Après les fêtes de fin d’année, retour au réel économique et social !

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Nous espérons que vous avez passé de bonnes fêtes de fin d’année et si c’est le cas, c’est toujours cela de gagné ! Mais le retour au réel va être dur ! Le texte qui suit aborde plusieurs thèmes qui seront développés tout au long de l’année à venir :

– un nouveau gouvernement qui avance vers l’union de toutes les droites,

– une nouvelle loi sur l’immigration qui nous propulse vers l’union de toutes les droites,

– la France et le Proche-Orient,

– les nombreuses injustices sociales qui se renforcent,

– l’inflation et les salaires,

– la réindustrialisation,

– la transition écologique,

– l’Union européenne.

Un nouveau gouvernement qui avance à petits pas vers l’union de toutes les droites

Contrairement à ce que racontent la faune politicienne et médiatique, la première caractéristique et la plus importante de ce nouveau gouvernement Macron-Attal est la nomination d’Emmanuel Moulin comme directeur de cabinet d’Attal. La charnière Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée, et Emmanuel Moulin est en place. Car il s’agit bien d’une charnière dont l’importance dans la Vème République vaut celle des numéros 9 (demi de mêlée) et 10 (demi d’ouverture) d’une grande équipe de rugby. La verticalité du pouvoir est amplifiée et assurée par des pro-Medef assumés. Emmanuel Moulin, rocardien dans sa prime jeunesse, puis banquier et enfin sarkozyste, fortifie la charnière de l’extrême centre macroniste pour engager la nouvelle séquence allant vers l’union de toutes les droites.

La deuxième caractéristique de ce gouvernement moins importante que la précédente est néanmoins la nomination de Gabriel Attal au poste de Premier ministre. C’est un communicant hors pair qui est chargé de mettre en valeur la politique de l’extrême centre macroniste transmise par la charnière Kholer-Moulin dans cette séquence qui doit intégrer de façon holistique les défis qui s’annoncent (l’élection du 9 juin, les Jeux olympiques, l’installation de la nouvelle géopolitique, le passage de l’Union européenne sous une direction otanienne, la nécessaire lutte de classes au profit du grand patronat, etc.).

La troisième caractéristique est le resserrement du nombre de ministres de plein exercice ce qui devrait augmenter l’efficacité de l’accélération du projet de l’extrême centre macroniste.

La quatrième caractéristique de ce gouvernement est la continuation du virage sarkozyste de l’extrême centre macroniste, virage indispensable pour cette marche vers l’union de toutes les droites, virage que la faune politicienne et médiatique a remarqué par l’arrivée de deux ministres de plein exercice dans le saint des saints de l’extrême centre.

La cinquième caractéristique de ce gouvernement est la nomination de Catherine Vautrin dans le saint des saints du temple de l’extrême centre. Outre qu’elle fait partie du monde obscurantiste de la Manif pour tous, elle a gravi avec brio toutes les marches du groupe assurantiel privé américain Cigna jusqu’à atteindre le haut de l’exécutif européen de ce groupe assurantiel largement soutenu par différentes banques et fonds de pension étasuniens.

Comprenez là que l’extrême centre et le grand patronat ne font pas la même erreur que la gauche française, cette dernière négligeant la défense et la promotion de la sphère de constitution des libertés (école, services publics et sécurité sociale) que la gauche avait mises aux avant-postes dans les années 1945-46. Par exemple, pour la Sécurité sociale (641 milliards de budget en 2024), cela veut dire que la France soutiendra l’offensive menée conjointement par le néolibéralisme planétaire et l’ordolibéralisme européen, qui vont entraîner la continuation des politiques d’austérité, accélérer la marche vers la privatisation des profits et la socialisation des pertes dans l’axe de l’Accord national interprofessionnel (ANI) des années 2010, de la protection sociale complémentaire (PSC) des années 2020 et permettra à partir de 2026 l’attaque directe contre la Sécurité sociale (voir notre précédent éditorial).

