Fidel est mort, pas la Révolution

Texte publié sur le blog de Jacques Sapir. Jérôme Leleu, doctorant au CEMI-EHESS, écrit sa thèse sur Cuba et a eu l’occasion d'y faire plusieurs missions d’étude. Le décès de Fidel Castro le 25 novembre 2016 marque la fin d’un personnage politique majeur de la seconde moitié du XXe siècle. Que…

Révolution !

Voilà un mot qui avait une signification précise pendant deux siècles : celle d’un changement radical de système politique. Aujourd’hui, c’est le titre du dernier livre d’Emmanuel Macron qui propose des changements pour que rien ne change. Pourquoi cette transformation radicale du sens d’un mot ? Y-a-t-il d’autres mots qui ont subi cette mutation ? Peut-on mener une transformation sociale et politique conséquente sans réfléchir sur les causes de ces changements de signification ? N’y-a-t-il pas un lien entre ces changements de signification des mots et la succession d’indignations sélectives sans suite qui traverse l’opinion publique aujourd’hui ?

Que sont devenus les mots forgés par le mouvement ouvrier et par la dynamique républicaine ?

Remarquons que tous les mots tels que révolution, république, démocratie, laïcité, solidarité, liberté, etc., ont subi ces mêmes changements sémantiques.

Ce qu’on appelle aujourd’hui démocratie est ce qu’on appelait pendant la Révolution française le gouvernement représentatif anti-démocratique. Sieyès, Mounier, les chantres de cette dernière définition s’opposaient alors à Condorcet qui lui définissait la démocratie sous ses quatre conditions révolutionnaires. Des élections, sans les trois autres conditions, ne constituaient pas pour lui la démocratie. Eh bien aujourd’hui, c’est la définition de Sieyès et Mounier qui devient la norme de la démocratie. Ce qui a permis à Charles Pasqua de dire en substance que les promesses des « politiques » pour se faire élire n’engagent que ceux qui y croient. Et les croyants sont aujourd’hui légion !

Idem avec « la solidarité » que beaucoup ne différencient plus de la charité des doctrines sociales des églises. (suite…)

La COP22 et l’alibi « Trump » pour masquer l’absence de résultats probants sur les politiques climatiques

La COP22 de Marrakech devait trouver les moyens d'appliquer le programme de la COP21 de Paris qui a vu la signature d’un accord international non contraignant adopté à l’unanimité. Une étape qui s’est avéré bien laborieuse, alors que les prévisions de dérèglement climatique dépassent déjà ce qui était attendu ((La…

Lu pour vous : intrusion des entreprises au collège, niveau en maths et sciences

1/ Quand les multinationales forcent la porte des collèges Des professeurs d'un collège du Tarn dénoncent les intrusions des entreprises telles que Nestlé, Total ou Microsoft sous la forme de « kits pédagogiques ». Avec l'idée d'inculquer des comportements de consommateur aux individus dès leur plus jeune âge. Lire : http://www.liberation.fr/debats/2016/11/30/quand-les-multinationales-forcent-la-porte-des-colleges_1531992 2/…

Comprendre la « rupture Fillon » dans la nouvelle donne capitaliste

Nous avons largement présenté, dans les colonnes de ReSPUBLICA, l’enchaînement de la période néolibérale : la forte baisse des taux de profit dans l’économie réelle à la fin des années 60 et au début des années 70, l’incapacité des nouvelles technologies à y faire face contrairement aux séquences précédentes, l’éclosion de la financiarisation mondialisée comme seul remède permettant la croissance forte des taux de profit, le processus de gonflement et d’éclatement des bulles financières privées, l’utilisation de l’argent public pour combler des dettes privées impossibles à rembourser, le développement des dettes publiques, le renforcement obligatoire des politiques d’austérité pour financer les dettes publiques, la nécessité pour le capitalisme et son oligarchie de comprimer de plus en plus la masse des salaires, donc d’entrer dans le cercle vicieux de remplacement des fonctionnaires par des CDI, de remplacement des CDI par des CDD, de remplacement des CDD par des contrats de plus en plus précaires (par l’uberisation entre autres).

