Alors que la guerre sociale est en cours, la gauche est à l’arrêt. Tous les jours, on apprend en analysant le réel, qu’une chose est sûre, c’est que les droites et le grand patronat sont incapables de se maintenir sans monter de plusieurs crans dans leur politique antisociale et de plus en plus autoritaire. Incapables de développer des recettes fiscales et sociales qui répondent aux besoins sociaux. Incapables de développer des profits suffisants dans l’économie qu’elle dirige. Incapables de gérer sans faire appel au ruissellement de bas en haut de la hiérarchie sociale qui fournit les aides aux entreprises sans contrepartie sur l’emploi ou sur les investissements dans le haut de gamme industriel.
Et ces aides se retrouvent directement dans les dividendes sans aucun avantage pour ceux qui créent des richesses. Nous venons d’apprendre également que deux tiers des enseignants de l’université sont aujourd’hui des vacataires. Nous savons que les soignants hospitaliers sont en maltraitance, que les déserts médicaux sont en augmentation faute de centres de santé avec des médecins salariés, seule façon de résorber cette désertification vu que les syndicats de médecins libéraux refusent la réglementation des installations médicales comme c’est la règle pour les pharmaciens par exemple. Et pendant ce temps-là, le premier ministre est englué dans ses mensonges concernant les écoles privées confessionnelles à Bétharram et ailleurs qu’il a toujours favorisées.
Les anciens se rappellent le 16 janvier 1994 avec son million de manifestants à Paris parce que François Bayrou alors ministre de l’Education avec le soutien du président de la République Jacques Chirac et du premier ministre Edouard Balladur voulait supprimer la limite des financements publics pour les investissements des écoles privées confessionnelles. Mais aujourd’hui, voici François Bayrou, qui ne voit comme politique que celle de la baisse des financements pour l’école, les services publics et la Sécurité sociale d’une part et pour l’écologie d’autre part. Par contre, il abonde les positions de l’extrême centre macroniste à savoir que pour la défense nationale, « l’argent magique » sera sans frein comme le lui demande l’impérialisme étasunien.
Pour le prochain budget de l’Etat et de la Sécurité sociale qui se prépare pour l’automne, 40 milliards seront supprimés pour l’école, les services publics et la Sécurité sociale (santé-assurance-maladie, retraites, petite enfance, logement, animation sociale, lutte contre la précarité, la misère et la pauvreté, les Ehpad et la branche Autonomie, accidents du travail et maladies professionnelles, etc.). La France concoure pour le championnat d’Europe du nombre de morts au travail et pour la mortalité infantile. Alors que les riches paient moins d’impôts en proportion de leurs revenus et patrimoines que les couches populaires et moyennes, Macron-Bayrou veulent continuer de ponctionner les plus faibles et pas d’impôts pour les plus riches et les grandes entreprises.
Alors qu’aujourd’hui, des millions de personnes ne peuvent prendre leurs retraites à taux plein qu’à 67 ans et leurs retraites complètes que vers 68 à 70 ans (notamment les femmes) malgré le caractère pénible de leurs métiers. Alors que l’on sait que toute austérité sur « les essentiels de la vie » diminuera les recettes fiscales et sociales et donc augmentera la dette. Surtout si on n’investit pas dans les technologies critiques à haute valeur ajoutée ce qui est le cas de la France depuis des décennies. Surtout si on veut petit à petit diminuer la redistribution en appauvrissant encore plus les plus pauvres, les plus précaires. Le gouvernement est aidé par la Cour des comptes qui étudie comment on peut supprimer 5 milliards par an jusqu’en 2029 uniquement sur les dépenses de santé(1)Note de synthèse L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam.). Céline Mouzon, journaliste chez Alternatives Economiques titrait « Pour couper dans les dépenses de santé, la Cour des comptes prescrit l’amputation ». Les méthodes de la Cour de la rue Cambon sont de droite classique : bouclier sanitaire, fin des prestations universelles, développement de l’ambulatoire qui augmente les inégalités sociales de santé, développe le privé domestique, etc. En fait, que des méthodes visant à saper la cohésion sociale en coupant à la tronçonneuse.
Quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat, fou qui songe à ses querelles.
