Hypertension politique et sociale : les tâches de l’heure

Assassinat d’un dirigeant démocrate de gauche et situation incertaine en Tunisie ; en France feu nourri concomitant du Medef et de son allié la CFDT contre la CGT, mobilisation en France de la CGT et de FO suite à l’accord Medef-CFDT, attaque des médias dominants contre le droit de grève, le gouvernement français utilise le secteur public audiovisuel et son émission « C’est dans l’air » pour instruire le procès uniquement à charge contre la grève des fonctionnaires (aucun défenseur de la grève des fonctionnaires sur le plateau, trois néolibéraux sur trois intervenants et seul syndicat présent, l’UNSA qui n’avait pas appelé à la grève !), attaque en règle prévue du gouvernement contre la protection sociale solidaire sur 2013 (1)Financement, retraites, santé et assurance-maladie, perte d’autonomie, etc., nous entrons donc dans une période d’hypertension sociale et politique. Il est alors intéressant de voir qui est au front dans ces confrontations et de préciser les tâches de l’heure.

Il y a une alliance entre d’une part les néolibéraux et d’autre part des communautaristes et des intégristes. Notre tâche est donc de développer partout la stratégie du double front.

L’assassinat du secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié (PPDU), composante du Front populaire, Chokri Belaïd marque un tournant dans la transition tunisienne. Il arrive après de fortes tensions sociales et politiques. La veille de son assassinat, Chokri Belaïd dénonçait la légitimation de la violence politique par le mouvement Ennahda. Chokri Belaïd a souligné avec force que c’était là le sens concret de la solidarisation du Majlis Echoura (Conseil national) du mouvement Ennahda avec des éléments des Ligues de protection de la révolution (milices islamistes dépendant directement du parti islamiste) arrêtés dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat, le 18 octobre 2012, de Lotfi Nakdh, le coordinateur du mouvement Nidaa Tounes à Tataouine.

Dans le sillage de l’attentat du 6 février, très nombreuses sont les voix tunisiennes qui font porter la responsabilité de l’escalade de la violence au mouvement ultra-conservateur (crypto-islamiste) Ennahda. De nombreuses villes tunisiennes ont connu des manifestations populaires de condamnation de ce crime. Certaines de ces manifestations, marquées par une réelle colère, ont été ponctuées par des descentes dans les locaux du mouvement Ennahda. Les réactions dans les milieux populaires, au sein de l’opposition démocratique et de la société civile convergent vers la constitution d’un très large front républicain pour la défense de la transition démocratique et la ferme condamnation de la violence et de l’intolérance. Des exigences reviennent de manière récurrente :

  • Refonte du gouvernement pour, au minimum, soustraire les ministères régaliens au contrôle des partis de la troïka au pouvoir, sinon pour arriver à un gouvernement d’union nationale capable de traduire un large consensus.
  • Dissolution de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), qui a échoué dans ses missions, et dépassé la durée de son mandat.
  • Mise hors la loi de la violence, et sa dénonciation par l’ensemble des acteurs politiques.

Dans ce qui ressemble à une tentative de prendre de vitesse la mobilisation populaire qui s’annonce forte et unitaire, Hamadi Jebali s’est précipité pour annoncer son intention de constituer « un cabinet technocratique restreint ». Il a vite été déjugé par son propre mouvement qui dénonce « une proposition unilatérale qui n’engage que son auteur ». Ennahda semble encore convaincu des possibilités de maintenir et de prolonger le consensus issu de l’élection de l’ANC.

Les chances sont grandes pour que le large front objectif de condamnation de la violence politique et du discours ambivalent du mouvement Ennahda connaisse une formalisation rapidement en un Front National Démocratique qui donne un second souffle à la transition tunisienne. Vendredi, les obsèques nationales que l’opposition démocratique compte organiser pour Chokri Belaïd vont permettre de juger de l’ampleur de la colère populaire et de l’indignation de l’opposition démocratique, de la société civile et des intellectuels.

