OTAN : un nouveau concept stratégique 2022 qui augmente les risques de conflictualité mondiale

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Albrecht Dürer - Les cavaliers de l'Apocalypse

Le 29 juin, les chefs des États membres de l’organisation du traité de l’Atlantique Nord ont adopté, à Madrid, le nouveau concept stratégique 2022 de l’Organisation[1]. Selon les propres termes de l’OTAN :
 

Le concept stratégique est un document capital pour l’Alliance, le plus important après le Traité de l’Atlantique Nord […] Il réaffirme les valeurs et la raison d’être de l’Organisation, et il présente l’évaluation de l’environnement de sécurité que dressent collectivement les Alliés. Il a vocation à baliser l’adaptation stratégique ainsi que l’orientation politique et militaire de l’OTAN. Depuis la fin de la Guerre froide, il a été actualisé tous les dix ans environ, pour refléter la transformation de l’environnement de sécurité international.[2]

Le concept stratégique antérieur avait été adopté le 10 novembre 2010[3].

Le but affiché du nouveau concept stratégique est « d’œuvrer pour une paix juste, inclusive et durable »[4] et que l’OTAN « reste un rempart de l’ordre international fondé sur des règles »[5]. Il a été adopté quatre mois après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie. Cette guerre a profondément changé les priorités stratégiques annoncées par l’OTAN.

Le concept stratégique 2022 est constitué de 49 paragraphes organisés en 4 titres : missions et principes, environnement stratégique, tâche fondamentale de l’OTAN (dissuasion et défense, prévention et gestion des crises, sécurité coopérative), maintenir l’alliance sur la voie de la réussite.

Missions et principes de l’Alliance

Le concept stratégique réaffirme à la fois l’attachement « indéfectible »[6] des États membres à l’Organisation et que le lien qui unit les États membres est constitué de valeurs communes qui sont « la liberté individuelle, les droits de la personne, la démocratie, l’État de droit »[7].

L’Organisation définit aussi son projet politique en matière de relations internationales : « un monde où la souveraineté, l’intégrité territoriale, les droits de la personne le droit international sont respectés et chaque État peut choisir sa propre voie, sans subir d’agression ou de contraintes exposés à la subversion. »[8] Bien évidemment cette déclaration néglige une série de faits : que des États membres de l’OTAN et l’Organisation elle-même aient bombardé des États souverains sans autorisation internationale, et cela dès 1953 contre l’Iran, les guerres du Kosovo (1999), d’Afghanistan (2001) et de Libye (2011) pour les plus récentes ou organisé des opérations de subversion tel le coup d’État « en douceur » (sic) en Syrie en 1949 – qui est devenu un modèle et est enseigné dans les écoles de la Central Intelligence Agency (CIA)…

L’OTAN déclare qu’elle est « l’unique forum transatlantique », coupant court de la sorte à toute alternative[9], le concept 2022 reprenant ici le point no 5 du concept de 2010. Dans ses principes, l’Organisation ajoute qu’elle tiendra compte « du changement climatique, de la sécurité humaine et sécurité et de la thématique « femmes, paix et sécurité » » ainsi que la promotion de l’égalité de genre.[10] Ces notions sont nouvelles et n’apparaissaient pas en 2010.

Environnement stratégique : les menaces

Le point no 6 présente la Fédération de Russie comme pouvant potentiellement « porter atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de pays de l’alliance »[11]. L’Organisation précise aussi que « la zone euro-atlantique n’est pas en paix » contrairement au point no 7 de 2010 qui indiquait : « Aujourd’hui, la zone euro atlantique est en paix, et la menace d’une attaque conventionnelle contre le territoire de l’OTAN est faible. »[12]

L’Organisation liste ensuite un certain nombre de menaces contre les intérêts des États membres : développement de « capacités conventionnelles, nucléaire et missilières avancées » par des acteurs autoritaires, attaque contre la mondialisation occidentale, ingérence « dans nos processus et institutions démocratiques », recours à des « procédés hybrides »[13] contre la sécurité des citoyens des États membres, attaques cybernétiques, instrumentalisation de la migration, utilisation des leviers énergétiques, fragilisation des institutions multilatérales[14], promotion de modèles autoritaires.