Louis Aragon/La-rose-et-le-réséda
Face à cela, que fait la gauche avec ses 30% des votants ? Pas grand-chose. Ou plutôt si ! Elle augmente le nombre de ses candidats pour l’élection présidentielle pour augmenter ses chances de pratiquer au deuxième tour le « front républicain » au profit de l’extrême centre. Extrême centre dont on sait que c’est sa politique et souvent sa volonté qui propulse l’extrême droite au pouvoir(2)Des barons (voleurs) au cabinet – ReSPUBLICA.. Après le candidat socialiste, le candidat de la FI, Jean-Luc Mélenchon, le candidat de Notre France, François Ruffin, voilà Clémentine Autun de l’Après. On attend tous les autres. Et on attend la proposition de primaires, qui est la fausse bonne idée perdante par excellence qui n’intéresse que les médias dominants. Nous avons déjà publié dans Respublica les « douze travaux d’Hercule d’une gauche de gauche(3)Douze travaux d’Hercule d’une gauche de gauche à approfondir – ReSPUBLICA. pour engager le débat des conditions d’une victoire éventuelle. Bien sûr, un candidat unitaire est indispensable pour aller au deuxième tour. Mais encore faut-il que ce candidat soit capable de rassembler au deuxième tour !
Les résultats des dernières élections partielles que nous avons analysés montrent une faiblesse de plus en plus importante sur le plan du rassemblement de la gauche dans l’ensemble des directions politiques des partis du NFP ! Mais en attendant, que penser de la mansuétude des députés socialistes envers François Bayrou dans ce marché de dupes de remplacer la censure indispensable pour moins d’un « plat de lentilles » (le conclave des retraites faisant partie de la société du spectacle si chère à Guy Debord) ? Que penser de la faiblesse des réactions des leaders de gauche face aux propos racistes anti-juif qui ont été proférés contre le député socialiste Jérôme Guedj lors de la manifestation du 1er mai ? Que penser de la mollesse de la gauche politique et syndicale devant le développement des attaques de plus en plus fortes contre la sphère de constitution des libertés (école, services publics, Sécurité sociale) ? Que penser d’un internationalisme par trop sélectif de la gauche oubliant le Soudan, le Nord-Kivu, les pogromes en Syrie, les atteintes à la démocratie dans différents pays du Monde dont des pays de l’Union européenne ? Que penser des gauches qui prônent la démocratie mais qui tardent à appliquer dans leurs propres organisations ?
Le retour au pouvoir des héritocrates
Que penser d’une gauche qui ne mène aucune campagne sur le fait que la France redevient une société d’héritiers par l’augmentation du niveau des inégalités de patrimoine et de la fortune héritée? Restons sur cette question. La gauche française a bien en projet une modification du système d’imposition sur les revenus notamment en 14 tranches. Mais sur le retour à la cotisation sociale, elle est divisée car une partie majoritaire de la gauche est soit favorable au projet patronal de la fiscalisation de la Sécurité sociale soit elle ne souhaite pas mener cette lutte des classes.
Mais ce n’est pas tout ! La gauche est également divisée pour savoir si on est revenu ou pas dans une Héritocratie ! La fortune héritée représente en France 60 % du patrimoine national soit un quasi doublement ces 50 dernières années! Les 10 % les plus riches possèdent près de 80% des actifs financiers en professionnels soit un retour au 19ème siècle ! Le père Goriot de Balzac devient un roman du 21ème siècle analysant la France de ce point de vue. Alors que la France de Rastignac était en régression dans les trois premiers quarts du 20ème siècle, le tournant capitaliste néolibéral et ordolibéral nous y a fait retourner. Alors maintenant avec la nouvelle bifurcation vers le National capitalisme autoritaire, le pire est en route.
Alors que faire ?
D’abord prendre conscience que la gauche est à l’arrêt et qu’elle doit reprendre le débat sur sa propre refondation. Le choix d’une gauche de gauche n’est plus de choisir entre les vieilles recettes des phases précédentes du capitalisme mais avec beaucoup moins de militants et « un léninisme organisationnel, mais au service d’un projet social-démocrate, avec une doctrine très légère, et changeante selon les volontés de Mélenchon et de sa garde rapprochée(4)Formule reprise du chercheur Samuel Hayat. ». Il convient donc de travailler sur une nouvelle théorie révolutionnaire basée en premier lieu sur une analyse critique, politique, géopolitique, sociologique, économique, écologique, du réel existant pour définir les conditions d’ouverture d’une nouvelle phase émancipatrice.
Notes de bas de page
↑1 | Note de synthèse L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam.) |
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↑2 | Des barons (voleurs) au cabinet – ReSPUBLICA. |
↑3 | Douze travaux d’Hercule d’une gauche de gauche à approfondir – ReSPUBLICA. |
↑4 | Formule reprise du chercheur Samuel Hayat. |