Les irresponsables Décryptage de la société du spectacle politique

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La bataille contre l’arrivée du RN et de ses alliés actés et potentiels est très mal engagée. Une nouvelle fois, les élections législatives anticipées, voire la démission du Président, sont à l’horizon. Le « complot » de juin 2024, mis en échec d’extrême justesse, va être de nouveau tenté. Mais le Front républicain s’étiole. Dans le Tarn-et-Garonne, LR donne comme consigne de vote au deuxième tour de ne pas voter socialiste contre le RN. Pour le vote du bureau de l’Assemblée, un accord bloc central-RN a été conclu. En retour, le RN a permis à l’extrême centre, par une abstention, de retoquer par le bureau de l’Assemblée la demande de destitution du Président de la République, portée par 104 députés.

Seul un mouvement social aurait pu contrer cette manigance infâme de l’extrême centre de type « Brüning et Von Papen » (voir la note de bas de page ci-dessous) ! Or, après un bon départ en septembre, le mouvement populaire est à l’arrêt. Les dirigeants syndicaux et politiques de gauche n’ont pas réussi à être à la hauteur des enjeux contre la montée de la stratégie de l’union de toutes les droites(1)Analyse critique des bonnes et mauvaises pratiques de lutte face au capital – ReSPUBLICA..

Nous sommes donc « à découvert », comme on dit à l’armée. ReSPUBLICA doit au minimum signaler cet engrenage fatal et préparer dès à présent les temps difficiles qui s’annoncent pour le camp populaire et les militants.

Et tout s’accélère. Le dernier gouvernement a tenu 14 heures 26 minutes, nuit comprise ! Mais, avant de lâcher la bride institutionnelle à une stratégie d’union de toutes les droites(2)Analyse critique des bonnes et mauvaises pratiques de lutte face au capital – ReSPUBLICA., Macron et l’extrême centre, pour se garantir un avenir radieux dans tous les cas de figure, préfèrent tenter la dernière bouée, un gouvernement d’union de l’extrême centre avec le PS en proposant non pas une abrogation de la réforme des retraites de 2023, ni même une suspension de cette même contre-réforme, mais un report d’un an de la mesure d’âge sans décalage de l’augmentation du nombre d’annuités. Décalage d’une toute petite partie de la réforme des retraites votée au forceps par l’article 49 alinéa 3. Et une « fausse taxe Zucman » pour « grappiller » quelques députés socialistes ! Tout cela pour avoir une discussion ultime avec le PS.

L’extrême droite arrive au pouvoir dans les pays développés lorsque les politiques de l’extrême centre l’y invitent.

Cela permettra à l’extrême centre, qui ne sait plus où il va, de dire « j’ai tout essayé », avant que les analyses des historiens Pierre Serna et Johann Chapoutot soient une fois de plus vérifiées. C’est-à-dire que l’extrême droite arrive au pouvoir dans les pays développés lorsque les politiques de l’extrême centre l’y invitent(3)« L’extrême centre ou le poison français » (1789-2019), de Pierre Serna – ReSPUBLICA, Des barons (voleurs) au cabinet – ReSPUBLICA et L’extrême centre européen continue à développer les forces d’extrême droite dans l’Union européenne – ReSPUBLICA..Tout cela montre que les prévisions de ReSPUBLICA ces dernières années se révèlent exactes jusqu’à la caricature. Comme l’a prédit Karl Marx, après un évènement tragique, la réplique est une farce ! On est loin du bien-être contre les « extrêmes » promis par le laquais du capital en 2017 !

Quelques remarques sur la paralysie de la tripolarisation

La paralysie politique est, dans une large mesure, uniquement due à la tripolarisation de la vie politique française. La plupart des études le montrent. Mais comprenons que les trois blocs de l’Assemblée nationale sont en phase avec leurs électeurs. La seule chose que l’on peut dire est qu’une alliance entre deux blocs est « moins couteuse » politiquement avec un suffrage à la proportionnelle.

Deux causes principales expliquent la tripolarisation actuelle. La première est qu’une politique de l’extrême centre pousse historiquement au développement de l’extrême droite et à des régimes autoritaires (voir les notes ci-dessus). C’est une règle historique que nous avons observée de nombreuses fois dans nos histoires du monde développé et qui se répète dans la nouvelle géopolitique à l’échelle de la planète.

