ARGENTINE : Milei, la tronçonneuse et la cryptomonnaie
Certains oublient parfois son nom, mais, lorsqu’il apparait à l’image, on reconnaît immédiatement « l’homme à la tronçonneuse », celui qui a réussi à se faire élire à la présidence de l’Argentine en promettant qu’il allait tout détruire.
Et Milei fait ce qu’il a promis, avec méthode, comme son ami et mentor Trump. Depuis novembre 2023, sa tronçonneuse ne cesse de fonctionner et tous les budgets subissent le même sort : suppression ou réduction drastique. Le ministère de la « dérégulation » dérégule. Il dérégule tout, les loyers, les prix, les industries, le commerce… la pauvreté aussi est dérégulée, elle explose et passe à plus de 50 % de la population. Mais en février 2025, Milei est tout sourire : il a réduit l’inflation à 2,2 %. Il est vrai qu’il n’y a plus beaucoup d’Argentins qui ont les moyens de se payer un café. Mais Milei aime la liberté, et, grâce à lui, les pauvres sont libres d’être pauvres comme les drogués sont libres de se droguer, et que l’on ne vienne pas le chercher pour aider les pauvres ou les drogués, qui sont tellement libres.
Il crie haut et fort qu’Elon Musk s’inspire de ses idées merveilleuses en matière économique pour mettre de l’ordre dans les budgets américains. Reçu à Washington par son « ami » en personne, il lui a offert une tronçonneuse toute neuve que Musk s’est empressé de brandir pour des images qui ont fait le tour du monde. Dans les années 80, on symbolisait la solidarité avec un sac de riz sur le dos, aujourd’hui, on sort la tronçonneuse pour clamer au monde le retour du « chacun pour soi ».
Le « chacun pour soi » trouve bien d’autres déclinaisons avec l’inventif président argentin. Dans le récent épisode de la cryptomonnaie, par exemple. Tout débute lorsqu’il décide de faire la promotion sur le réseau X d’une cryptomonnaie créée par un groupe d’amis, « $Libra », et recommande à ses fans d’en acheter, arguant que les fonds serviraient à financer des entreprises. La cotisation part en flèche, 40 000 investisseurs placent leur argent. En quelques secondes les cinq personnes qui ont lancé le projet vendent et empochent 90 millions de dollars, entrainant la chute de cette cryptomonnaie éphémère.
Milei voulait-il singer Trump, qui venait de lancer sa propre cryptomonnaie juste avant sa prise de fonction ? Toujours est-il que des proches d’un président en exercice ont tiré profit d’une fraude que lui-même a impulsée. Que répond Milei à cela ? « Quand on va au casino et qu’on perd, on ne demande pas réparation à l’État ».
D’ailleurs les États-Unis, comme les marchés gardent toute confiance en Milei. Puisqu’il dit qu’il est honnête…
BRÉSIL : l’étau se resserre autour de Bolsonaro
Bolsonaro n’a pas assisté à la prise de fonction de son successeur Lula (comme Trump d’ailleurs n’avait pas voulu participer à celle de Biden). Début 2023, l’ex-président brésilien se trouvait aux États-Unis, où il était parti « se ressourcer » après sa défaite, pendant que ses partisans assiégeaient les commissariats, postes de police et autres garnisons militaires devant lesquels ils campèrent des jours durant. Il était toujours aux États-Unis quand ces mêmes partisans décidèrent « spontanément » d’envahir et de saccager à Brasilia les symboles de la République, Parlement, Sénat, tribunal suprême de justice et présidence de la République le 8 janvier 2023.
Ce jour-là, les forces de l’ordre interviennent mollement, mais des interpellations ont finalement lieu, et tout rentre dans l’ordre dans la soirée. Le pire a été évité, la République n’a pas vacillé, et Lula apparait flanqué des présidents du Sénat, de l’Assemblée nationale et du tribunal suprême de justice, pour, tous ensemble, proclamer leur attachement à l’état de droit. Un président sortant défait qui hurle à la fraude électorale et des putschistes qui mènent l’assaut contre les symboles de la démocratie, on a déjà vu ça quelque part…
Quelques mois plus tard,cinq magistrats (sur sept) du tribunal suprême électoral votent l’inéligibilité de Jair Bolsonaro pour huit ans : un président en exercice a remis en cause le système électoral de son pays, il doit assumer ses responsabilités.
En mars 2023, on apprend que Bolsonaro a détourné des bijoux qui lui avaient été remis par l’Arabie saoudite lors d’un voyage officiel, après huit tentatives pour se les approprier avant de quitter la présidence. Après une longue enquête, les policiers recommandent l’inculpation de l’ancien président.
La machine judiciaire est en marche et, en février 2024, sur ordre du juge du tribunal suprême fédéral Alexandre de Moraes, 33 perquisitions sont menées au même moment dans neuf États brésiliens auprès d’ex-ministres, militaires, ou proches collaborateurs de Bolsonaro, dont Mauro Cid, son ex-majordome.
Enfin, au terme d’une minutieuse enquête, le 16 février 2025, le procureur de la République Paulo Gonet désigne Bolsonaro comme le chef d’un groupe de 33 personnes, civiles et militaires, ayant planifié un « état de rupture démocratique ». Soit un complot en vue d’un coup d’État qui aurait permis d’annuler les résultats de la présidentielle 2022, d’instaurer un état de siège, de tuer Lula, son vice-président Alkcmin et le président du tribunal suprême, bête noire des Bolsonaristes, Alexandro De Moraes…
Bolsonaro n’aura pas eu la même chance que son ami Trump, lui et ses complices seront jugés en 2025.
