Politique du spectacle
Pour l’instant, tout cela n’est que gesticulation et tentative de mise en place de la « société du spectacle politicien ». Guy Debord a encore raison après sa mort ! Quant aux dirigeants de la gauche politique, force est de constater que la défense de chaque « chapelle » prime sur la réflexion d’ensemble. Cela obère l’action nécessaire pour mettre cette gauche à la hauteur des enjeux. Alors que les partis de gauche devraient soutenir les mouvements sociaux.
Le président du Medef à la manœuvre
Ce qui vient d’être dit demande un rajout important. La seule intervention majeure de la semaine est l’intervention de plus d’une heure de Patrick Martin, président du Medef, lors du rassemblement de cette organisation en présence des dirigeants des partis parlementaires. Il a égrené le programme économique et politique qu’une union de toutes les droites devrait appliquer. Malheureusement, il ne semble pas que les grandes organisations politiques et syndicales de gauche se soient mises à la hauteur de cet enjeu. Comme si le débat politique se résumait aux petites phrases distillées dans les chaînes d’information par les dirigeants politiques. Et ce programme est terrifiant (1)https://www.radioclassique.fr/economie/exclusif-patrick-martin-president-du-medef-attal-retailleau-et-bardella-sont-les-plus-conscients-des-perils-economiques/ et https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/1-5-million-de-fonctionnaires-en-moins-retraite-par-capitalisation-le-medef-devoile-ses-propositions_AD-202508290774.html.!
En ordre dispersé
Un premier danger menace l’éventuel mouvement populaire : c’est la séparation du mouvement du 10 septembre et du 18 septembre (lancé par l’Intersyndicale). L’appel de l’Intersyndicale semble ne pas tenir compte du mouvement du 10 septembre. Et pourtant, seul un peuple uni peut gagner !
D’abord, le mouvement du 10 septembre commence à être mieux connu. Les remontées que nous avons des AG départementales et locales, des assemblées générales dans les entreprises et des études sociologiques qui commencent à être produites sur ce mouvement montrent des différences avec les gilets jaunes. Conformément à l’édito d’Evariste du 1er septembre, ce mouvement possède en son sein la partie syndicale la plus revendicative de la CGT et de Sud, et les AG territoriales sous forme d’assemblées populaires de résistance interviennent sur des revendications de gauche, avec une forte inclination pour une démocratie plus directe et moins bureaucratique. Souvent, les AG refusent les équipes de journalistes, car très mécontentes du traitement du mouvement dans les médias dominants. C’est souvent le premier vote qui est demandé dans ces AG. Dans certains départements, le débat a lieu au sein du mouvement du 10 septembre afin de mandater des porte-paroles pour les demandes d’interviews de la presse dominante et ainsi d’éviter, comme lors du mouvement des gilets jaunes, que ce soient les médias dominants qui choisissent les porte-paroles du mouvement !
Le danger du renoncement aux mobilisations efficaces
Deux autres dangers existent. Le premier est que l’Intersyndicale réitère la succession des manifestations saute-mouton insuffisamment préparées comme dans le mouvement des retraites de 2023. Il nous paraît nécessaire de lier les mouvements du 10 septembre et du 18 septembre, mais, au-delà, il s’agit de préparer une action d’envergure visant à hausser le rapport des forces global (soit avec un mouvement puissant de grèves reconductibles, soit avec une montée nationale, etc.).
Un autre danger menace également le déclenchement du mouvement populaire à partir du 10 septembre. Certains syndicats dits « réformistes » commencent à distiller une petite ritournelle pernicieuse pour endormir l’action sociale. L’argument de ce « lâche soulagement » est le suivant : « si le gouvernement tombe le 8 septembre, il ne sert à rien de se mobiliser puisque nous n’aurons plus d’interlocuteur en face de nous pour négocier… donc ne bougeons surtout pas avant qu’un nouveau gouvernement soit désigné ! ». Cette invitation à la passivité est extrêmement dangereuse et fait le jeu de Macron, du MEDEF, et à terme de l’extrême centre, de la droite et de l’extrême droite unifiés.
Imaginons un instant cette dystopie qui, hélas, peut devenir réalité. Tout le mois de septembre pourrait alors être consacré à cette phase de surplace d’un vide politique sidéral au sommet de l’État… donc pas d’interlocuteur et pas d’action ! Alors, Macron et consorts cherchent un nouveau Premier ministre disposant d’une majorité parlementaire dite « relative » pour former un nouveau gouvernement, et le résultat s’avère impossible… donc pas d’interlocuteur et pas d’action ! Constatant l’impasse politique, Macron dissout pour la deuxième fois le parlement, engendrant une campagne électorale… Et alors, le résultat du second tour des législatives tombent, et le bloc union de toutes les droites (RN compris) est majoritaire pour une austérité à la Bayrou puissance 10 avec le programme de Patrick Martin !
Pour éviter la dystopie sociale, il faut la mobilisation unitaire du peuple sans violence
Bien sûr, il s’agit d’une utopie funeste pour le mouvement populaire. Car cette hypothèse anesthésierait l’action revendicative et imposerait une élection « à froid » que l’extrême droite serait, pratiquement, certaine de gagner. Sans mobilisation unitaire et sans violence du peuple, sans la démarche unitaire du mouvement du 10 septembre et du 18 septembre, l’extrême centre macroniste passera tranquillement la main à l’union de toutes les droites (RN compris) pour appliquer le programme antisocial du MEDEF.
C’est vital, le mouvement social doit imposer son rythme et inverser le rapport de force. Seul le mouvement d’action revendicative et politique peut permettre, avec « la double besogne » (les revendications immédiates liées à notre projet politique d’avenir, projet qui ne soit pas seulement une simple liste de mesures programmatiques), de faire comprendre à certains électeurs du RN aux revenus modestes qu’ils jouent contre leurs propres intérêts de classe en soutenant le mouvement d’extrême droite. La passivité conduira à la défaite. Seule l’action populaire de contre-offensive peut favoriser une bifurcation prometteuse.
Notes de bas de page