 2021, le mépris qu’a été le #grenelledelahonte(1)Nom donné au « Grenelle de l’Éducation » par les enseignants.. Le Covid-19 poursuivant son inexorable et mortel chemin à travers le monde, quel bilan faire de cette rentrée, la deuxième par temps de pandémie, dont se félicite, comme d’habitude, Jean-Michel Blanquer ?

L’imposteur de la rue de Grenelle

Forts de leur unique compétence (la com’), notre ministre et ses sbires ont claironné partout qu’ils étaient les seuls à avoir autant augmenté les professeurs. Le résultat est sans rapport avec ces déclarations farfelues : 56 euros pour à peine 20 % des professeurs et rien du tout pour 40 % d’entre eux. Les 40 % restants doivent se contenter des maigres 29 euros par mois : c’est la « revalorisation historique » de MM. Macron et Blanquer !

Pire, M. Blanquer s’est félicité de rendre 200 millions d’euros du budget de l’EN à Bercy, pactole accumulé notamment grâce à nos journées de grève, plutôt que de le verser aux salaires ou aux moyens. En bref, le ministre de l’Éducation devrait apprendre à compter ou à lire, nos fiches de paye par exemple. Mais son éducation jésuitique ne lui a appris qu’à mentir.

Si les promesses n’engagent que ceux qui y croient, les Stylos rouges et l’ensemble des collègues saluent la proposition d’Anne Hidalgo de doubler les salaires des professeurs et des personnels au contact des élèves. Cette proposition, déjà faite par Marie-Noëlle Lienneman lors de notre rencontre au Sénat il y a deux ans, a le mérite de remettre l’accent sur les salaires après trente ans d’une occultation volontaire, bien malheureusement, de cette question majeure par la plupart des syndicats enseignants, souvent dirigés par des professeurs en fin de carrière n’ayant pas connu l’effondrement de notre traitement et donc de notre pouvoir d’achat, ou n’en ayant pas conscience.

Plus d’élèves par classe, en plein Covid, des salaires indignes, un métier déclassé et qu’on ne veut plus faire, voilà le constat et les motifs sur lesquels s’assoit M. Blanquer.

Rappelons ici que les professeurs, en plus du gel quasi total du point d’indice depuis 2010, commun à tous les agents de la fonction publique, ont perdu au total 30 % de salaires depuis 1983. Ainsi, la demande des Stylos rouges d’augmenter nos salaires de 40 %, n’est qu’une demande de rattrapage de ce qui a été perdu, ce à quoi s’ajoutent des tâches supplémentaires souvent inutiles et bien entendu non rémunérées (tâches administratives, réunions plus nombreuses et plus longues, moins d’heures de cours par classe, donc plus de classes, plus d’élèves donc plus de copies et une gestion de la classe plus difficile car le comportement des élèves ne s’arrange guère…). Ces chiffres, même repris par M. Macron lors d’un débat sur les retraites – il s’agit des 10 milliards qu’il refuse de donner aux enseignants-, sont acceptés par tous.

Notre président ultra libéral s’est senti contraint d’augmenter un peu les personnels soignants à cause du Covid ; il craint la police qu’il arrose abondamment ; mais l’école, et ceux qui la rendent possible en premier lieu, sont encore abandonnés et oubliés. On ne craint pas les profs ; on ne les respecte pas non plus. L’éducation est la grande oubliée du plan de relance.

Un ministère avare, faisant dans l’économie de bout de chandelles

En plus de « rendre » de l’argent et donc d’en priver l’Éducation nationale, M. Blanquer se satisfait toujours du fait que notre métier n’attire plus faute d’un salaire attractif et de bonnes conditions de travail.
Ainsi, en juillet 2021, c’est 300 postes offerts au concours(2)http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/07/08072021Article637613208310402400.aspx qui n’ont pu être pourvus faute d’un niveau suffisant des candidats et la baisse du nombre de candidats au concours suit la courbe du nombre de postes offerts. Plus d’élèves par classe, en plein Covid, des salaires indignes, un métier déclassé et qu’on ne veut plus faire, voilà le constat et les motifs sur lesquels s’assoit M. Blanquer, à l’image de tous ses prédécesseurs depuis trente ans.
Faute d’attirer les meilleurs dans le métier, l’Éducation nationale voit arriver des professeurs qui ont de moins en moins le niveau, titulaires comme contractuels. La pénurie fait qu’on prend ceux qui se présentent. À force de répéter à l’envi qu’on n’a pas besoin d’être cultivé pour apprendre à lire à un enfant ou enseigner la littérature ou les maths à un adolescent, on finit par récolter ce qu’on a semé.