Est-il raisonnable de considérer que le risque que fait courir le conflit russo-ukrainien est plus important pour les dix années à venir que la menace terroriste ?

Le point no 8 est clair : « la Fédération de Russie constitue la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des alliés et pour la paix et la stabilité dans la zone euro atlantique. »[15]. En 2010, la menace principale identifiée était le terrorisme[16]. Il est évident que la guerre russo-ukrainienne est un facteur de risque pour la sécurité en Europe. En effet plus ce conflit durera plus le risque d’une extension de ce conflit à des pays limitrophes augmente – que cette extension soit le fruit d’un choix délibéré d’un des acteurs ou la conséquence d’une erreur ou le fruit d’une provocation dont les répercussions n’avaient pas été envisagées. Pour autant, est-il raisonnable de considérer que le risque que fait courir ce conflit [le conflit russo-ukrainien]  est plus important pour les dix années à venir (un concept stratégique est rédigé pour 10 ans) que la menace terroriste ? Cela me laisse perplexe. Et si c’était le cas, ne faudrait-il pas faire en sorte que le conflit cesse par des tentatives diplomatiques ? Or c’est le contraire qui se passe. 

Le conflit est utilisé comme prétexte pour officialiser une stratégie d’isolement et de déstabilisation de la Fédération de Russie, mais surtout cette stratégie en elle-même participe de la déstabilisation des relations internationales.

Par ailleurs, il est étonnant de voir que dès 2019, soit 3 ans avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un think tank proche du Pentagone listait déjà les divers outils à utiliser pour déstabiliser et contenir la Fédération de Russie d’un point de vue économique, militaire et politique. Il s’agit du rapport de la Rand corporation.[17] Il me semble donc qu’à la fois, le conflit est utilisé comme prétexte pour officialiser une stratégie d’isolement et de déstabilisation de la Fédération de Russie, mais surtout que cette stratégie en elle-même participe de la déstabilisation des relations internationales.

Enfin, il est utile ici de rappeler que les budgets militaires de la France et de l’Allemagne sont supérieurs à celui de la Fédération de Russie et que l’économie russe n’est pas une concurrente sérieuse globalement face aux économies des pays membres de l’Alliance – du moins avant les sanctions économiques-. Depuis, nous ne pouvons que constater, hélas, que les économies des pays membres de l’Alliance hormis celle des États-Unis souffrent beaucoup du fait du manque d’approvisionnement en pétrole, en gaz, en engrais, en blé, en fruits russes.

En conclusion l’OTAN considère que la Fédération de Russie n’est plus un « partenaire », mais déclare laisser « ouverts les canaux de communication avec Moscou ».

La menace suivante est le terrorisme qui est considéré comme la « menace asymétrique la plus directe »[18]

L’OTAN considère aussi que les conflits en Afrique et au Moyen-Orient compromettent directement la sécurité des pays membres de l’alliance. Cela pourrait signifier que des interventions otaniennes pourraient être organisées dans ces zones.

Le point no 13 traite de la République populaire de Chine dont les « ambitions » et les « politiques coercitives » sont contraires aux intérêts, à la sécurité et aux valeurs de l’alliance. On peut constater à propos de la Chine que la même rhétorique est utilisée au sujet de la fédération de Russie. Il est reproché à la Chine, « le flou » sur sa stratégie – comme si les états avaient une obligation de transparence sur leurs objectifs géostratégiques et leur diplomatie ! – Il lui est reproché aussi de vouloir prendre le contrôle sur des secteurs technologiques et industriels clés, des infrastructures d’importance critique et des chaînes d’approvisionnement stratégique. En fait, il est reproché à la Chine de développer des stratégies de souveraineté et d’être un compétiteur agressif dans la globalisation, choses que bien évidemment, elle est la seule à faire !