Synthèse de notre analyse sur la loi sur l’immigration

Cette loi a été votée avec un écart de 163 députés entre cette union de toutes les droites et la gauche (349 contre 186) !

Cette défaite de la gauche est la conséquence des lignes stratégiques des directions des différentes organisations syndicales et politiques de gauche qui ne réfléchit plus et centralise peu le dossier de l’immigration dans leur stratégie générale. Et elle s’est accentuée par un jeu d’apprentis-sorciers des députés de gauche de l’Assemblée nationale.

Cette défaite de la gauche est la conséquence des lignes stratégiques des directions des différentes organisations syndicales et politiques de gauche qui ne réfléchit plus et centralise peu le dossier de l’immigration dans leur stratégie générale. Et elle s’est accentuée par un jeu d’apprentis-sorciers des députés de gauche de l’Assemblée nationale. Explications.

La gauche a oublié un de ses anciens slogans « Français-immigrés, même patron, même combat ». Qui mène le combat culturel et de classe auprès des travailleurs pour l’unité du salariat ? Doit-on continuer à accepter le travail au noir ? Doit-on accepter que des travailleurs soient embauchés avec fiches de paye par le patronat depuis des années sans qu’ils soient régularisés ?

Cela fait un an et demi que des structures de bases (syndicats, collectifs, groupes politiques, etc.) se mobilisent dans le désert pour dénoncer cet état de fait. Il a fallu attendre que la loi soit votée par toutes les droites et que le rôle central du RN soit visible pour que des réactions s’organisent. Et encore avec les mêmes travers bureaucratiques que d’habitude… Et le résultat, c’est la cacophonie avec des appels pour une manifestation le 14 janvier 2024 et celle du 21 janvier 2024. On voudrait diviser ce combat entre ceux qui se battent depuis longtemps sur ce dossier et ceux qui sont nouveaux sur celui-ci que l’on ne s’y prendrait pas mieux ! Pour l’instant, la machine à perdretourne à plein régime…

Cerise sur le gâteau d’une mauvaise stratégie, la tactique suicidaire de l’ex-Nupes qui a abouti à une loi sur l’immigration la moins républicaine depuis la Libération!

Il faut dire que la gauche ex-Nupes a fait ce qu’il faut pour que la loi soit la pire ! Elle a obtenu la majorité sur une motion de rejet qu’elle a déposé alliant la gauche au bloc libéral-identitaire-autoritaire (au sens de Karl Schmitt) dans un contexte qui favorise l’union de toutes les droites, car cette dernière est bien supérieure en nombre à la gauche. Alors, ce fut un jeu d’enfant pour Emmanuel Macron de choisir la suite à savoir une commission mixte paritaire pour éviter la discussion article par article qui est moins pire quand on est minoritaire, car elle n’oblige pas à l’alliance de toutes les droites par le haut (la décision se prend alors par la commission de 7 députés et de 7 sénateurs).

Notre gauche parlementaire a donc joué les apprentis sorciers à savoir offrir une sorte de 49-3 à Emmanuel Macron, mais non comptabilisée comme un 49-3. En effet, une motion de rejet + une commission mixte paritaire où l’union de toutes les droites majoritaires peut se constituer sans débat démocratique, c’est en fait l’équivalent d’un 49-3 non comptabilisé et sans motion de censure. Bien sûr, la gauche va déposer un recours au Conseil constitutionnel qui se justifie tellement cette loi est contraire à la Constitution actuelle pour cinq raisons :

– impossibilité de l’expulsion des binationaux qui ont commis un meurtre de policiers, car on ne peut pas expulser un national (même s’il cumule la nationalité française avec une autre nationalité).

– la préférence nationale pour les prestations non contributives (allocations familiales, APL, APA…). Leur suppression pour un étranger en séjour régulier est contraire au principe d’égalité, mais aussi à la Convention des droits de l’enfant (CIDE).

– droit du sol : le projet de loi oblige pour acquérir la nationalité française pour les mineurs de parents étrangers, à la demander entre 16 et 18 ans. Pour l’instant cette acquisition est automatique s’ils prouvent qu’ils sont en France depuis l’âge de 11 ans et ont vécu au moins 5 ans en France jusqu’à leur majorité. C’est inconstitutionnel, car cela relève du cavalier législatif.