Autre économie indigne de notre ministère pour la énième année consécutive : de nombreux contractuels, payés environ 1 500 euros par mois, se voient licenciés pour les vacances d’été, histoire de ne pas leur payer les congés. Près de 2 500 professeurs contractuels dans la seule l’académie de Créteil ont ainsi encore cette année été licenciés en juillet 2021.
À ce jour, mi-septembre 2021, ce plan massif de licenciements déguisés se prolonge : dans nombre d’établissements dans tous les départements, il manque lors de cette rentrée plusieurs professeurs, en Maths, en Musique, en Lettres, en Physique, en Allemand, et Latin, etc. Et des contractuels au chômage ne seront probablement pas réembauchés avant mi-octobre. Comment économiser quelques millions, sans tenir compte du fait que les élèves n’ont pas cours et que les vies scolaires croulent sous les heures de permanence dès la rentrée. Quelle image désolante de l’École cela renvoie ! Comment alimenter la fuite vers le privé ? M. Blanquer sait y faire.

M. Blanquer poursuit par ailleurs sa politique d’économie augmentant mécaniquement le nombre d’élèves par classe. 1 800 suppressions de postes équivalents temps plein pour cette rentrée. À titre de comparaison, l’Italie a en urgence créé 70 000 postes pour la rentrée 2020 afin de diminuer le nombre d’élèves par classe en temps de Covid.

On casse le thermomètre pour masquer la fièvre

M. Blanquer affirme qu’ « on est dans une gestion de la situation qui ressemble à celle de l’année dernière ». Pour une fois il ne ment pas : rien n’est clairement prévu, tout est à minima, dépendant du bon vouloir des chefs d’établissement ou des déclarations des parents. Et comment parler de « gestion » quand ni le ministre ni ses courtisans, inspecteurs en tête, ne font que de la com’ et n’aident en rien à justement gérer l’école en temps de pandémie, et ce depuis deux ans !
Aucune mesure pour endiguer le Covid : toujours aucune distanciation en classe ni dans les locaux scolaires. La consigne principale reste de « brasser de l’air », art que maîtrise parfaitement notre ministre qui a tenu ces propos.
Qu’il s’agisse du Covid ou de la vaccination, nous sommes comme toujours tributaires des déclarations des parents qui n’ont aucune preuve à apporter.
Les fermetures de classe de primaire se multiplient – au moins 3 000 actuellement, de l’aveu même du ministre, alors qu’en collège et en lycée, le thermomètre a encore été cassé puisque les élèves vaccinés, cas contacts restent en classe. Ainsi, plus de classe fermée dans le secondaire.
En plus de créer un accès à l’école inégal selon le statut vaccinal des élèves de plus de 12 ans, on ne peut en aucun cas se fier aux chiffres fournis : vaccin ou Covid, il ne s’agit que de déclarations, sans preuve à apporter, de la part de parents qui depuis deux ans ont déjà trop souvent menti à ce sujet afin de ne pas avoir à garder leur enfant malade, propageant donc le virus pour des motifs difficilement acceptables.


Cette rentrée 2021 se déroule donc avec un thermomètre volontairement cassé, des salaires toujours très inférieurs à la moyenne de l’OCDE, à temps de travail quasi égal, quoi qu’en disent les « idéolâtres » libéraux, avec l’Allemagne par exemple. Nos classes sont plus chargées et manquent plus de professeurs après quatre ans de « réformes » de M. Blanquer. Le bac est au rabais, local, donné à tous (97,5 % de réussite !) et n’est plus national, tout comme le brevet.
Pourtant des solutions existent du côté des exonérations fiscales coûtant « un pognon de dingue » au pays depuis des années et sans rien lui rapporter. L’école et donc la formation des générations futures méritent mieux et plus que le mépris de ce ministre de passage. Nous n’attendons plus rien de lui depuis longtemps.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Nom donné au « Grenelle de l’Éducation » par les enseignants.
2 http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2021/07/08072021Article637613208310402400.aspx