Enfin il lui est reproché son partenariat stratégique avec la Fédération de Russie. Mais pourquoi la Chine n’aurait-elle pas un partenariat stratégique avec la Russie, ses minerais, ses hydrocarbures alors que l’Occident fait tout en essayant d’isoler la Russie pour que celle-ci se tourne vers la Chine ? Il ne faut pas oublier que dans le milieu des années 90, la Russie avait essayé de se rapprocher de l’Europe. L’OTAN déclare être « disposé (e) à interagir avec la république populaire de Chine de façon constructive » tout en répondant aux défis systémiques posés par la Chine. La déclaration selon laquelle l’OTAN se prémunira « contre les procédés coercitifs employés par la République populaire de Chine ainsi que contre ces tentatives visant à diviser l’alliance » laisse à penser soit le renforcement des liens diplomatiques entre les pays membres de l’Alliance – comprendre un renforcement de la vassalisation à la politique étrangère des États-Unis – soit un renforcement des moyens d’intelligence contre l’influence chinoise.

Le cyberespace est devenu un nouvel enjeu dans le concept stratégique 2022 et qu’il est un nouveau champ de bataille. L’espace, lui aussi est présenté comme un nouveau champ de contestation et que certains acteurs pourraient essayer de limiter l’accès à l’espace des membres de l’alliance, de détruire satellites ou les capacités spatiales.

Le concept stratégique rappelle aussi que la supériorité technologique est l’un des facteurs de la victoire militaire.

En ce qui concerne les traités de non-prolifération et de désarmement, il est reproché la Fédération de Russie de ne pas respecter ses obligations. Que les États-Unis soient sortis du traité de désarmement sur les armes nucléaires FNI qui la liait à la Russie, en 2019, en revanche ne participe pas de la fragilisation de « l’architecture de maîtrise des armements »… De la même manière que les États-Unis aient changé de stratégie nucléaire sur les armes à courte portée en avril 2022 et aient décidé qu’ils pouvaient y recourir, faisant de la sorte un retour en arrière et transformant à nouveau l’Europe en champ de bataille nucléaire en cas de conflit avec la Russie, non plus !

Le point no 29 va plus loin puisqu’il est précisé que « les forces nucléaires stratégiques et en particulier celle des États-Unis sont la garantie ultime de la sécurité des alliés ». Il est intéressant de constater que parmi les pays qui disposent d’une force de frappe nucléaire, seuls les États-Unis soient cités, le bénéfice du primus inter pares, sans doute…

Le changement climatique comme facteur de risque fait son entrée dans le CS 2022 au point no 19. Il y est présenté comme étant « un multiplicateur de crise et de menaces » à la fois pour l’environnement, pour les sociétés, mais aussi sur les infrastructures militaires.

Dissuasion et défense : le renforcement

En ce qui concerne la dissuasion et la défense, l’OTAN a décidé de maintenir « en continu une présence importante sur terre, en mer et dans les airs et nous nous emploierons notamment à consolider notre défense aérienne et antimissile intégrée »[19]. Cela signifie que les forces de l’OTAN vont se développer et se renforcer. Des munitions seront prépositionnées sur le territoire des États membres ainsi que d’autres équipements afin d’améliorer les capacités d’action de l’organisation et ses infrastructures. Un plan de construction sera donc probablement mis en place. L’OTAN va renforcer l’intégration et l’interopérabilité de ses forces c’est-à-dire, en d’autres termes, qu’il y aura un renforcement du commandement, des possibilités de déploiement de force d’action rapide, mais aussi que les normes otaniennes en matière de matériels vont elles aussi être renforcées ce qui veut dire en réalité que les normes états-uniennes vont être renforcées et que les industries de l’armement des États-membres risquent d’en pâtir. Le Secrétaire général de l’Alliance Jens Stoltenberg a annoncé, du reste, le 27 juin que les pays membres allaient transformer la force de réaction rapide (40 000 hommes actuellement) et porter à 300 000 militaires les forces « à haut niveau de préparation ».[20]

