Crise du capitalisme et montée des affrontements militaires
Initialisée en 2007-2008, la crise du capitalisme tardif généralise progressivement la guerre sur la planète. L’entrée dans la bataille ce 22 juin 2025 des États Unis contre l’Iran en est une nouvelle preuve. Les contradictions du mode de production capitaliste aboutissent maintenant et de manière systématique à un affrontement militaire. L’espace géographique de la guerre s’étend au fil du temps, hier en Europe, aujourd’hui au Proche-Orient et certainement demain en Asie. Nous entrons dans une « zone de tempête » dangereuse pour les peuples. Elle surdétermine les positions de tous les acteurs politiques à travers le monde.
La fin du dollar « monnaie Monde », une montagne de dette
La remise en cause de l’hégémonie actuelle du dollar est la conséquence directe de la crise de 2007-2008 dite des Subprime-Lehman. Notre série d’articles annuels « Dans quelle crise sommes-nous ? » a commencé à cette époque(1)https://www.gaucherepublicaine.org/?s=Dans+quelle+crise+sommes+nous+%3F..
Après la fin du communisme soviétique au début des années 1990, le capitalisme US a régné sans partage pendant 17 ans. La tentative presque utopique de construire un capitalisme de marché mondialisé sous la direction des États-Unis s’est effondrée finalement très rapidement. La crise de 2007-2008, bancaire, financière et monétaire n’a jamais été surmontée. Pour la planète finance, ce fut un véritable AVC. Car c’est Wall Street, la tête du système financier international, qui a été touché en premier lieu. L’incendie financier foudroyant a simplement été surmonté et noyé par un océan de monnaies factices de dizaines de milliers de milliards de dollars. Cette inondation a un nom en forme d’euphémisme : les célèbres « Quantitative easing », ou en français « Assouplissement Quantitatif ». Il s’agit pour les banques centrales occidentales de racheter la dette de leur pays avec de la monnaie émise sans contrepartie de valorisation ; bref c’est l’émission d’une monnaie de singe légale.
Sans vraie valeur objective, le dollar en est arrivé à avoir une sorte de « valeur subjective ». L’étalon monétaire universel a gardé la confiance des acteurs monétaires et financiers uniquement par le simple fait de la puissance politique et militaire des États-Unis. La dette américaine a continué, au cours des années 2010 et au début des années 2020, à rester la valeur tangible de dernière instance, particulièrement en cas de crise aiguë. Or, lorsque Trump a déclenché son offensive sur les droits de douane début 2025, tout s’est effondré pour la première fois depuis 1971 et la fin de la convertibilité or-dollar. Le monde financier a repoussé la dette américaine, un comportement inouï. Visiblement, la Maison-Blanche n’avait pas prévu ce scénario et s’est retrouvée en plein désarroi… Et Trump a reculé. À ce jour, que vaut exactement le dollar, sinon une montagne de dettes estimées à 36 220 milliards de dollars ?
Vers l’éclatement de la bulle monétaire ou vers la guerre généralisée pour l’éviter ?
Face à la constatation que l’étalon universel-dollar ne vaut pas grand-chose hormis ses dettes monstrueuses, que peut-il advenir, sinon une crise de valorisation globale et donc une impossibilité de transformation de la Valeur en Prix ?
Déjà, de nombreux pays à travers le monde commercent en monnaies nationales, en particulier lorsqu’il s’agit de partenariat avec la Chine populaire. Par ailleurs, comme nous l’avons vu, de plus en plus de banques centrales se délestent des obligations américaines. La crise monétaire marquant la fin du « Roi dollar », sa perte d’hégémonie est certaine, seul le moment du point de bascule est inconnu.