– amende pour séjour irrégulier : 2 arrêts de 2011 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ont obligé la France à supprimer du Code pénal le délit de séjour irrégulier.

– conditionner la délivrance d’un titre de séjour pluriannuel à la maîtrise d’un certain niveau de français. Un Norvégien qui se marie avec une Française ne pourrait donc pas avoir de titre de séjour. C’est inconstitutionnel selon le principe de la liberté du mariage et du respect de la vie privée et familiale. Élisabeth Borne, elle-même, a convenu que c’était inconstitutionnel.

Voilà qui donnera un boulevard au RN qui démarrera une campagne justifiant leur proposition d’un référendum pour rendre constitutionnel ce qui ne l’est pas aujourd’hui. Triste perspective.

Les positionnements en France liés au conflit du Proche-Orient

ReSPUBLICA s’est déjà intéressé au positionnement de la population française suite d’une part au pogrom perpétué par le Hamas le 7 octobre et d’autre part par la répression sauvage ordonnée par le gouvernement de droite et d’extrême droite israélien (voir notre précédent article).

Perception du Hamas chez les musulmans

Une nouvelle étude(1)Source : https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2023/12/120289_Synthse_Ifop_EDV_Gaza_2023.12.18-1.pdf montre que sur le millier de Français musulmans interrogés sur le Hamas, 19 % déclarent leur sympathie, 25 % leur antipathie et 56 % ni l’un ni l’autre. Une lecture attentive de cette étude montre que la catégorie sociale la plus favorable au Hamas chez les Français musulmans sont les couches moyennes intermédiaires (21 %) alors que la classe populaire ouvrière et employée est sur ce sujet en dessous de la moyenne sociale.

À noter que ce même panel déclare leur sympathie pour l’autorité palestinienne à 59 % et à Israël à 9 %. Concernant la qualification de l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier, 45 % qualifient les attaques menées par le Hamas « d’action de résistance contre la colonisation » (50 % chez les pratiquants réguliers), 26 % « de crimes de guerre » et 29 % « d’actes terroristes » soit 55 % des Français musulmans jugent négativement les actions du Hamas en territoire israélien.

Perception du Hamas par l’ensemble des personnes résidant en France

Ces résultats peuvent être comparés à un autre sondage du même institut réalisé également fin novembre 2023 sur 1014 « personnes résidentes sur le sol français » (source : https://www.ifop.com/publication/le-regard-des-francais-sur-le-conflit-israelo-palestinien-et-ses-consequences-sur-la-france-2/­).

Les résultats concernant la sympathie ou l’antipathie donnent pour le Hamas 3 % qui ont de la sympathie, 54 % de l’antipathie et 43 % ni l’un ni l’autre. En ce qui concerne l’Autorité palestinienne, la sympathie est donnée pour 10 %, de l’antipathie pour 28 %, ni l’un ni l’autre 62 %. Pour Israël, la sympathie pour 28 %, l’antipathie pour 15 %, ni l’un ni l’autre pour 57 %.

En ce qui concerne la caractérisation des actions du Hamas, 10 % qualifient ces actions d’actions de résistance, 36 % de crimes contre l’humanité et 54 % de crimes terroristes soit 90 % de jugements négatifs.

Perception concernant les actions en Cisjordanie

Sur la qualification des actions en Cisjordanie de l’armée israélienne et des colons, la qualification de « nettoyage ethnique » est approuvée par 62 % des Français musulmans contre 38 % concernant la population résidant sur le sol français.