Il est à noter que L’OTAN déclare dans son point no 22, mettre à disposition tout l’éventail de ses forces « y compris au combat multi domaines de haute intensité contre des compétiteurs à parité posant de l’arme nucléaire ». Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que l’OTAN se prépare à la possibilité d’une troisième guerre mondiale !

L’Organisation a aussi changé son choix stratégique en matière d’attaque dans le cyberespace ou dans l’espace. En effet, l’OTAN va définir un seuil d’attaque depuis l’espace ou le cyberespace qui correspondrait à une attaque armée et ainsi permettrait d’invoquer l’article cinq du traité de l’Atlantique Nord[21]

L’Organisation cherchera à déceler et atténuer les vulnérabilités et dépendances stratégiques, les infrastructures critiques, les chaînes d’approvisionnement et système de santé. Elle renforcera aussi sa sécurité énergétique en investissement dans la stabilité et la fiabilité des approvisionnements, des fournisseurs et des sources d’énergie. Nous avons pu constater depuis le commencement de la guerre en Ukraine que la recherche de fournisseurs et de sources d’énergie stables bénéficie essentiellement aux producteurs d’hydrocarbures américains et que la prise en compte du changement climatique telle que déclarée dans la préface fait peu de poids face au gaz de schiste issu de la fragmentation des terres et qui est la méthode d’extraction la plus destructrice pour l’environnement.

L’Organisation va aussi définir un seuil en ce qui concerne les opérations hybrides qui pourraient correspondre à une attaque armée. La définition de ce seuil est un danger en soi, car une des caractéristiques des opérations hybrides telles que définies plus haut est la difficulté à clairement et sérieusement identifier l’émetteur. La multiplication des seuils (espace, cyberespace, opérations hybrides) permettant d’abord d’invoquer l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord est en soi une augmentation du risque de conflictualité internationale.

Les crises

Le point no 35 traite de la prévention des crises. L’OTAN se réserve ainsi le droit de « prévenir les crises qui sont susceptibles de porter atteinte à notre sécurité » ce qui signifie que l’OTAN s’accorde la possibilité d’agir par anticipation pour éviter un risque qu’elle aurait identifié pour elle-même et par avance. Cette identification pourrait se faire par une multiplication de signaux faibles ou d’éléments fournis par les services de renseignement qu’il n’est pas possible de communiquer au public. On connaît la suite.

Le point no 36 indique que l’organisation veillera à ce que l’alliance « sont encore mieux à même d’appuyer les opérations civiles de gestion de crise et de secours en cas de catastrophe ainsi que de se préparer aux effets que le changement climatique, l’insécurité alimentaire et les urgences sanitaires sur la sécurité de ces pays membres. »[22]

Impact de l’élargissement

Pour l’OTAN, son élargissement est une « réussite historique »[23]. Je considère au contraire qu’il s’agit d’une source d’instabilité et d’augmentation de la conflictualité. L’OTAN a décidé de maintenir sa politique de la porte ouverte. L’alliance précise en son point no 41 que « la sécurité des pays qui aspirent à devenir membres de l’alliance est intimement liée à la nôtre. Nous sommes fermement attachés à leur indépendance, à leur souveraineté et à leur intégrité territoriale. » Est-ce à dire que  l’Organisation se donne comme possibilité d’action d’intervenir y compris au bénéfice d’État non-membre de l’Alliance ? La manière dont les pays membres de l’OTAN fournissent des armes à Ukraine laisse penser qu’il s’agit de cela. Il est rappelé aussi que le partenariat avec la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie et l’Ukraine se développeront.