MEXIQUE : La diplomatie des drones
Le Mexique, qui partage 3 500 km de frontière avec son voisin nord-américain, s’attendait à un assaut musclé du nouvel arrivant à la Maison-Blanche le 20 janvier dernier.
Et de fait, la pluie s’est vite mise à tomber, et à tomber très fort : comme d’autres pays, le Mexique écope de 25 % de taxes, les narcos mexicains sont désormais des terroristes et les autorités étatsuniennes se réservent le droit de pénétrer sur le sol mexicain sans autorisation pour faire respecter la loi du Far West 2025… Bref, pour Trump, le Mexique « appartient » aux États-Unis. Et ce n’est pas une femme qui le fera reculer !
Le problème pour « Trump la menace », c’est que la femme en question n’est pas n’importe quelle femme. Portée à la présidence par 60 % de Mexicains en juin 2024, Claudia Sheinbaum a suivi une trajectoire remarquable, avec des années d’expérience auprès de Lopez Obrador à la mairie de Mexico, avant d’être élue elle-même maire de la capitale. Elle n’a pas pour habitude de s’emporter, mais plutôt d’analyser les problèmes, puis de proposer une solution toujours réfléchie et qui engage chacun.
Face au tourbillon médiatique de Trump, elle a donc commencé à rappeler calmement certaines vérités : oui, de très nombreux Mexicains « travaillent » aux États-Unis et pas seulement comme agents d’entretien, mais aussi comme ingénieurs dans l’industrie, dans le bâtiment, etc. Oui, bon nombre de géants de l’automobile produisent au Mexique pour le marché nord-américain, mais ce sont surtout des sociétés étatsuniennes, faut-il donc les taxer ? Et puis pourquoi les chefs de gangs narcos ne sont-ils jamais inquiétés aux États-Unis, et qui vend de la drogue dans les rues américaines, qui vend le fameux Fentanyl ?
Une communication téléphonique permet à Donald Trump de faire plus ample connaissance. Claudia Sheinbaum devient une « femme merveilleuse » et un délai d’un mois est accordé avant d’appliquer l’impôt de 25 %.
En accord mutuel entre les deux pays, le FBI intensifie la présence de drones à des fins d’observation côté mexicain pour la traque des narcos. Une collaboration avec la police mexicaine permet l’arrestation de 29 d’entre eux (dont Rafael Caro Quintero, recherché depuis quarante ans pour avoir abattu un agent de la DEA) et d’impressionnantes saisies de fentanyl, cocaïne et autres. Oui, avec Claudia Sheinbaum, on peut travailler en bonne intelligence si l’on respecte son pays…
Cela dit, le 3 mars, Trump applique finalement les 25 % de droits de douane. La partie ne fait que commencer.
BOLIVIE : Morales candidat en cavale
Que se passe -t-il entre le président Arce et l’ex-président Morales ?
Comment deux militants au sein d’un même parti, qui ont travaillé ensemble au sein d’un même gouvernement et ont eu des fonctions au plus haut niveau de l’État, en viennent-ils à s’écharper de la sorte ?
Au début des années 2000, l’Amérique latine penche à gauche ; la Bolivie aussi, qui élit à sa tête dès 2006 le charismatique Evo Morales, ancien leader des cultivateurs de coca.
En 2019 se fissure l’unité au sein de son parti, le MAS(1)Mouvement vers le Socialisme., qui se disloque. Morales décide de se lancer pour un quatrième mandat présidentiel. Les premiers résultats le donnent vainqueur au premier tour, mais l’OEA, présente en tant qu’observateur, prétend le contraire. L’extrême droite, qui manifestait depuis plusieurs semaines en entraînant un grand mouvement contestataire, déclenche un assaut violent contre les institutions, les parlementaires et les maires du MAS, avec un bilan sanglant de 30 morts. Morales démissionne et quitte le pays après ce coup d’État orchestré par l’extrême droite avec la complicité de l’OEA.
Dans la foulée, la sénatrice de l’opposition Jeanine Anez se fait élire par le parlement Présidente par intérim. En 2020, de nouvelles élections sont organisées, que l’opposition alors au pouvoir pense emporter. Or, le peuple donne la victoire une fois encore au MAS, cette fois représenté par Lucho Arce.
Belle revanche pour la démocratie qui condamne ainsi les magouilles de l’extrême droite et les manœuvres de l’OEA. Malheureusement, le MAS ne tarde pas à se fissurer à nouveau, entre les rénovateurs favorables au président Arce et les radicaux attachés à Morales.
Des divergences, au fil des mois, se manifestent par des épisodes plus ubuesques les uns que les autres : décision d’inéligibilité de Morales, auto-coup d’État supposé d’Arce, attentat manqué contre Evo Morales, puis son ordre de capture pour rapports sexuels avec une mineure, lancement de sa candidature malgré son inéligibilité et ses poursuites judiciaires… Morales finit par se réfugier dans sa région d’origine sous la protection de ses partisans. Triste panorama de la gauche en Bolivie, sur fond de crise économique, pendant que les forces de droite et d’extrême droite s’apprêtent à récolter les fruits des divisions du MAS aux prochaines élections présidentielles en août 2025.
Notes de bas de page
↑1 | Mouvement vers le Socialisme. |
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