La France Insoumise aveuglée par le bloc des électeurs qu’elle veut séduire

Ces études intéressantes corroborent l’idée que le positionnement actuel de la direction de la France insoumise largement tournée vers une position électoraliste essentialiste et identitaire envers les Français de confession musulmane est erroné, car elle sous-estime la complexité du vote des Français de confession musulmane et ne participe en rien à la nécessaire bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle qui pourrait s’appuyer dans cette catégorie sur ceux qui partagent les positions laïques et sociales du projet de la République sociale. En ce qui concerne les autres partis de l’ex-Nupes, il faudrait d’abord qu’ils puissent fédérer une partie significative de la classe populaire ouvrière et employée. Et pour tous les 4 partis de l’ex-Nupes, elle devrait viser à unifier la classe populaire ouvrière et employée tant urbaine, que banlieusarde, que périphérique et rurale.

Un autre enseignement montre que malgré un fort soutien à la cause palestinienne, le désir largement majoritaire est de refuser l’importation du conflit israélo-palestinien en France. Le sondage montre le peu d’enthousiasme pour soutenir les manifestations pro-palestiniennes à répétition. Cela est corroboré par le faible nombre de manifestants en France. Seuls les jeunes de moins de 35 ans sont une forte minorité à la souhaiter.

Les indices des difficultés et injustices futures sont légion

Nous venons d’apprendre que l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans est de 11,8 ans pour les femmes (soit une baisse par rapport à 2021 de 0,8 année) et de 10,2 ans pour les hommes (soit une baisse de 1,1 année en 2021). Quant à l’espérance de vie à la naissance sans incapacité est passée de 67 ans à 65,3 années pour les femmes et de 65,6 à 63,8 années pour les hommes.

Nous venons d’apprendre que la Chine vient de sortir une arme économique à savoir une politique plus restrictive des produits raffinés des terres rares. Quand on sait qu’actuellement 90 % des terres rares indispensables par rapport notamment aux batteries électriques sont raffinés en Chine, les conflits économiques se préparent donc dans la nouvelle géopolitique.

Sur le plan économique, nous allons subir les conséquences des réformes de l’extrême centre macroniste (notamment sur le RSA et sur les retraites). En effet, la politique du gouvernement avait justifié ces réformes en partie sur le fait que cela allait augmenter le nombre de travailleurs au travail et donc augmenter les richesses produites par la France. Il comptait remettre au travail 1 million de travailleurs, moitié via la réforme du RSA et l’autre moitié via la réforme des retraites. Faisons un résumé d’un cours d’économie de premier niveau. Ces réformes vont faire augmenter la population active, c’est sûr. Mais cette augmentation de la population active créera soit une augmentation des travailleurs en emploi soit une augmentation du chômage suivant que ces travailleurs trouvent ou non un emploi. Donc cela dépend de la conjoncture économique.

Remarquons que les indices économiques se dégradent, la création de richesses n’a pas été au rendez-vous du troisième trimestre 2023 avec un recul de 0,1 % du produit intérieur brut (PIB qui mesure la somme des valeurs ajoutées produites) à cause de la baisse du pouvoir d’achat et des investissements en berne dans les transports et la construction. Cela a eu comme conséquence d’augmenter le nombre de chômeurs de catégorie A de 0,2 %. Nous attendrons les chiffres pour le 4e trimestre. La plupart des économistes sérieux tablent alors sur le maintien de cette tendance sur l’année 2024. Donc, les deux réformes du RSA et des retraites vont probablement augmenter les chiffres du chômage de catégorie A. Et comme la somme des chômeurs de catégories A, B, C, D, E est déjà largement supérieur à 6 millions, nous laissons le lecteur de ReSPUBLICA prendre conscience de la probabilité forte d’un accroissement substantiel du chômage.

Rappelons le niveau du salaire net, hors allocation logement, des différentes strates sociales :

  • quelqu’un au RSA doit vivre avec 535 euros par mois, alors que le seuil de pauvreté est de 940 euros,
  • un smicard est un peu au-dessus, à 1 353 euros nets,
  • le revenu médian se situe à 1 880 euros,
  • dès 3 300 euros, on entre dans les 10 % les plus aisés,
  • à partir de 4 110 euros, on est dans les 5 % les plus riches,
  • les 1 % les plus fortunés se situent au-dessus de 7 180 euros,
  • les milliardaires qui représentent 0,0002 % les plus riches paient un taux de seulement 2 % de leur revenu économique ! En fait, alors que le taux d’imposition des 0,1 % est de 46 %, il passe ensuite à 26 % pour les milliardaires ! Organisez une réunion publique, on viendra vous expliquer tout cela !