La deuxième réside dans le fait que, lorsque la gauche abandonne la classe populaire, la classe populaire abandonne la gauche(4)La véritable citation provient de Bernie Sanders aux États-Unis, qui déclarait après la victoire de Donald Trump en 2024 : « Le parti démocrate a oublié la classe ouvrière, la classe ouvrière a oublié le parti démocrate ».. La gauche française a perdu plus de 20 points des suffrages exprimés en quelques décennies par une montée fulgurante de l’abstention de la classe populaire bien plus que par l’augmentation des voies populaires à l’extrême droite. L’analyse des gestions de Lionel Jospin et de François Hollande en porte témoignage. D’autres pays européens en subissent les mêmes conséquences. En Italie, c’est un pays tripolaire qui a permis à Giorgia Meloni de prendre le pouvoir et de revenir ensuite à une vie politique bipolaire. 

Par ailleurs, les études d’opinion montrent qu’une dissolution à court terme pourrait aboutir à une plus grande bipolarisation gauche/droite. Elle serait nocive à court terme pour l’extrême centre et, dans le cas où la gauche ne changerait pas de ligne stratégique, cela renforcerait la possibilité d’une prise de pouvoir de l’extrême droite via l’union de toutes les droites, aujourd’hui pilotée par le président du Medef. Il est étonnant d’ailleurs que ce personnage soit « oublié » par les médias dominants et par les discours de la plupart des dirigeants de la gauche syndicale et politique, alors qu’il en est le chef d’orchestre !

Alors que le mouvement social aurait pu être un rempart, les erreurs stratégiques du mouvement du 10 septembre à la suite de cette date éponyme et la non-préparation sérieuse du 2 octobre par les différents acteurs ne le permettent pas. D’ailleurs, l’Intersyndicale, consciente du rapport de forces insuffisant, n’a pas donné d’agenda pour la suite du mouvement, prise qu’elle est entre trois feux, le refus des manifestations saute-mouton par les secteurs militants les plus « bloquants » (les pétroliers, les transports, etc.), la volonté de conserver l’unité de l’Intersyndicale et, enfin, le refus d’une autocritique de sa préparation aux appels à la grève. Le seul point positif est que la volonté de justice sociale est en train de croître dans le camp du travail, ce qui est un tournant intéressant.

Analyse du passage de Lecornu au Biscornu

Nous ne reviendrons pas dans cet éditorial sur les causes liées au capitalisme lui-même, à la nouvelle géopolitique, aux institutions de l’Union européenne et de la France(5)La France soumise à l’Union européenne, à l’euro, à l’Otan, aux États-Unis – ReSPUBLICA, Anatomie du chaos : le capitalisme autodestructeur sous perfusion de l’État – ReSPUBLICA, Le national-capitalisme autoritaire deviendra-t-il le modèle dominant dans le monde ? – ReSPUBLICA, Dans quelle crise sommes-nous ? n° 10 – ReSPUBLICA..

En dehors des médias dominants qui véhiculent leurs litanies avec les différents éléments de langage indispensables à leurs tentatives de rester au pouvoir au côté de la classe dominante, coûte que coûte, le débat s’amplifie dans le mouvement social concernant l’analyse de classe des directions des forces politiques et syndicales de gauche dans l’actuelle séquence, analyse qu’il faudra bien réaliser ultérieurement pour continuer à comprendre le « pourquoi du comment » actuel. Ce débat est d’autant plus important que la radicalité de certains de leurs discours ne correspond en rien à la réalité politique de leurs praxis !

En attendant, le spectacle de la rencontre du vendredi 10 octobre à l’Élysée jusqu’à la nomination du nouveau Premier ministre a relevé de la pitrerie. Guy Debord a dû en rire dans sa tombe ! Derrière la théâtralisation politicienne se profile l’italianisation de la vie politique française. La pièce « je tourne, je vire, puis je vire, je tourne… Et finalement je dissous ! ».

 Pour rester sérieux, nous devons nous préparer à combattre l’union de toutes les droites en nous détournant aussi bien des paroles soi-disant « radicales », mais totalement inoffensives, que des propos d’un autre monde qui n’existe plus !