Bitcoin, réponse au courrier d’un lecteur
Un lecteur, que nous remercions, a eu l’initiative de nous écrire un courrier centré sur le bitcoin. Cette missive est en rapport avec l’article « Dans quelle crise sommes-nous ? » numéro 17 de juin dernier. ReSPUBLICA a décidé de publier sa lettre, car le point qu’il soulève est essentiel : le Bitcoin est-il contrôlé par les États Unis ou est-il un « dispositif monétaire » d’un nouveau type et totalement indépendant ? Cette question est lourde de multiples conséquences au moment même où le Système Monétaire International (SMI) est en train de se déstructurer et peut-être de sombrer. Elle est même décisive pour tous les citoyens de tous les pays, car le rôle de la monnaie est central dans la société jusqu’au sein de la cellule privée et familiale.
Lettre critique du lecteur
Bonjour, Je souhaite émettre quelques critiques quand à une des thèses de votre article https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-idees/respublica-crises/dans-quelle-crise-sommes-nous-n-17-seconde-partie/7438639. En effet je peux partager certains constats de votre texte sur la crise du capitalisme et la remise en cause de l’hégémonie du dollar. En revanche, je suis en désaccord avec la solution que vous présentez : le bitcoin comme nouvel étalon monétaire, prétendument contrôlé par les États-Unis. Techniquement, cela est impossible. Voici pourquoi :
Dans le capitalisme, l’ordre monétaire est surdéterminant.
Code open source
Le logiciel Bitcoin (Bitcoin Core) est public, audité en permanence par une communauté mondiale de développeurs indépendants. Aucun État ne détient de brevet ou de droit exclusif sur ce code. La NSA n’a aucun monopole technique : tout le monde peut lire, modifier, vérifier et recompiler Bitcoin.
Consensus décentralisé
La validité des transactions et des blocs est décidée par un consensus de milliers de nœuds distribués dans le monde entier. Aucune autorité centrale — américaine ou autre — ne peut imposer une modification unilatérale. Si les USA tentaient de changer les règles, le reste du réseau refuserait et la version « corrompue » serait simplement ignorée.
Sécurité cryptographique
Bitcoin repose sur la cryptographie asymétrique (SHA-256, ECDSA), standards internationaux et open-source. Ces primitives ne sont pas contrôlées par Washington et sont utilisées mondialement dans des systèmes qui n’ont rien à voir avec les États-Unis.
Minage mondial
Le hashrate est réparti dans des dizaines de pays. La Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Canada, le Paraguay et d’autres jouent un rôle clé. Les États-Unis représentent une part importante, mais absolument pas majoritaire ou suffisante pour un contrôle durable.
Principe de neutralité
Par construction, le bitcoin ne reconnaît ni nationalité ni juridiction. Une transaction signée est valable indépendamment de son origine. C’est précisément ce qui fait sa force et ce qui empêche son appropriation par un seul État.
En résumé, je peux admettre votre hypothèse qu’un « nouvel étalon » monétaire est nécessaire, et que le bitcoin a une place dans cette réflexion. Mais dire qu’il serait l’outil des États-Unis, brevet de la NSA ou contrôlé par Washington, c’est une erreur technique factuelle et facilement vérifiable. Cela revient à méconnaître l’essence même de Bitcoin : une monnaie décentralisée, ouverte, résistante à la censure, qui n’appartient à personne.
Et enfin dernier point et pas des moindre, une monnaie forte est une monnaie stable. Or le bitcoin est juste l’opposé, avec une volatilité qui peut lui faire perdre (ou gagner) jusqu’à 75 % de sa valeur en seulement une année.
Je vous remercie de m’avoir lu.
Réponse de Respublica
Sur l’implication de l’agence gouvernementale américaine NSA (National Security Agency) dans la saga du Bitcoin, le lecteur a raison de dire que celui-ci « repose sur la cryptographie asymétrique (SHA-256)… ».
Mais, justement, d’où vient donc ce fameux SHA-256 ? A l’origine, le 5 mars 2001, le cryptographe Glenn Lilly a déposé un premier brevet pour un « dispositif et une méthode de hachage cryptographique unidirectionnel » tout en travaillant pour la NSA.
Le cessionnaire du brevet est listé comme « les États-Unis d’Amérique représentés par la National Security Agency », ce qui signifie que ce premier brevet de hachage unidirectionnel appartenait déjà au gouvernement américain, plus spécifiquement à la NSA.
Puis, 3 ans plus tard, selon le rapport de 10x Research, la technologie s’est considérablement développée. Et ce fut la création du célèbre algorithme de hachage sécurisé SHA-256, qui est utilisé dans la fonction de hachage et l’algorithme de minage du protocole Bitcoin.
Il convient de noter que la NSA a rendu ce brevet libre de droits, comme l’a confirmé Datatracker. Nous citons : « le gouvernement américain détient le brevet américain numéro 6829355 pour le « dispositif et méthode de hachage cryptographique unidirectionnel », qui a été intégré à la norme fédérale de traitement de l’information (FIPS) 180-2. Ce brevet a été délivré le 7 décembre 2004. L’Agence de Sécurité Nationale (NSA) a mis le brevet américain numéro 6829355 à disposition libre de droit ».
Il semble donc bien que ce qui permet « tout simplement » au bitcoin d’exister est le fait d’un brevet de la NSA… mais, c’est vrai, cher lecteur, très généreusement mis à la disposition du public, certainement par « amour de l’humanité » ! En fait, la NSA n’en était pas à son coup d’essai sur le Bitcoin, ou plutôt sur ce qui allait devenir le Bitcoin.
En effet, l’article de recherche de la NSA de 1996, intitulé « How to Make a Mint : The Cryptography of Anonymous Electronic Cash » (« Comment créer une monnaie : La cryptographie de la monnaie électronique anonyme »), a exposé le cadre de base de ce qui est finalement devenu le Bitcoin en 2009. Le texte, véritable prescience sur ce qu’allait être le Bitcoin 13 ans plus tard, est consultable en anglais sur ce site d’archives : https://archive.org/stream/CryptographyOfAnonymousElectronicCash/How%20to%20Make%20a%20Mint_%20The%20Cryptography%20of%20Anonymous%20Electronic%20Cash_djvu.txt.
Ainsi, sans pouvoir affirmer définitivement que le bitcoin est une pure création de la NSA, puisque le fameux Satoshi Nakamoto reste un des plus grands mystères du 21ème siècle, disons plus simplement que la NSA a été déterminante pour sa création.
« 1525 : la Guerre des paysans en Alsace ou le désir de liberté » : réponse à une lectrice
Une lectrice de ReSPUBLICA, Martine Cartier, nous a transmis sa réaction à l’article consacré à l’anniversaire des 500 ans de « 1525 : la Guerre des paysans en Alsace ou le désir de liberté ».
A juste raison, et nous l’en remercions, elle estime qu’un personnage d’importance n’est pas cité, Thomas Müntzer. En effet, il a été conséquent avec la réforme, passant du soutien à Luther à une vive critique de ce dernier quant à sa proximité voire à sa défense des autorités civiles et des princes contre les paysans. Comme elle nous le suggère, nous joignons un lien vers le livre d’Eric Vuillard qui traite également ce sujet. C’est avec plaisir que nous reproduisons la citation qu’elle nous a transmise :
Les exaspérés sont ainsi, ils jaillissent un beau jour de la tête des peuples comme les fantômes sortent des murs.
É. V.
Est-ce une prémonition de la situation actuelle avec le mouvement « Bloquons tout » ?