Baisse de la fiscalité du capital : aucun effet

De plus, France Stratégie a remis son rapport final(2)Source : https://www.strategie.gouv.fr/publications/comite-devaluation-reformes-de-fiscalite-capital-rapport-final. qui montre que la baisse de la fiscalité du capital n’a eu aucun effet sur l’économie et donc n’a permis qu’à enrichir les plus riches. Avouer qu’Emmanuel Macron est un bon gérant des intérêts du capital ! D’autant que France Stratégie dépend des services du Premier ministre !

Indice des prix : pas de baisse

Cerise sur le gâteau du réel, l’évolution de l’indice des prix à la consommation sur 2023 est d’environ 5 % (un peu plus que 4,8 % en réalité d’après l’INSEE). La tendance à la désinflation ne se confirme pas, au contraire, alors même que le chômage et la pauvreté s’aggravent. Et bien sûr, le détail de la hausse des prix par poste de consommation affecte bien plus la classe populaire ouvrière et employée, le lumpenprolétariat et les catégories intermédiaires (alimentation, énergie, etc.). Et dans l’état de l’économie française, tout ralentissement de l’inflation ne se traduirait pas par une baisse des prix.

Par ailleurs, la baisse extraordinaire de la productivité du travail observée en France depuis la crise Covid a permis au chômage de reculer, mais la fin des soutiens à l’emploi va changer la donne.

Alors qu’elles devraient être nos tâches politiques ?

Améliorer les conditions matérielles des plus démunis

Il faut d’abord raisonner avec le primat des questions économiques et sociales, qui seule peut servir de base au rassemblement de la gauche dans une gauche de gauche : pas une extrême gauche, pas une gauche modérée, pas une gauche sociale-libérale, une gauche de gauche. Le livre de Cagé et Piketty est clair là-dessus. Leur étude de plus de 800 pages menée de 1789 à nos jours est nette à ce sujet. Bien sûr, il convient de lutter contre le racisme et les discriminations de genre, mais pas à la façon woke qui fonctionne principalement sur les questions internationales et sur les politiques essentialistes et identitaires. Le mot d’ordre juste est le rassemblement de la classe populaire ouvrière et employée (45 % de la population active), quels que soient leur origine, leur religion, leur sexe et leur genre. Idem pour les couches moyennes intermédiaires et ainsi de suite. Si la gauche est largement minoritaire aujourd’hui, c’est qu’elle a rompu avec le primat des questions économiques et sociales. Elle manque de volonté pour s’inscrire dans la lutte des classes provoquée par l’action du capital et du grand patronat.

Pour cela, il faut rompre avec le remplacement de la politique par de la morale (la fameuse moraline). Pour cela, il faut rompre avec le mépris de classe, il faut comprendre que la gauche doit avoir comme axe central l’amélioration de la vie des travailleurs et de leurs familles. Comprendre pourquoi le nationaliste Narendra Modi va sans doute gagner l’élection centrale du pays le plus peuplé du monde ? Oui, il faut combattre son nationalisme, mais il faut comprendre que des centaines de millions de personnes vivent mieux grâce aux distributions directes d’aides « tangibles » aux plus démunis. Ce que la gauche indienne, à l’instar de la nôtre, n’a pas été capable de faire. La gauche indienne bourgeoise, il y a dix ans, n’a été capable que de fournir 800 millions d’euros pour plus de 100 millions d’Indiens. Narendra Modi a donné 26 milliards à 700 millions d’Indiens soit 500 fois plus pour 7 fois plus de personnes ! Bien sûr, il a bénéficié d’une forte croissance.