Le mouvement de Ghanouchi se trouve dans une posture où il lui est de plus en plus difficile de louvoyer sur la question de l’islam politique, et de la place de l’islamisme dans la société tunisienne. Son sort dépendra autant de l’ampleur du mouvement populaire que des positions qu’auront, dans les prochains jours, ses partenaires dans la troïka au pouvoir. Les deux partis « démocratiques » néolibéraux du Président de la République (Moncif Merzouki – Congrès pour la République) et du Président de l’Assemblée nationale (Mustapha Ben Jaafar – Ettakatoul) vont-ils continuer à soutenir le gouvernement islamiste et à lui servir de paravent « démocratique » ? Ou bien, feront-ils le choix de rejoindre le nouveau consensus National Démocratique tunisien qui se dessine ? Leurs positions découleront de leurs propres évaluations des rapports de force, mais aussi des conseils et orientations qui leurs seront prodigués par leurs mentors de l’Internationale Socialiste et dans les capitales occidentales.

Les évolutions en cours confirment la justesse des positions des mouvements sociaux et politiques tunisiens, avec qui nos échanges n’ont jamais cessé, qui n’ont eu de cesse de résister au chant des sirènes du néo-libéralisme mondial, qui promeuvent des solutions basées sur la conciliation entre l’autoritarisme du système dictatorial des oligarchies prédatrices en place, et la monté de l’intolérance et de la fascination islamiste comme moyen de contrôle des masses populaires. Les prochains jours tunisiens seront riches en évènements et en enseignements.

Nos tâches en France sont, par le développement de l’éducation populaire (voir www.reseaueducationpopulaire.info), de mieux comprendre les dynamiques en cours sur la rive sud de la Méditerranée. Ainsi nous pourrons susciter une compréhension pertinente de ces dynamiques et développer une solidarité efficace et active avec les forces de progrès en leur sein. C’est en nous acquittant de ces tâches que nous pourrons montrer aux salariés et aux citoyens, à commencer par les couches populaires d’ouvriers et employés, qu’il n’est pas possible de faire, au sein de la gauche, l’économie de la critique des attitudes et lectures complaisantes face aux communautarismes et aux intégrismes. Nous restons attachés au respect des principes édictés dans les articles 1 et 2 de la loi de 1905 pour tous les cultes religieux (donc y compris pour l’islam, les cultes chrétiens et juifs, etc.). Mais, nous ne pouvons être conséquents dans cet attachement qu’en combattant politiquement tous les intégrismes, dérives sectaires et/ou instrumentalisation des croyances religieuses, qu’ils soient dits « modérés » ou pas. Car il y a un continuum entre les communautarismes et les intégrismes, entre l’establishment catholique soutenu par le gouvernement socialiste et les intégristes catholiques, entre les islamistes « modérés » et les djihadistes (voir https://www.gaucherepublicaine.org/respublica/mali-algerie-sahel-sortir-de-la-confusion-entretenue/5781 .

La CFDT et le service public de l’audiovisuel participent à la campagne du Medef contre les grèves et les manifestations syndicales

Que le Medef critique la CGT, les grèves et les manifestations syndicales, disons que cela ne nous émeut pas outre mesure ! Cela est normal… Mais que la CFDT et le service public audiovisuel (sous un gouvernement socialiste…) relaie avec une telle complaisance les positions du Medef, là nous sommes à un tournant.
Dans le premier cas, le nouveau secrétaire général de la CFDT a osé faire porter la responsabilité des difficultés de l’entreprise Goodyear uniquement à la CGT pour l’unique raison que la CGT a demandé pour accepter un plan de restructuration le maintien de l’emploi pour cinq ans, cela est fort de café, non ?
Dans le deuxième cas, voilà que le seul interlocuteur syndical qui a eu le droit de s’exprimer dans l’émission d’Yves Calvi est un syndicat minoritaire de la fonction publique qui n’appelait pas à la grève. Alors que la majorité syndicale appelait à la grève le 31 janvier dernier dans la fonction publique.

Ce sont bien les salariés eux -mêmes et le mouvement syndical revendicatif qui sont aujourd’hui en première ligne du front. Notre tâche est donc d’expliquer cette nouvelle donne par une campagne d’éducation populaire (conférences publiques, stages de formation, cinés-débats, théâtre-forum, conférences populaires, conférences gesticulées, etc.). N’hésitez donc pas à nous contacter pour cela.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Financement, retraites, santé et assurance-maladie, perte d’autonomie, etc.