La France soumise à l’Union européenne, à l’euro, à l’Otan, aux États-Unis

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Nous vivons une période formidable en France. Depuis son retour au pouvoir le 20 janvier dernier à la Maison-Blanche, nous avons tout entendu et lu sur Donald Trump comme quolibets, insultes, injures, critique sur sa santé mentale, etc. En réalité, il ne fait qu’agir dans la troisième phase de la mondialisation, à savoir d’organiser le transfert de la plus-value dans sa version absolue. Nous revendrons ultérieurement sur ces trois phases de la mondialisation.

En attendant, vu la situation de crises multiples que la France subit avec le couple Macron-Bayrou en ce début septembre 2025, le mouvement social dit du 10 septembre doit pouvoir, avec des grèves massives et des assemblées populaires de résistance, produire une bifurcation vers une alternative sociale, mais aussi politique. Pour cela, la soumission de la France aux intérêts des États-Unis via l’UE et l’Otan doit cesser.

Abdications de notre souveraineté en cascades

À chaque rencontre, nos « élites » se soumettent immédiatement aux oukases de Donald Trump. La dernière fois, ce fut « l’accord » sur les taxes, qui se concrétise par des exportations des États-Unis vers l’UE sans taxes, mais, dans l’autre sens, ce sera 15 %, sauf sur l’acier et l’aluminium, 50 %. L’UE s’est engagée à faire 600 milliards d’investissements et 750 milliards d’achats d’énergie aux EU au lieu d’investir en Europe. Mais rien dans l’autre sens. Quant à la répartition de ces engagements entre les pays de l’UE, serait-ce une question impertinente ?

L’avant-dernière fois, ce fut l’« accord » de l’Otan pour passer d’un budget défense de 2 % à 5 % du PIB, soit, pour la France, une augmentation de 80 à 90 milliards d’euros (suivant que l’on calcule le PIB en valeur ou en volume) financée par une baisse des budgets sociaux (santé-assurance-maladie de la Sécu, retraites dans et hors Sécu, chômage, branche famille de la Sécu, branche autonomie de la Sécu, accidents du travail et maladies professionnelles de la Sécu, etc.). Cela se traduit par une contribution des plus riches extrêmement faible, puisque les riches et les grandes et moyennes entreprises doivent payer beaucoup moins que les autres d’après nos « élites » de l’union de toutes les droites. Et, in fine, la négociation seule du Royaume-Uni (68 millions d’habitants) avec Donald Trump a abouti à un meilleur accord que l’UE à 27 pays (450 millions d’habitants) : 10 % au lieu de 15 %.  

Fuite en avant des « eurolâtres » vs souveraineté des nations

Nous attendons donc avec impatience la prochaine justification des eurolâtres de gauche et de droite, qui vont nous dire que c’est plus d’Europe qu’il nous faut et qu’il faut encore plus de transfert de pouvoir des nations européennes vers l’UE. L’UE n’est qu’un gestionnaire des marchés et pas une nation, qui, elle, peut négocier de façon holistique, y compris avec des transferts internes importants et rapides. Il n’y a pas de solidarité inconditionnelle dans une alliance de marchés comme elle peut exister dans une nation. Notre ancien économiste feue Michel Zerbato l’a suffisamment expliqué dans ReSPUBLICA(1)L’Allemagne ne paiera pas ! Même si on lui donne les clés du camion – ReSPUBLICA et L’Allemagne ne paiera pas – 2 : L’impossible sortie de crise dans le cadre de l’euro de Maastricht – ReSPUBLICA. et la Grèce en a fait les frais en 2015.

L’Union européenne est construite contre l’Europe des transferts internes solidaires. Mais elle demande l’union des marchés de capitaux. Cherchez l’erreur !

L’Union européenne est construite contre l’Europe des transferts internes solidaires. Mais elle demande l’union des marchés de capitaux. Cherchez l’erreur ! Une nation de quelques dizaines de millions de producteurs solidaires peut peser plus que les 450 millions de consommateurs européens. D’autant que de nombreux brevets haut de gamme des pays européens et notamment français sont partis aux États-Unis ces dernières décennies, soit directement, soit indirectement par la contrainte (Alsthom, entre autres).

Haro sur l’état social de droit

Même la Confédération européenne des syndicats (CES), dont la tradition est plutôt suiviste de l’ordolibéralisme de la Commission européenne, vient de découvrir que « le programme de travail de la Commission ne compte aucune nouvelle législation sociale ». Par contre, les projets de dérèglementation c’est en veux-tu en voilà ! Esther Lynch, secrétaire générale de la CES, a même déclarée « il y a un vent glacial qui souffle de l’Amérique vers l’Europe qui veut que les solutions pour les travailleurs ne soient plus garanties par les lois ».

Comment expliquer que les projets européens de la Commission et du Conseil européen soient des copiés-collés des notes blanches des lobbies patronaux et notamment de BusinessEurope ? Le duo von der Leyen-Meloni est raccord avec le triangle de Weimar (Allemagne, France, Pologne) pour retarder de plusieurs années tout ce qui relève du droit des travailleurs, de l’écologie (notamment concernant la directive sur les rapports d’entreprise sur le développement durable – DSEDD), du social avec l’accord du Conseil européen, du parlement, et de la Commission.