Mais pendant ce temps-là, le président Macron, finance les ultra-riches qui voient donc leurs dividendes grossir sans croissance. Bien sûr, nous sommes dans un pays développé avec un PIB par habitant plus élevé donc nous devons développer aussi fortement la sphère de constitution des libertés, à savoir l’école, les services publics et la Sécurité sociale. Il faut également une amélioration substantielle visible et substantielle chez les plus démunis. Voilà comment une gauche de gauche doit développer sa ligne stratégique !

Loi de financement de la Sécu : action syndicale faible

Il faut en finir par exemple avec le fait qu’aucune action syndicale n’a eu lieu contre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2024). Il faut en finir avec l’impréparation syndicale des batailles sur les salaires. Sur ce point, il faut prendre appui sur la victoire syndicale des travailleurs américains dans les entreprises automobiles obtenue grâce à une préparation minutieuse du mouvement de grève alors qu’en France on se borne à la distribution des tracts et aux grandes manifestations sans préparer minutieusement les mouvements de grève par un lien personnel avec tous les travailleurs !

La réindustrialisation : axe essentiel pour une gauche de gauche et les syndicats ouvriers

Puis, les mouvements politiques et syndicaux doivent prendre à bras-le-corps les fléaux du désastre français : la désindustrialisation qui continue, l’immigration maltraitée, de croire que pour combattre l’extrême droite il suffit de dire que le RN est dans le camp du mal et donc qu’il suffit de la diaboliser, et la dérive fédéraliste de l’Union européenne. Oui, il faut qu’une gauche de gauche se remette à penser la réindustrialisation massive et donc à penser l’ensemble des conditions de sa réalisation.

La transition écologique axiale n’est toujours pas à la hauteur des enjeux

Comme tout le monde parle de transition écologique, on peut avoir l’impression que tout le monde y participe. C’est pour cela que nous parlons de transition écologique axiale, car elle doit devenir un axe de toutes les politiques thématiques et non une simple action d’un ministère. Pour cela, il nous manque une planification générale afin de pouvoir penser, agir et réaliser une vraie transition écologique. Nous reviendrons ultérieurement sur ce thème qui mérite mieux que son traitement actuel au niveau de notre pays, mais aussi au niveau des organisations de gauche.

Une gauche qui doit se coltiner la question de l’immigration : salaire et citoyenneté

Oui, il faut qu’une gauche de gauche modifie notre logiciel sur le dossier de l’immigration. La discussion sur l’immigration n’a de sens que si elle s’inscrit dans un débat plus complexe, aujourd’hui totalement escamoté, qui est celui de savoir ce que cela veut dire aujourd’hui d’être citoyen, d’être membre d’une nation. Cela ne peut se résumer à un salaire indigne. Et la citoyenneté liée à la nationalité doit rester désirable y compris avec les devoirs afférents à tous les citoyens. La France est sur une longue période, le plus grand pays européen d’immigration. Elle a assimilé et intégré à l’intérieur de la nation française capable de solidarité inconditionnelle et impersonnelle. L’intégration laissant la possibilité de choisir à l’intérieur de la nation une communauté culturelle qui ne peut relever que de la sphère privée de chaque individu, mais avec strictement les mêmes droits que tous les autres.

Mais aujourd’hui, notre nation préfère à l’intégration, l’insertion par le seul travail indigne (voir les travailleurs ayant une fiche de paye alors qu’ils ne sont pas régularisés administrativement ou de l’ensemble des travailleurs précaires) sans intégration à la nation. Tout cela parce que nous cédons trop aux thuriféraires de la nation ethnique étrangère à la République sociale. Nous ne pouvons accepter ce que Marx n’acceptait déjà pas dans son manifeste de 1848 à savoir de n’avoir, avec une partie des travailleurs, que des rapports d’argent dégradés. Non, il faudra savoir bien résister à la politique du patronat (qui a le soutien d’une gauche wokiste) qui ne souhaite que des travailleurs « immigrés » avec des salaires indignes et sans être citoyens avec des droits différents des citoyens, alors qu’une économie gauche de gauche aura besoin de plus de citoyens quelles que soient leurs origines. Elle doit lutter efficacement contre le travail au noir largement pratiqué même par la bourgeoisie de gauche wokiste ! Nous y reviendrons ultérieurement dans des réunions publiques de formation et d’éducation populaire refondée.