Un scénario existe cependant pour préparer une transition. C’est une hypothèse risquée, mais possible. Imaginons que surgisse un événement suffisamment grave pour provoquer un blocage du marché international obligataire. Si une guerre survient en Asie avec une participation de l’US Army, les remboursements des emprunts à 5, 10 ou 50 ans seraient suspendus sine die. Les marchés de la dette primaire ne fonctionneraient plus dans ce cas de figure. Les dettes américaines seraient « sanctuarisées » en quelque sorte, en tous les cas pendant la durée du conflit. Cette stratégie de guerre pour éviter la crise monétaire mondiale aurait l’immense avantage pour le capitalisme étatsunien d’étaler la crise comme la transition monétaire indispensable sur plusieurs années. Ainsi serait évité un choc paroxysmique pouvant advenir sans contrôle en quelques heures ou en quelques jours. Les dettes américaines seraient gelées et une transition monétaire pourrait se mettre en place progressivement et de manière très directive, état de guerre oblige. Pour que ce scénario soit réaliste, encore faut-il qu’un autre système monétaire de substitution existe déjà pour que la transition s’opère de manière satisfaisante… Et aujourd’hui c’est le cas, l’alternative monétaire existe, elle s’appelle bitcoin !
L’étalon bitcoin à la place de l’étalon dollar
Dans notre série d’articles « Dans quelle crise sommes-nous ? » depuis 17 ans, nous sommes revenus à de nombreuses reprises sur le développement de cette cryptomonnaie (par exemple dans les numéros 16, 11, 10, 6 et 2). Nous avons expliqué l’année dernière (numéro 16) que cette blockchain est en fait totalement contrôlée par les États-Unis, qui possèdent le code source, brevet de la NSA.
Force est de constater que nous avions raison de considérer la création en 2009 de cette monnaie cryptographique d’un nouveau type comme un événement de première importance. Lancée juste après la crise financière des Subprimes-Lehmann, ce projet d’étalon universel mettra au minimum une vingtaine d’années pour devenir une réalité alternative au dollar. Mais ne nous y trompons pas, le bitcoin est bien une seconde monnaie étatsunienne. La gestion de la substitution du dollar vers le bitcoin risque d’être problématique, car l’adoption de cette cryptomonnaie affaiblit paradoxalement la devise historique yankee, en particulier sur le « marché gris » des pays en développement. Davantage de transactions en bitcoin impliquent moins de transactions en dollar. Donc, celui-ci s’affaiblit et risque de provoquer une crise sur la dette. Il est donc possible, comme nous l’avons vu plus haut, que la guerre généralisée soit aussi nécessaire en bloquant la dette US pour faciliter cette transition monétaire.
Contrer l’Euro pour protéger le dollar et permettre une transition calme vers le bitcoin
Donc, permettre une transition sereine vers le bitcoin exige que le dollar ne s’effondre pas d’un coup, trop violemment. Une nécessité impérieuse qui oblige à renforcer certaines alliances, par exemple entre les États-Unis et les pétromonarchies du Golfe. Une certaine « tranquillité monétaire », même provisoire, exige un accord avec les détenteurs des pétrodollars qui contrôlent la majorité des capitaux flottants, éléments déterminants pour la fixation des cours sur les marchés financiers.
Il est probable que le gouvernement étatsunien mette tout en œuvre pour contrer la devise européenne à très court terme.
Dans ce schéma idéal, la monnaie américaine doit se déprécier lentement, mais garder une certaine valeur, en tous les cas dans les 5 à 10 ans à venir. Pour réaliser cet exploit, alors que le dollar ne vaut objectivement plus grand-chose et est également phagocyté par le développement du bitcoin, il n’y a qu’une seule solution : qu’il résiste par pure pesanteur, bref qu’il survive quelque temps par son usage habituel, presque par routine. Car il est encore aujourd’hui l’étalon monétaire mondial et doit le rester provisoirement en attendant le bitcoin. Pour cela, une condition est indispensable : il ne faut aucun concurrent à l’échelle occidentale. Or, il en existe un : il se nomme l’euro ! Il est donc probable que le gouvernement étatsunien mette tout en œuvre pour contrer la devise européenne à très court terme. Car le choix doit être simple pour les acteurs des transactions internationales : « le dollar pour le moment en attendant le bitcoin demain… et rien d’autre ! ».
Alors, comment faire pour casser cette dangereuse concurrence monétaire ?
