En deux mois, nous avons vécu l’élimination des principaux représentants politiques de l’oligarchie française : Sarkozy (loi HPST, européisme, augmentation du chômage, de la pauvreté et de la précarité, etc.) ; Juppé (attaque massive contre la Sécu en 1995, alignement sur les EU, etc.) ; Hollande (traité budgétaire, européisme, cadeaux au patronat, augmentation du chômage, de la pauvreté et de la précarité, attaques contre l’école, les services publics et la protection sociale, etc.) et son premier ministre Valls. Sans oublier Fillon, allié avec l’extrême droite catholique, qui est pris dans la tourmente.
Le simple rappel de leurs « exploits » néo-libéraux fait clairement apparaître que le problème n’est pas de changer les hommes, mais le système lui-même qui produit ce genre de personnages. Sinon les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Carambouilles et carabistouilles en tous genres
La primaire socialiste a désigné Hamon et, immédiatement, fleurissent les carambouilles et les carabistouilles en tous genres. Oubliés son aval au Traité budgétaire de l’UE, son refus de voter la censure du gouvernement, son européisme béat, son communautarisme débridé, etc. Quant à la potion magique du revenu universel qui passe pour une mesure de gauche, oublié le fait qu’en un mois il a changé trois fois de position sur cette mesure dont il a fini par avouer qu’il ne s’agissait en réalité que de faire du RSA une allocation universelle, toujours en dessous du seuil de pauvreté, étendue aux jeunes de 18 à 25 ans et distribuée à tous les ayants droit et non seulement à ceux qui la demandent.
Et Hamon ne dit rien sur les conditions de financement d’un tel revenu réellement universel, qui ne pourra que se réduire à une forme d’application de la proposition d’origine de Milton Friedman, l’impôt négatif, qui visait à tuer à terme l’extension des conquis sociaux de type Sécurité sociale.
Tout ce que l’on peut dire est que l’enthousiasme subjectif des masses pour cette fausse bonne idée est compréhensible en regard du mal-vivre grandissant, mais qu’il ne fait que traduire l’incapacité des organisations du mouvement syndical revendicatif et des partis et mouvements politiques de gauche à être à la hauteur des enjeux en termes d’éducation populaire et de lutte pour une nouvelle hégémonie culturelle.
Mais qu’à cela ne tienne, les instituts de sondage du système sont à la manœuvre. En 2002 dans les médias, Chevènement était crédité de plus de 15 % par instituts de sondage du système (alors qu’en aparté, les salariés desdits instituts disaient qu’il n’avait en fait jamais dépassé les 9 %) mais finit à 5 %… Et maintenant voilà qu’en réponse à la même question : « Si Hamon gagne la primaire… », celui-ci passe de 7 % avant sa victoire à la primaire socialiste à 18 % après le deuxième tour. Tout cela semble cousu de fil blanc et ne va pas redorer le blason de la crédibilité des instituts de sondage, qui sont des manipulateurs payés lorsque le vote est encore lointain…
Et voilà l’extrême gauche qui ressort la stratégie du front unique contre la droite et l’extrême droite avec le trio Mélenchon, Hamon, Jadot, sans dire sur quelles bases s’effectuerait ce pacte de gouvernement, sans dire lequel serait le candidat unique soutenu par les deux autres (alors qu’ils ont tous dit devant les médias que leurs bulletins seraient maintenus jusqu’au bout pour l’élection présidentielle). Et surtout sans dire, alors que nous sommes à deux mois et demi du premier tour de la présidentielle et qu’aujourd’hui la présidentielle et les législatives sont un seul et même enjeu politique, s’ils accepteraient de soutenir Valls, Ayrault, El Khomri et autres adeptes de la politique de Hollande aux législatives, même s’ils se plaçaient sous la bannière de Hamon pour celles-ci.
Avec une telle ambiguïté, nous voilà revenus au front unique derrière Hollande du deuxième tour de la présidentielle de 2012 pour éliminer Sarkozy. Sarkozy remplacé par Macron et nous voilà revenus à l’ancienne stratégie social-libérale de 2012. Nous savons depuis que Hollande a fait pire que Sarkozy tout simplement parce qu’une des lois tendancielles de cette séquence politique austéritaire veut que chaque gouvernement acceptant de gérer le système actuel soit obligé, quel que soit son président, de faire pire que le précédent, c’est-à-dire toujours plus d’austérité parce que le système, via ses lois tendancielles, ne peut survivre qu’en baissant la masse des salaires directs et du salaire socialisé.
Et la France insoumise dans tout cela ?
Encore plus qu’en 2012, Mélenchon mène une campagne dynamique. Les rassemblements sont massifs. Sa présence électronique fait de lui le Numéro 1 des personnalités politiques sur le web, avec sa chaîne Youtube et sa présence sur les réseaux sociaux. De tous les candidats assurés d’avoir les 500 signatures dans les conditions nouvelles dictées par Hollande, il est celui qui pratique le niveau de rupture le plus élevé avec le système. Mais est-ce suffisant pour tenter la qualification pour le deuxième tour de la présidentielle face à Macron qui serait le chouchou du système si Fillon continue de dévisser ? Notre réponse est non ! Nous en restons à ce que nous disions dans la dernière chronique .
Dans les réunions des groupes d’appui de la France insoumise, beaucoup plus de jeunes que dans les orgas traditionnelles, plus de monde également avec des questionnements nombreux sur le programme « L’avenir en commun » : « Quelle serait la question posée pour le référendum pour la constituante suite au déclenchement de l’article 11 ? », « Comment s’exercerait la démocratie dans l’entreprise », « Quel processus de réindustrialisation et de recherche-développement serait nécessaire », « Comment serait menée la lutte contre tous les communautarismes et intégrismes religieux y compris islamiste ? », « Quelle politique globale pour l’école, les services publics, la protection sociale ?», « Est-il crédible de perdre son temps pour négocier un plan A avec les dirigeants de l’UE sans fixer de limite à la négociation et sans tenir compte des rétorsions possibles ? », « Comment se préparer à un Frexit de gauche qui est bien plus difficile qu’un Brexit de droite ? », « Est-ce que le système d’organisation actuel de la France insoumise peut perdurer après la séquence présidentielle et législatives ? », « Est-il prévu des formations dans tous les départements ? », « Comment pouvons-nous financer nos initiatives locales ? », etc.
Tout cela montre que ce qui est important est la dynamique populaire que cela peut apporter ou non, le programme lui-même suscitant des interrogations légitimes. La question devient donc : est-ce qu’en dehors des points forts de la campagne de la France insoumise notés plus haut, la campagne de la France insoumise suscitera une dynamique populaire ?
L’éducation populaire refondée, la lutte pour une nouvelle hégémonie culturelle, plus que jamais !
Tenir une ligne de classe, travailler les conditions de la transformation sociale et politique, répondre aux questions formulées ici et là dans le mouvement social et politique, sous des formes diverses dont des formes de co-éducation, est une nécessité pour l’éducation populaire refondée. Pas de victoire dans le combat pour une nouvelle hégémonie culturelle sans la tâche centrale de formation et d’éducation populaire refondée aux fins d’armer intellectuellement les citoyens et les salariés pour les autonomiser par rapport à l’idéologie dominante. Comme un trépied qui ne peut pas tenir sur deux pieds, la transformation sociale et politique ne peut se réaliser uniquement avec l’action partisane et l’action syndicale (indispensables mais non suffisantes). Il manque le troisième pied du trépied : l’éducation populaire refondée. N’hésitez donc pas à contacter Respublica ou le Réseau Education Populaire et ses près de 400 initiatives par an !