Oui, il faut rompre avec la croyance que nous ont insufflée François Mitterrand et Bernard Tapie selon laquelle il suffit de diaboliser par la morale le FN-RN pour prendre le pouvoir tout en développant un mépris de classe pour la classe populaire, ouvrière et employée. Cette politique est un échec sur toute la ligne depuis 40 ans. Oui, il faut plus se préoccuper de cette classe géo-sociale surtout en zones périphériques et rurales, car c’est là qu’elle est majoritaire ! Oui, ils sont très majoritairement « fâchés et pas fachos » ! À force que la gauche syndicale et politique se détourne des principes laïques et républicains, elle permet à l’extrême droite et à la future union de toutes les droites de s’accaparer ces mots pour les travestir. Ce qui a été fait contre le droit du sol dans la dernière loi sur l’immigration par exemple.

L’Union européenne est autant, pour la France, un problème interne qu’une question de politique étrangère

Reste aussi la question de l’Union européenne comme l’une des composantes interdépendantes de la crise de la nation française. Autant, il faut lutter contre le nationalisme, autant il faut mettre un coup d’arrêt à la dérive fédéraliste de l’Union européenne. Ce qui a eu encore lieu le 29 novembre dernier pour la proposition de résolution européenne suite à la conférence sur l’avenir de l’Europe(3)Voir le projet de loi (https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16t0197_texte-adopte-provisoire.pdf) et la proposition de résolution européenne : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/actualites-accueil-hub/suites-de-la-conference-sur-l-avenir-de-l-europe-adoption-d-une-proposition-de-resolution-europeenne.

À noter qu’aucun député communiste et écologiste ne fut présent et que seuls deux députés socialistes étaient présents !

Autant il faut combattre ceux qui voient dans l’Union européenne la cause de tous nos maux. L’exemple de l’énergie que la France paye plus de trois fois le prix que paye la Suède, membre de l’UE depuis 1995, montre bien que, sur cette question, la France est bien plus néolibérale que la Suède et que ce n’est pas l’Union européenne qui en est responsable !

Mais la lente chevauchée vers le fédéralisme européen sans qu’il y ait des modifications des traités et des directives est problématique pour la France. L’élargissement sans refondation de l’UE favorise de plus en plus l’Allemagne et son hinterland largement majoritaire aujourd’hui. À cela s’ajoutent des textes qui corsètent la politique contre les services publics français (SNCF, directive Solvabilité 2, etc.). De plus, le principe de subsidiarité prévu à l’article 5 du TUE n’est plus respecté, ce qui permet ainsi à a Commission d’empiéter sur les prérogatives des États. Enfin, l’absence de démocratie dans l’UE au sens de Condorcet (lien direct entre les électeurs et l’entièreté du pouvoir législatif, information préalable de tous les électeurs, débat raisonné, référendum d’initiative citoyenne, référendum révocatoire) éloigne les citoyens des différents peuples européens de l’Union européenne.

De tout ceci, nous arrivons à une triple conclusion :

  • que la fuite en avant sans processus démocratique permettant une refondation de l’Union européenne n’a aucune chance d’aller vers une Europe puissance indépendante des États-Unis et n’a pas plus de chance d’entraîner l’enthousiasme des citoyens des différents peuples européens si on ne modifie pas le carcan statutaire et de certaines directives. Tout au plus, cela assurera de plus en plus la direction otanienne et anti-démocratique de l’Union européenne ce qui favorisera l’union de toutes les droites dans l’Union européenne.
  • qu’il serait néanmoins souhaitable que les différents partis de gauche français aient une politique concrète de défense des intérêts de la France et donc des catégories populaires majoritaires en France lorsqu’ils siègent au Parlement européen.
  • que le débat qui aura lieu pour les élections du 9 juin 2024 aille au fond du sujet et ne servent pas seulement aux partis pour récompenser les « chouchous » des bureaucraties organisationnelles.