Outre les reculs sociaux, l’entrée dans le processus de recul continu de la démocratie – lire et relire la fin de l’intervention de Pierre Mendès-France du 18 janvier 1957 (1)«…  L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement « une politique », au sens le plus large du mot, nationale et internationale… » – est une nécessité pour le capitalisme. (suite…)

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 «…  L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit le recours à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit la délégation de ces pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement « une politique », au sens le plus large du mot, nationale et internationale… »

Pour les prolos : Uber, pour les bourgeois : les grandes écoles

Les deux textes suivants sont dus à des militants syndicalistes SUD. Passe ton bac… après ? faudra des sous…. Quand on parle de la reproduction des inégalités sociales, les commentateurs ciblent souvent l’école primaire, le collège, le lycée. Il y a sans doute beaucoup à dire et à lutter à ces…

« De la nation et de sa prise en charge et de sa déprise, d’une révolution l’autre », par Bernard Peloille

Bernard Peloille signe là un livre ((chez Inclinaison, 20 rue du Dr Blanchard 30700 Uzès ou www.inclinaison.fr)) qui intéressera tous ceux qui veulent connaître les soubassements théoriques de l’utilisation du concept de nation dans une théorie marxiste, c’est-à-dire en articulation avec celui des classes sociales. Le premier grand intérêt du…

Lu pour vous : laïcité scolaire – accords multilatéraux

"La folie suicidaire de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC)", par Jacques Berthelot Fascinée par les accords de libre-échange méga-régionaux (ALEMR) comme le TTIP (TAFTA), le TTP et le CETA, l'Union africaine  montre ses muscles en prétendant faire encore mieux entre ses 54 Etats [...] Il est utile aussi de…

Election de Trump : ceux qui sont sidérés sont ceux qui n’ont pas compris la période

Notre journal a répété à l’envi que la crise systémique de la formation sociale capitaliste ne donne comme possibilité pour l’oligarchie que de durcir toujours plus les politiques d’austérité et donc d’augmenter les inégalités sociales. Tout simplement parce que les lois tendancielles de cette formation sociale ne permettent pas autre chose. Comme dans les années 30, les peuples ont alors deux issues : la gauche de gauche ou le processus de droitisation vers l’extrême droite. Le problème pour nous est que la gauche de gauche n’existe pas encore et que nous n’avons qu’une gauche de la gauche en décomposition.
En décomposition car elle est infesté de virus néolibéraux : stratégie du consensus contre la démocratie empêchant de répondre aux besoins du peuple, extrêmisation d’un extrême centre consensuel, maintien des discours perdants qui n’intéressent plus les citoyens, refus de penser le modèle politique post-capitaliste, amour du libre-échange, volonté de défendre l’Union européenne et la zone euro alors qu’elles empêchent toute politique progressiste, sous-estimation des réactions violentes de l’oligarchie en cas de processus « gauche de gauche », croyance que le volontarisme peut faire fi des lois tendancielles des formations sociales capitalistes, soutien au piège du système des primaires, amour du communautarisme anglo-saxon et haine de la laïcité comme principe d’organisation sociale permettant le plus haut niveau de liberté pour tous, dédain de la lutte des classes, dédain de la pratique de masse, refus de penser la lutte entre impérialismes, mépris du peuple et de la nation, acceptation de se couper de la classe populaire ouvrière et employée, refus de l’éducation populaire et de la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle, préférence pour des cartels d’organisations anti-démocratiques, culture de l’entre-soi, refus d’établir une ligne jaune avec les partis néolibéraux de droite comme de gauche, croyance que des partis de masse peuvent se constituer de manière endogène à partir de groupuscules coupés des masses, etc.
(suite…)

« La face cachée du pape François », par Paul Ariès

Paul Ariès est sans doute connu de nos lecteurs comme théoricien de la décroissance (« objecteur de croissance »), de la « simplicité volontaire », pourfendeur de la mal-bouffe et la publicité, mais il a aussi écrit sur les sectes, le satanisme, la scientologie. Athée, il est proche des catholiques de gauche et a beaucoup…

« La laïcité pour 2017 et au-delà. De l’insoumission à l’émancipation », par François Cocq et Bernard Teper

La laïcité pour 2017 et au-delà de François Cocq et Bernard Teper (Penser et agir, Éric Jamet, éd., 2016, 8 €, voir ci-contre la Librairie militante) assume ses choix politiques. Ses auteurs ne se soumettent pas à la doxa d’une laïcité du « vivre ensemble inclusif », faussement consensuelle, qui cache un…

Le « Manifeste pour l’École de la Sixième République » : Lumières et zones d’ombres

Paul Vannier est secrétaire national à l’éducation du Parti de Gauche. Francis Daspe est responsable de la commission éducation du Parti de Gauche et secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée. Ce Manifeste a été rédigé avec la collaboration des membres de la Commission Éducation du Parti de Gauche et publié aux Éditions…

Pourquoi le combat social et le combat laïque ne doivent-ils faire qu’un ?