A priori les pays membres de l’OTAN ne chercheront pas de réelle solution diplomatique entre l’Ukraine et la Russie tant que la guerre ne sera pas terminée.

Pour le dernier point, cela signifie qu’a priori les pays membres de l’OTAN ne chercheront pas de réelle solution diplomatique entre l’Ukraine et la Russie tant que la guerre ne sera pas terminée. C’est pour l’instant ce que nous pouvons constater aussi.

En ce qui concerne l’Union européenne, le concept stratégique rappelle que « l’Union européenne est pour l’OTAN un partenaire incontournable et sans équivalent » et que l’OTAN approfondira le partenariat stratégique avec l’Union, intensifiera des consultations politiques. L’OTAN précise qu’« il sera primordial que les alliés non membres de l’union européenne soient pleinement associés aux initiatives de celle-ci en matière de défense » et que la défense européenne « complète l’action de l’OTAN et soient interopérables avec celle-ci ». Si certains pensent encore qu’il soit possible qu’il existe une « Europe puissance », la subordination de la défense européenne à l’OTAN est explicite ici. Ce qui « complète » ajoute des éléments à une structure principale, mais n’en est pas la structure principale.

Le point no 45 concerne les Balkans occidentaux et la région de la mer Noire. L’OTAN précise qu’il s’agit de zone stratégiquement importante et continuera de soutenir les pays de ces régions qui voudraient adhérer à l’OTAN. L’OTAN indique qu’elle attache aussi de l’importance à la zone indo-pacifique. Ce qui signifie que les risques d’intensification des tensions avec la Chine vont en augmentant. La France devrait aussi s’interroger sur le sens de cette importance pour l’OTAN face à ses propres intérêts qui ne sont pas forcément les mêmes que ceux de l’Organisation.

Premières réactions et perspectives pour la France

Le concept stratégique est à la fois un ensemble d’analyses, de définitions d’orientations et d’actions à mener, mais c’est aussi un discours destiné aux tiers, aux partenaires de l’OTAN, mais aussi aux pays considérés comme des menaces ou des tiers portant atteinte à la sécurité des États-membres. Tous les acteurs diplomatiques le reçoivent de cette façon.

M. Zhang Ming ambassadeur de la Chine auprès de l’UE, lors d’une conférence de presse, a condamné les nouveaux termes dans lesquels le concept stratégique s’adresse à la Chine : « Le soi-disant Concept stratégique de l’OTAN, rempli d’idées de la guerre froide et de préjugés idéologiques, attaque et discrédite malicieusement la Chine. Nous nous y opposons fermement ».

Quant à V. Poutine il a réagi en déclarant que l’Alliance atlantique et « avant tout, les États-Unis avaient besoin depuis longtemps d’avoir un ennemi extérieur autour duquel ils pourraient réunir leurs alliés »,« L’Iran n’était pas bon pour cela », « Nous leur avons donné cette chance, la chance de réunir tout le monde autour d’eux ».

Loin de chercher à apaiser les relations internationales, le concept stratégique de l’OTAN les exacerbe et les intensifie. Les décisions des États-Unis de sortir du traité de désarmement sur les armes nucléaires FNI ainsi que le changement de sa doctrine d’emploi des armes nucléaires à courte portée, en avril de cette année, font courir à nouveau « le risque d’une bataille nucléaire limitée au territoire européen ». [24] Or comme le rapporte Hubert Védrine dans son rapport de 2012[25], c’est la raison pour laquelle le général de Gaulle avait décidé de faire sortir la France du commandement intégré.

