Élections générales au Honduras : les magouilles de Trump

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Pour ces élections générales au Honduras le 30 novembre dernier (présidentielles, législatives et municipales), trois candidats à la présidence se disputaient la faveur des sondages avec chacun des chances de l’emporter… Le Parrain de Mar-a-Lago (Donald Trump) s’invitait cependant avant le scrutin et intervenait clairement dans cette course très disputée en désignant aux Honduriens « son » candidat.

Le Honduras, terre d’intervention

Dans ses moments de lucidité, Donald Trump offre au monde une loupe et, avec elle, tout devient extrêmement lisible. Dans le cas précis de ces dernières élections au Honduras, il met au clair l’ingérence des États-Unis envers tout le sud du continent américain, ingérence pratiquée depuis des décennies par les démocrates ou les républicains, pas toujours aussi ouvertement qu’aujourd’hui, mais de façon néanmoins systématique. Au Honduras, chacun se souvient du 28 juin 2009, le jour où le Président en exercice, Manuel Zelaya, fut enlevé de nuit et aéroporté par des militaires, alors qu’il se trouvait encore en pyjama, hors du pays sous les ordres de la secrétaire d’État d’alors, Hillary Clinton, en accord avec le président Obama. Le but de cette opération (qui ne fut avoué que plus tard) : couper le petit pays d’Amérique centrale du Venezuela d’Hugo Chavez, qui commençait à prendre de l’importance dans la zone.

Ce coup d’État permit alors au Parti National de gouverner de 2010 à 2022, tandis que s’établissait tranquillement un véritable trafic de drogue entre le Honduras et les États-Unis, trafic qui touchait au plus haut niveau : Juan Orlando Hernandez, président de 2014 à 2022, fut d’ailleurs extradé après son dernier mandat, reconnu coupable de l’envoi de 500 kilos de cocaïne par les tribunaux étatsuniens et condamné à une peine de 45 ans de prison, pendant que son frère écopait de la perpétuité.

Interventionnisme ouvert de Donald Trump

Fidèle tant à sa réputation qu’à cette tradition étatsunienne, Trump n’a pas pris de gants pour s’ingérer directement dans cette dernière campagne électorale et a directement demandé aux Honduriens de voter pour Nasry Asfura, candidat du Parti National, c’est-à-dire le parti d’Hernandez. Des centaines d’appels téléphoniques automatiques ont relayé le message de Trump, en répétant au fil des jours qu’il fallait « s’opposer au communisme ». Asfura, dans le même temps, inondait les réseaux sociaux de sa photo aux côtés de Trump.

Pour enfoncer le clou, ce dernier a dernièrement amnistié Hernandez, accusant Biden d’avoir en fait magouillé pour obtenir sa condamnation. Pourquoi se gêner ? N’a-t-il pas agi de même avec les Argentins quelques semaines avant les élections en leur demandant de choisir le parti de Milei(1)https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-monde/respublica-amerique/cartel-de-mar-a-lago-episode-3-milei-et-les-faveurs-du-parrain/7439229. ?

Trois prétendants à la présidence

D’abord Rixi Moncada, une figure historique du Parti Libre qu’elle a cofondé avec la victime du coup d’État de 2009, l’ex-président Zelaya, et qui avait mené à la présidence en 2022 Xiomara Castro, l’épouse de Zelaya. Rixi Moncada, ministre de la Défense dans le gouvernement sortant, était donc partie prenante de son bilan sur deux dossiers majeurs, la sécurité et le narcotrafic. Or, les homicides ont diminué (3 921 en 2021 contre 2 579 en 2024), tout comme l’étendue de la culture de la coca, cinq fois moins importante que sous Hernandez. La pauvreté a également marqué le pas (- 13 %), même si le chiffre est encore insuffisant dans ce pays où deux tiers de la population vivent dans un état de pauvreté. Mais les résultats plutôt positifs de la précédente mandature n’ont pas suffi pour battre la machine Trump et Rixi Moncada arrive en troisième position avec 19 % des voix. Incontestablement, une grande déception à gauche.