Face à un mouvement réformateur néo-libéral utilisant successivement la droite néolibérale et la gauche solférinienne tout aussi néolibérale, la confusion règne. Une partie de ceux qui se disent adversaires du néolibéralisme  de droite ou de gauche croient pouvoir le vaincre en ne globalisant pas les combats et en développant l’idée d’un consensus autour d’un socle limité de revendications pour, disent-ils, rassembler plus en rendant taboues toutes les idées qui fâchent. Ainsi ont fonctionné l’altermondialisme, les comités anti-libéraux, le Front de gauche et l’extrême gauche communautariste, entre autres. Le premier a perdu son caractère propulsif, les deux suivants ont explosé, la dernière se marginalise… C’est ce que nous appelons le processus de décomposition de la gauche de la gauche. Comme dans les années 30, cela a renforcé l’extrême droite nauséabonde. Bien sûr, les comportements qui en sont la cause sont multiples :

  • Abandonner la classe populaire ouvrière et employée qui réagit en s’abstenant à 60 %, rendant tout processus de transition par les urnes illusoire.
  • Croire que l’on peut faire l’économie de gagner la bataille de l’hégémonie culturelle via une éducation populaire refondée, pour aller plus vite vers la transformation sociale et culturelle.
  • Croire qu’il est possible de gagner les grandes luttes sans refonder les organisations syndicales revendicatives et politiques elles-mêmes.
  • Croire qu’on peut combattre le néolibéralisme en pactisant avec ses alliés indispensables (le communautarisme par exemple).
  • Croire qu’il est possible d’aller vers un post-capitalisme en s’appuyant sur des thèses de l’adversaire (comme le revenu universel par exemple). (suite…)

« Les habits neufs du délit de blasphème », par Jeanne Favret-Saada

Sous le titre « Les habits neufs du délit de blasphème », Jeanne Favret-Saada a confié au blog Mezetulle, en juin 2016, l’avant-propos historique à l’ouvrage qu’elle termine et qui paraîtra chez Fayard début 2017 : Les christianismes contre le blasphème. Cinéma et liberté d’expression, 1965-2006. Les croyances sont au centre du travail de…

Espagne/Grande-Bretagne/France : où en est la gauche ?

Malgré la fronde de la majorité parlementaire du parti travailliste britannique contre Jeremy Corbyn, ce dernier s’est renforcé à la tête du parti. Les élections régionales espagnoles en Galice et au Pays basque ont montré une légère poussée de la droite et de Podemos au détriment des autres partis. En France, la décomposition des partis de la gauche de la gauche se poursuit. Seule, pour l’instant, la candidature de Jean-Luc Mélenchon suscite un espoir à gauche. Mais tout cela s’effectue dans le cadre d’un effondrement prévisible de la gauche toute entière (gauche de la gauche et gauche gouvernementale). La question se pose donc de savoir si on peut éviter un deuxième tour « droite versus extrême droite ».

Grande-Bretagne

Avec 77 % de participation au sein du parti travailliste britannique, 61,8 % des voix, soit 313.209, sont allées à Jeremy Corbyn, contre 193 229 à Owen Smith, le candidat de la majorité des députés de la formation. A noter que Jeremy Corbin a fait 61 000 voix de plus qu’en 2015.

Pour comprendre l’enjeu politique, il faut savoir que la majorité des députés et Owen Smith sont des néolibéraux, européistes alors que la base sociale ouvrière du parti travailliste a voté le Brexit. Ce scrutin était devenu nécessaire depuis que la majorité des députés avaient reproché à Jeremy Corbyn d’avoir soutenu avec peu de ferveur l’option de rester dans l’Union européenne. La majorité puissante qu’a obtenue Jeremy Corbyn est due au soutien des syndicats, des ouvriers, des employés et des jeunes qui ont voulu rompre avec les politiques néolibérales de la direction d’avant 2015. (suite…)