Les États-Unis vont certainement engager le fer contre le défaut de la cuirasse de l’Union européenne, c’est-à-dire son gouvernement politique. C’est le bon vecteur pour toucher l’euro par la bande. Trump et son équipe gouvernementale soutiennent déjà et soutiendront de toutes leurs forces et influences les partis politiques d’extrême-droite tels que l’AFD en Allemagne ou le Rassemblement National en France. Le département d’État a officiellement édité une proclamation d’aide et d’assistance aux organisations de la droite radicale dans tous les pays de l’UE(2)https://legrandcontinent.eu/fr/2025/05/29/par-un-canal-officiel-les-etats-unis-de-donald-trump-lancent-un-appel-au-changement-de-regime-en-europe-texte-integral/..
Derrière un discours de « guerre de civilisation » et de soi-disant défense des valeurs occidentales depuis la Grèce antique, Washington intervient pour imposer des gouvernements anti-européens dans les pays importants de la vieille Europe, comme l’Allemagne ou la France. Trump se fiche bien de l’AFD allemand ou du RN français. Il se contrefout des « valeurs » gréco-romaines. Il se sert simplement des « idiots utiles » de l’extrême-droite européenne comme bélier pour limiter le rayonnement européen et surtout pour cantonner sa monnaie ! Gageons que l’ambassade des États-Unis, place de la Concorde à Paris, fera tout son possible et jouera de son influence et de son rayonnement pour provoquer si possible une nouvelle dissolution du parlement français et l’arrivée du RN à Matignon. Dans ce cas, la politique monétaire et financière de l’UE serait gravement perturbée et l’euro resterait à sa place de monnaie secondaire et non plus de concurrente pour le leadership face au roi dollar.
La guerre en Asie en 2027 ?
Comme nous l’avons vu, une transition monétaire nécessite également un gel de la dette américaine, en reportant à plus tard ses remboursements très fortement dévalués. Seule la guerre généralisée avec l’Asie comme front principal peut permettre de remplir cet objectif monétaire et financier.
Or, pour qu’une guerre ait lieu entre les deux premières puissances du monde, il faut la préparer. Depuis la fin du 19e siècle, au minimum 4 budgets annuels de réarmement sont indispensables pour ce faire. Par exemple, pour la Seconde Guerre mondiale, les premiers budgets de guerre datent de 1935 pour l’Allemagne et de 1936 pour la France. Il en est de même aujourd’hui. L’expansion du budget de la défense chinois date de 2023. L’augmentation du budget de la défense des États-Unis est de l’année suivante, soit 2024. Aujourd’hui, ce budget atteint 850 milliards de dollars et atteindra 1 000 milliards en 2026. Nous pouvons donc estimer que « le fer » pourrait être engagé à partir de 2027 pour la Chine et de 2028 pour les États-Unis.
Notons que l’empire du Milieu a une légère avance. Il peut en profiter pour attaquer plus tôt Taïwan, sachant que, de toutes les manières, la guerre est inéluctable pour des raisons financières et surtout monétaires. La survie du capitalisme occidental est à ce prix. XI Jinping peut considérer que, derrière ses rodomontades, Trump craint en fait la guerre, et la lui imposer au pire moment de la bascule monétaire dollar-bitcoin. Un indice existe qui va dans ce sens : l’attitude dilatoire de Moscou, allié de la Chine, dans la guerre qui l’oppose à l’Ukraine. Visiblement, les deux alliés euroasiatiques ne désirent pas calmer le jeu en Europe. Poutine ne cherche aucunement à obtenir un « deal » dont Trump est friand, et cela, même avec des conditions favorables à la Russie. Cette crainte de la guerre de Trump est particulièrement visible au Proche-Orient, où les États Unis ont laissé un long moment Israël en première ligne et prendre tous les risques militaires contre l’Iran. L’US Army est finalement entré dans la bataille mais à reculons, en bombardant les sites nucléaires iraniens.
Pékin et Moscou considèrent que le temps travaille pour eux, en observant Washington déconstruire le camp occidental. Il est clair qu’aujourd’hui aucune alliance occidentale, en ajoutant le Japon ou la Corée du Sud, n’est opérationnelle pour une guerre généralisée contre la Chine alliée à la Russie et à la Corée du Nord.
Pour l’année qui vient, ce sera de deux choses l’une : ou bien un temps de latence pour fourbir les armes destinées à une guerre en 2027-2028, ou bien la Chine choisira de prendre les devants et d’attaquer Taïwan.