Autre candidat à la présidence, Salvador Nasralla se présentait comme chef d’entreprise, mais c’est aussi un journaliste sportif qui connait bien le monde des médias ; c’est la troisième fois qu’il se porte candidat. Première tentative en 2013, où il fondait pour l’occasion un parti anti-corruption. Puis, en 2017, où il représentait le Parti Libre (celui de Zelaya et Rixi Moncada) et perdait à 1 % contre Hernandez (le « narco »). Il se rallie en 2021 à Xiomara Castro et sera son vice-président jusqu’en 2024, date de son départ du gouvernement. Il rejoint alors le Parti Libéral (droite) qu’il représente pour ce dernier scrutin. Son parcours atypique et pour le moins sinueux l’amène en seconde position avec 39,14 %.

Enfin, le probable vainqueur, le candidat de Trump, à 40,56 % : Nasry Asfura, maire de la capitale depuis 2014, battu à l’élection présidentielle de 2022 par Xiomara Castro et candidat du parti de la droite conservatrice, le Parti National, tout comme l’ex-président Hernandez. Ce dernier évoluait dans le trafic de drogue, mais lui, c’est plutôt le blanchiment. Soupçonné d’être à la tête d’un réseau de blanchiment lors de son mandat à la mairie de Tegucigalpa de 2017 à 2018, il apparait également dans le dossier des placements offshore dit « Panama Papers » et serait impliqué dans une série de malversations. Mais il est toujours parvenu à esquiver les condamnations, même si, en janvier 2021, la justice a pourtant saisi 12 propriétés lui appartenant. Comme son prédécesseur du parti national, une seule nuit de dépouillement (qui en a compté plusieurs) a suffi pour le faire repasser en tête avec 8 000 voix d’avance alors qu’il en avait 18 000 de retard…

L’ingérence de Trump dans cette élection créée polémique. Dès la fin du dépouillement, le parti Libre de Rixi Moncada et le parti libéral de Salvador Nasralla contestent la victoire de Nasry Asfura, d’autant que 2 700 procès-verbaux restent en litige. Le Conseil national électoral a jusqu’au 30 décembre pour proclamer le vainqueur.

Deux évidences : De toute façon, Trump est le grand vainqueur de l‘élection et ses chers amis du Parti National, qui luttent si bien contre le communisme, pourront sans doute poursuivre leurs petites affaires.

Reprise en maiN par les États-Unis

Les États-Unis reprennent la main en Amérique centrale, mais il faut dire que l’Union européenne, et la France en particulier, lui laisse le champ libre. Au début des années 2000, la France disposait encore d’un important réseau dans tous ces petits pays et s’affirmait, tant au niveau culturel et linguistique, qu’en matière de coopération policière et militaire en organisant chaque année des stages sous la direction d’experts de qualité. Or, les ambassades françaises fonctionnent aujourd’hui au ralenti, avec des moyens et des effectifs réduits au mieux à une simple présence. Que pèsent-elles face à la machine Trump ?

Absence des organisations internationales

Plus largement, et au-delà du Honduras, il est grand temps de se poser la question : face aux coups de boutoir des Trump, Milei, Bukele, Bolsonaro hier et bien d’autres demain, où sont les organisations internationales ?

Les principaux pollueurs sont absents de la COP 30 et s’en moquent éperdument(2)https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-combats/respublica-combat-ecologique/cop-30-de-belem-les-absents-et-les-pitres/7439368.. L’ONU et son conseil de sécurité regardent, impuissants, les agissements d’un président des États-Unis qui ordonne de bombarder des embarcations dans les Caraïbes, intervient ouvertement dans les campagnes électorales en Argentine ou au Honduras (mais aussi en Europe par le biais de son vice-président), impose des droits de douane pour faire pression sur les justices nationales, comme au Brésil pour que le tribunal suprême ne condamne pas Bolsonaro… Mais si le Brésil a réagi, l’Union européenne s’est couchée et a encaissé.

Un sursaut énergique et immédiat s’impose.