Dans son rapport 2025, l’Agence des droits fondamentaux de l’UE note que « les nouvelles priorités de la Commission européenne et du Parlement européen mettent l’accent sur la sécurité et la défense. La simplification et la déréglementation pourraient se faire au détriment des droits humains et de la protection de l’environnement ». Et c’est bien le Secrétaire général de l’Otan, monsieur Rutte, qui a dit au début de l’année 2025 que l’augmentation des budgets militaires allait se financer par une baisse des dépenses sociales. Vous voyez comment se prennent les décisions : cela part de Trump, puis l’Otan au garde-à-vous, puis l’UE en soumission.

Pauvre France, cher pays de mon enfance, berceau de tant d’insouciance, je t’ai gardée dans mon cœur

Macron joue double jeu. Au niveau international, il avalise les décisions de Trump (EU)-Rutte (Otan)-von der Leyen (UE) et, en France, il fait croire à l’inverse. Combien de temps cela durera-t-il ? Sans compter que les « élites » européennes jouent aussi à un autre double jeu. D’un côté, elles avalisent les décisions de l’Oncle Sam, elles avalisent de s’en remettre à l’Otan pour leur défense, et, de l’autre côté, dans un « en même temps » très extrême centriste, elles veulent être les championnes de l’ultralibéralisme en engageant des discussions libre-échangistes dans toutes les directions de la planète (le Mercosur en Amérique latine, les 5 Stan asiatiques de l’ex-Union soviétique). Adieu notre agriculture, la souveraineté alimentaire et les normes environnementales.

Mais cette double soumission aux États-Unis contredit l’autonomie stratégique de l’Union européenne et donc de la France. Cette stratégie ultralibérale entrave toute marche vers une Europe Puissance. Et après ces deux soumissions, l’épargne européenne ira prioritairement s’investir aux États-Unis plutôt qu’en Europe. S’agissant de la défense européenne, c’est comme Capri c’est fini, la majorité des pays européens achèteront des armements américains produits en partie grâce aux investissements suite à l’accord honteux Leyen-Trump.

Quant aux liens entre l’engagement d’acheter du pétrole et du gaz aux USA et la stratégie de décarbonation de l’énergie, on voit ce que pèse les paroles de l’extrême centre… Tout cela détruit tout projet émancipateur de l’UE. Même l’objectif de négocier à l’OCDE une fiscalité minimale de 15 % pour les sociétés à l’échelle mondiale et celui de taxer les GAFAM et tous les géants du numérique qui concentrent la plus-value absolue créée par les travailleurs des sociétés sous-traitantes ne pourront pas fonctionner avec les sociétés américaines en fonction de l’accord passé entre l’UE et les États-Unis. Nous avons perdu notre capacité d’une fiscalité autonome.

Que faire ?

Toutes les institutions créées dans ce système incluent des traités, des politiques qui obèrent la possibilité de développer des stratégies prenant en compte les besoins sociaux et limitent drastiquement les délibérations démocratiques.

Voilà ce qui arrive lorsqu’on croit pouvoir mener une politique de gauche quand l’hégémonie culturelle de notre société est une hégémonie culturelle capitaliste. En effet, une partie importante de la gauche pense que l’on peut mener une politique de gauche dans l’UE, dans l’Otan, dans l’euro, dans le capitalisme. Toutes les institutions créées dans ce système incluent des traités, des politiques. Ces traités obèrent la possibilité de développer des stratégies prenant en compte les besoins sociaux et limitent drastiquement les délibérations démocratiques. Voilà pourquoi la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle est d’une ardente actualité. Voilà pourquoi le développement d’une éducation populaire refondée est d’une ardente nécessité. Le réel nous montre que, malheureusement, le grand nombre n’est pas prêt demain matin à 8h30 pour une critique globale radicale des institutions du capitalisme.

Aller au-delà du simple « prendre aux riches » ou « faire payer les riches »

Tout au plus, une grande partie de nos concitoyens espère qu’il suffit de dire qu’il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres sans changer les rapports sociaux de production, de possession, de propriété des moyens de production. Donc, les appels de certains groupuscules pour le Frexit sont totalement contreproductifs. Restons-en à une double stratégie. D’une part, la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle par une formation des militants et une éducation populaire refondée pour le plus grand nombre. D’autre part, il est nécessaire de mener des actions sectorielles contre les politiques nocives de l’UE, à l’instar de sa soumission à l’Otan et aux États-Unis.

Il y a également la nécessité de contester, pour une refondation du marché européen de l’électricité, le relèvement à 20 % de la TVA sur les abonnements EDF demandé par l’UE, de même que de contester la politique commerciale de l’UE et de dénoncer les contrats de libre-échange avec le Mercosur et avec les 5 Stan asiatiques de l’ex-Union soviétique. Penser et proposer une autre politique industrielle européenne, la possibilité de réserver certains marchés publics à des entreprises nationales, pousser à privilégier un achat européen par un « Buy European Act », ne pas accepter que des entreprises étrangères soient défiscalisées et détaxées en France nous paraît un minimum. En revanche, tout cela demande d’avoir conscience du réel et de bien maîtriser le fonctionnement de l’UE afin que notre pays ne soit pas le dindon de la farce.