Un retour à une situation antérieure ne suffit pourtant pas pour justifier la sortie de la France. C’est dans la direction de la position diplomatique de la France qu’il faut regarder pour trouver une justification fondamentale à cette nécessaire sortie. Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, la diplomatie française s’est alignée sur les positions états-uniennes y compris lorsque les intérêts de la France étaient différents de ceux des États-Unis – le retour au sein du commandement intégré étant un effet de cet alignement. Cette tendance a été confirmée lors des présidences Hollande et Macron. Et cet alignement est perçu et compris par les différents acteurs internationaux. Il suffit de se rappeler les gesticulations d’E. Macron auprès de V. Poutine alors que celui-ci ne considérait qu’il n’avait à discuter qu’avec ceux qui décident : les États-Unis et J. Biden… Néanmoins la sortie seule du commandement intégré ne saurait suffire. Comme le dit P. Conessa, essayiste et ancien fonctionnaire du ministère de la Défense : « réfléchir à l’indépendance stratégique de la France devrait plutôt nous amener à repenser la place que l’on accorde chez nous à une pensée néoconservatrice d’inspiration américaine. Il y a chez nous une très grosse école de pensée belliciste qui nous a menés vers des guerres désastreuses, notamment au Moyen-Orient ». Selon Caroline Galactéros-Luchtenberg, directeur de séminaire à l’École de guerre et colonel dans la réserve opérationnelle des armées, « la France est en état de mort cérébrale stratégique » et ne défend plus ses intérêts. Il est temps que cela cesse et que la France défende à nouveau ses intérêts stratégiques légitimes au bénéfice des Français et de la recherche de la Paix.


[1]https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/2022/6/pdf/290622-strategic-concept-fr.pdf

[2]https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/2022/6/pdf/220629-factsheet-strategic-concept-fr.pdf

[3]https://www.nato.int/cps/fr/natohq/official_texts_68580.htm

[4]CS2022, p.1

[5]Ibidem.

[6]Ibid.

[7]CS2022, p.3

[8]Id, p.2

[9]CS2022, p.3

[10]Ibid.

[11]ibid

[12]CS 2010, p.11

[13]Il s’agit d’une alliance de composants multiples servant aux mêmes fins. Ici guerre conventionnelle à laquelle s’ajoutent des procédés de guerre de l’information, propagande, déstabilisation économique, manipulations électorales, etc.

[14]Je pense que c’est davantage l’OTAN qui a fragilisé l’ONU que tout autre. En particulier en organisant des guerres illégales au sens du droit international.

[15]CS2022, p.4

[16]CS2010, p.12, point no10 : « Le terrorisme est une menace directe pour la sécurité des citoyens des pays de l’OTAN et, plus largement, pour la stabilité et la prospérité internationales Des groupes extrémistes continuent de se propager, ou de se développer, dans des régions d’importance stratégique pour l’Alliance, et la technologie moderne accroît la menace et l’impact potentiel d’une attaque terroriste, notamment si ces groupes devaient acquérir des capacités nucléaires, chimiques, biologiques ou radiologiques ».

[17]https://www.rand.org/pubs/research_briefs/RB10014.html :   « a report that comprehensively examines nonviolent, cost-imposing options that the United States and its allies could pursue across economic, political, and military areas to stress—overextend and unbalance—Russia’s economy and armed forces and the regime’s political standing at home and abroad. »

[18]CS2022, p.4 point no10

[19]Id, p.6.

[20]https://www.ouest-france.fr/monde/organismes-internationaux/otan/sommet-de-l-otan-a-madrid-comme-un-retour-aux-sources-avec-la-russie-en-ligne-de-mire-752746d4-f627-11ec-8172-5af378b9b91a

[21]Les parties conviennent qu’une attaque armée contre l’une ou plusieurs d’entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d’elles, dans l’exercice du droit de légitime défense (…)

[22]Id, p.9.

[23]Id, p.10.

[24]  « Rapport pour le Président de la République française sur les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l’Otan, sur l’avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l’Europe de la défense – Hubert Védrine, 14 novembre 2012 » https://otan.delegfrance.org/Le-rapport-Vedrine

[25] id.