Dans un tango endiablé, les deux organisations phares des dérives anti-laïques ont réagi simultanément. D’abord la Ligue de l’enseignement qui gère le blog « Laïcité » sur Mediapart en publiant un texte d’enseignants (suivi d’un appel à signer en faveur de l’abolition de la loi du 15 avril 2004), puis le Front national sous la plume d’un conseiller de Marine Le Pen. La première organise la publication d’un texte justifiant la position anti-laïque de la laïcité adjectivée (1)Les adversaires de la laïcité et de la République sociale ont commencé par combattre le terme « laïcité ». Quand ce ne fut plus possible, ils ont adjectivé ce mot (ouverte, plurielle, de reconnaissance, apaisée, etc ) pour pouvoir en changer la définition historique et le sens. ; le second la position anti-laïque d’un ultra-laïcisme favorable au cléricalisme catholique et hostile aux musulmans.
Voilà pourquoi nous publions ci-dessous le texte d’Henri Pena-Ruiz comme antidote à ces deux dérives mortifères. Nous rappelons qu’Henri Pena-Ruiz (2)Auteur d’un Dictionnaire amoureux de la laïcité récemment chroniqué ici. fut membre de la Commission Stasi.
D’abord des éléments d’une histoire largement oubliée par nombre d’organisations laïques. L’interdiction des signes religieux à l’école ne date pas du 15 mars 2004 mais du Front populaire, avec les circulaires de Jean Zay de 1936-1937 (3)Voir les textes, dans ce numéro : les deux premières concernent l’interdiction de signes politiques, en raison du port d’insignes des ligues d’extrême droite par certains élèves ; la dernière étend cette mesure aux signes religieux, remises à l’ordre du jour par le gouvernement issu du Conseil national de la Résistance. Dans la foulée des deux semaines de congés payés et des 40 heures obtenus par la grève générale des ouvriers et des employés, le ministre de l’Education nationale Jean Zay (4)Avocat, élu en 1932 député radical de la première circonscription du Loiret dès sa première tentative, à 27 ans. Il sera le plus jeune ministre de la IIIe République en 1936, avec le portefeuille de l’Éducation nationale. Il occupera ce poste jusqu’à la guerre. Il lance de profondes réformes de l’enseignement scolaire et technique, de la recherche, du droit d’auteur. Il propose la création de l’École nationale d’administration.
Il exerce également une tutelle sur les beaux-arts. Figurent parmi ses actions : une réforme des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale, les bibliobus, le développement du théâtre populaire, le sport, l’exposition de 1937 et la préparation du premier festival de Cannes.
Engagé volontaire en 1939. Il rejoint l’Afrique du Nord à bord du Massilia. Il est inculpé de désertion, condamné par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand. Il sera enlevé, le 20 juin 1944 dans sa prison et assassiné dans une forêt de l’Allier par des miliciens. prépare ces circulaires pour interdire les signes religieux et politiques. C’est en raison de la hiérarchie des normes que l’article 10 de la loi du 10 juillet 1989, due au titulaire du même portefeuille, Lionel Jospin, et largement reprise par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 27 novembre 1989, a fait tomber la restriction imposée aux signes religieux à l’école par les dites circulaires. Le droit dit positif et les néolibéraux de gauche puis de droite ne s’opposant plus aux actions cléricales dans l’enceinte scolaire, la bataille laïque pouvait reprendre force et vigueur.
Aujourd’hui, les alliés du néolibéralisme (les communautaristes défendant la laïcité adjectivée) et ceux qui souhaitent en être les alliés futurs (le Front national défendant l’ultra-laïcisme) font feu de tout bois.
Si nous remontons dans notre analyse aux circulaires de Jean Zay du Front populaire, c’est parce que trouvons une analogie entre la période actuelle et l’histoire des années 30. La crise de 2007-2008 présente des ressemblances saisissantes avec la crise de 1929-1931.
Plus que jamais, à l’instar de Jean Jaurès (lui aussi assassiné par l’extrême droite), et contrairement à d’autres, nous continuerons à placer la bataille laïque à l’intérieur de la bataille pour la République sociale en globalisant tous les combats : démocratique, laïque, social et écologique.
Haut les cœurs !
Notes de bas de page
↑1 | Les adversaires de la laïcité et de la République sociale ont commencé par combattre le terme « laïcité ». Quand ce ne fut plus possible, ils ont adjectivé ce mot (ouverte, plurielle, de reconnaissance, apaisée, etc ) pour pouvoir en changer la définition historique et le sens. |
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↑2 | Auteur d’un Dictionnaire amoureux de la laïcité récemment chroniqué ici. |
↑3 | Voir les textes, dans ce numéro : les deux premières concernent l’interdiction de signes politiques, en raison du port d’insignes des ligues d’extrême droite par certains élèves ; la dernière étend cette mesure aux signes religieux |
↑4 | Avocat, élu en 1932 député radical de la première circonscription du Loiret dès sa première tentative, à 27 ans. Il sera le plus jeune ministre de la IIIe République en 1936, avec le portefeuille de l’Éducation nationale. Il occupera ce poste jusqu’à la guerre. Il lance de profondes réformes de l’enseignement scolaire et technique, de la recherche, du droit d’auteur. Il propose la création de l’École nationale d’administration. Il exerce également une tutelle sur les beaux-arts. Figurent parmi ses actions : une réforme des Archives nationales et de la Bibliothèque nationale, les bibliobus, le développement du théâtre populaire, le sport, l’exposition de 1937 et la préparation du premier festival de Cannes. Engagé volontaire en 1939. Il rejoint l’Afrique du Nord à bord du Massilia. Il est inculpé de désertion, condamné par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand. Il sera enlevé, le 20 juin 1944 dans sa prison et assassiné dans une forêt de l’Allier par des miliciens. |